Surtout les garçons
L'énurésie nocturne primaire isolée de l'enfant (Enpi) touche environ 10 % des enfants de 5 à 10 ans, avec une prédominance chez les garçons.
L'énurésie se définit par une miction normale, involontaire, survenant en un moment ou un lieu inapproprié socialement. L'énurésie nocturne isolée survient pendant le sommeil, en l'absence d'une atteinte du système nerveux central au-delà de l'âge de 5 ans. Elle se définit comme primaire lorsqu'elle a toujours existé, c'est-à-dire que l'enfant n'a jamais été propre la nuit pendant six mois consécutifs sans traitement. Elle n'est associée à aucun trouble mictionnel diurne. C'est la fréquence des accidents qui définit la sévérité de cette affection : on parle d'Enpi sévère lorsqu'il y a plus d'un accident par semaine, modérée quand cela se produit plus de une fois par mois et non sévère à moins de une fois par mois.
Maladie pluricausale
L'Enpi est plus fréquente chez le garçon que chez la fille, le risque pour un enfant est de 40 % si l'un de ses parents a été énurétique et de 60 % si les deux parents ont été concernés. Il s'agit d'une transmission autosomale dominante à forte pénétrance. Les troubles psychiques ne sont pas plus fréquents chez les enfants énurétiques que dans la population générale (le trouble le plus fréquemment associé est le syndrome de déficit attentionnel avec hyperactivité). En revanche, ces enfants ont des réactions compréhensibles et adéquates face à leur handicap, comme une tendance au repli sur soi, car ils ont une mauvaise image d'eux-mêmes.
A priori, ces enfants n'ont pas de perturbation spécifique du sommeil mais plutôt un problème de perception de réplétion vésicale. Dans la journée, ils ne sont pas sensibilisés aux sensations de leur corps, il faut analyser cela avec l'enfant pour lui apprendre à être attentif.
Normalement, entre l'état de veille et le sommeil, la production d'urine chute grâce à l'ADH (hormone antidiurétique) dont le taux basal augmente au moment de l'endormissement surtout chez le sujet jeune. Dans l'énurésie, il n'y a pas toujours ce pic et donc pas de diminution de la production d'urine. Soixante-dix pour cent des Enpi sont des énurésies à forte production d'urine pendant le sommeil (ce qui explique le taux de réussite du traitement par desmopressine). Cela peut être évalué en mesurant la capacité fonctionnelle de la vessie et en la comparant à la capacité fonctionnelle théorique en millilitre pour l'âge, qui se calcule par cette formule : âge + (2 x 30). Pour évaluer cette capacité fonctionnelle, il suffit de peser le soir la couche que l'on met à l'enfant, de la repeser le matin pour connaître la quantité d'urine éliminée dans la nuit et de le faire uriner dans un pot gradué au réveil et cela pendant 48 heures afin de connaître le plus gros volume d'urine qu'il est capable de produire.
Pour 30 % des enfants, le pic d'ADH est normal, c'est le réservoir vésical qui est trop petit et il faudra expliquer à l'enfant comment augmenter sa capacité vésicale (cf. traitement). Dans cette catégorie, un petit sous-groupe de patients présente une hyperactivité de la vessie (contractions anarchiques de la vessie lors du remplissage pendant le sommeil) ; ce sont eux qui relèvent d'un traitement médical par oxybutynine, c'est-à-dire uniquement ceux pour lesquels les autres traitements n'ont pas marché.
L'obstruction des voies aériennes supérieures peut aussi être responsable d'une énurésie par l'hypercapnie qu'elle provoque et qui bloque la capacité de réabsorption tubulaire de l'eau.
Diagnostic
La première consultation doit être longue, l'interrogatoire minutieux pour préciser les caractéristiques de l'énurésie :
- savoir si l'enfant a toujours fait pipi la nuit ou s'il y a eu des périodes plus ou moins longues sans accident ; s'il présente des troubles mictionnels dans la journée ; s'il y a des antécédents familiaux d'énurésie (parents, fratrie, oncles et tantes) ;
- connaître les attitudes mictionnelles de l'enfant : combien de fois par jour il urine. S'il urine tout de suite ou s'il attend la dernière minute ; la quantité et la qualité des boissons qu'il prend, notamment au petit déjeuner ; s'il boit des boissons au cola et quand.
Il est important de demander s'il y a déjà eu des tentatives de prise en charge et lesquelles, et d'obtenir pendant cette consultation une miction de l'enfant pour voir le débit et la force du flux.
L'examen clinique doit être complet en étudiant notamment le rachis lombo-sacré et les organes génitaux à la recherche d'une anomalie.
Le diagnostic d'Enpi sera alors fait sans autre examen et permettra d'envisager la prise en charge.
Prise en charge
Elle sera d'autant plus « agressive » que l'Enpi est sévère et que l'enfant en souffre. Il est important de sentir la motivation de la mère et de l'enfant car on ne pourra pas traiter un enfant non motivé. En général, il ne faut pas prescrire de médicament dès la première consultation mais commencer par mettre en place des mesures hygiénodiététiques :
- boire régulièrement dans la journée sans oublier le petit déjeuner ;
- bien expliquer à l'enfant son système urinaire (rein, vessie, urètre, méat...) ;
- apprendre à l'enfant à uriner régulièrement dans la journée et à être à l'écoute de son corps pour ne pas aller faire pipi à la dernière minute, et pour cela lui demander d'aller uriner à heure fixe en vidant bien sa vessie (cela permettra de faire « grandir la vessie ») ;
- ne pas mettre de verre sur la table de nuit si l'enfant a bien bu dans la journée ;
- pour que l'enfant adhère bien à ce programme, il est nécessaire de lui expliquer la physiologie du système urinaire.
Evaluer la motivation
A la fin de cette consultation, on remettra à l'enfant un calendrier mictionnel qui permettra de compléter les informations lors de la consultation suivante et de voir si l'enfant est vraiment motivé (s'il remplit bien son carnet), quelles sont ses habitudes de boisson, de miction ; d'avoir des renseignements sur la capacité fonctionnelle de sa vessie (plus gros volume uriné sur une période de 48 heures), sur sa compliance au traitement et sur l'efficacité de ces mesures. Le soleil ou le nuage pour signaler les accidents ne sont qu'un élément du calendrier. Il est nécessaire d'expliquer que ces seules mesures peuvent ne pas suffire mais qu'elles représentent une aide pour la suite.
Traitement médicamenteux
On reverra l'enfant pour une deuxième consultation un mois après et l'on étudiera alors le calendrier. Dans 20 % des cas, si elles sont bien appliquées, ces mesures suffisent pour obtenir la guérison. Dans les autres cas, on prescrira la desmopressine par cure de trois mois pour contrôler l'énurésie. Le traitement sera commencé à la dose de un comprimé à 0,2 mg le soir au coucher ou une pulvérisation dans chaque narine pendant une semaine, puis deux comprimés ou deux pulvérisations si la dose initiale est inefficace. Au bout de trois mois, s'il s'est produit moins d'un accident par mois, on diminuera la posologie selon plusieurs cas de figure.
- Il n'y a plus d'accident lors d'une fenêtre thérapeutique : l'enfant est guéri.
- Pendant la fenêtre thérapeutique, les accidents réapparaissent : on reprend alors la desmopressine à la même dose.
- Pendant la fenêtre thérapeutique, les accidents reviennent mais moins fréquemment : on diminue la dose, à un comprimé par jour, voire à un comprimé tous les deux jours pour obtenir la dose efficace la plus faible et on refait une fenêtre thérapeutique au bout de trois mois. Il est rare qu'une cure suffise, il en faut souvent plusieurs pour obtenir la guérison.
Devant un échec thérapeutique chez un enfant très coopérant, on peut administrer un traitement d'épreuve avec les anticholinergiques seuls ou associés à la desmopressine.
Alarme sonore
Dans les formes à petite capacité vésicale, outre l'apprentissage pendant la journée d'un rythme régulier de mictions, on peut utiliser l'alarme sonore qui sonne la nuit lorsque l'enfant commence à uriner. Il faut prévenir les parents que, pendant un ou deux mois, ce sont eux qui seront réveillés et qu'ils devront se lever pour faire uriner leur enfant, et qu'ensuite l'enfant se lèvera seul. En général, trois mois suffisent pour augmenter la capacité vésicale et obtenir la guérison. Il y a alors peu de rechutes.
Sérieux
Toute plainte d'énurésie de l'enfant doit être considérée avec sérieux et entraîner une prise en charge. Le simple fait de sa reconnaissance est déjà pour l'enfant un pas vers l'amélioration de l'image de soi. Il faut une coopération complète de sa part pour obtenir un résultat et dans ce but bien lui expliquer les mécanismes de cette énurésie et lui faire comprendre qu'il a un rôle à jouer pour obtenir la guérison, ce que l'on obtiendra rarement avec l'attitude « d'attendre et voir ».
D'après une conférence du Dr Lottmann (urologie pédiatrique, hôpital Necker) dans le cadre des formations organisées par le service de santé scolaire de la Dases, Paris.
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