LE QUOTIDIEN
Le marathon de la négociation conventionnelle a commencé. Vous envisagez plutôt une convention séparée pour les médecins généralistes ?
Dr PIERRE COSTES
La rénovation du système, basée sur la loi du 6 mars 2002, prévoit un accord-cadre interprofessionnel, une convention par métier - généralistes d'une part, spécialistes d'autre part, et peut-être même une distinction entre spécialités lourdes et légères - ainsi que des options individuelles. Aura-t-on le temps, dans les deux ou trois mois qui viennent, de faire avancer le concept d'un accord interprofessionnel qui règle de manière commune les relations avec l'assurance-maladie, le respect tarifaire, les structures de gestion des conventions, la formation professionnelle ou interprofessionnelle, les éléments de coordination de soins, la télétransmission, etc., tous ces items qui n'ont rien de spécifique d'un métier à l'autre ? Je ne peux pas, aujourd'hui, répondre à cette question.
Concernant les conventions par métier : il n'y aura pas, évidemment, le même accord pour les chirurgiens et anesthésistes de cliniques, les radiologues ou autres spécialistes équipés de grosses machines, les spécialistes cliniciens qui interviennent en deuxième intention sur des secteurs étroits et le grand nombre des médecins généralistes.
Dans ces conditions, le débat théologique « convention unique ou séparée », porté par la CGT ou Force ouvrière, me paraît d'une ringardise...
Vers le « C = CS »
Quelles sont vos revendications prioritaires pour les médecins généralistes aujourd'hui ?
Après le C à 20 euros, tout n'est pas fini. Le médecin généraliste veut qu'on améliore ses conditions de travail. Le C à 20 euros est vécu comme un rattrapage. Que les consultations soient à l'avenir hiérarchisées en quatre niveaux (« le Quotidien » du 2 septembre) importe peu du moment qu'il n'y a pas de différence de traitement entre le généraliste et les autres spécialités.
C'est dans la perspective du « C = CS » que l'on a voulu la consultation approfondie à 23 euros, valeur arrondie du CS (22,87 euros, NDLR). Notre objectif est d'élargir progressivement le champ d'application de cette consultation approfondie (appliquée depuis le 1er mars pour le bilan de santé annuel des patients atteints d'une affection de longue durée ou ALD, NDLR). Nous voulons mettre en place un calendrier afin que le tarif de toutes les consultations usuelles des généralistes passe à 23 euros.
A la fin du mois de juin, vous avez réclamé aussi l'extension aux généralistes du forfait pédiatrique de 5,13 euros (accordé aux pédiatres pour les consultations ou visites des bébés de 0 à 24 mois).
C'est une mesure à prendre immédiatement. Les nouveaux tarifs de nuit et des soins d'urgence des généralistes ont été étendus aux pédiatres. Les généralistes ne comprendraient pas que cela marche à sens unique.
Plus tard, évidemment, il faudra réfléchir au moyen de rénover et de rémunérer d'autres fonctions sous forme de forfaits.
Quelles fonctions exactement ?
La fonction administrative des médecins, par exemple. Pour le compte de la collectivité, les médecins noircissent du papier, s'occupent avec la télétransmission de l'échange électronique des feuilles de soins. Ces tâches sont une fonction de service public. Qu'un médecin transmette dix feuilles de soins électroniques par jour ou cent, la maintenance de l'ordinateur et du système est la même. Cela nécessite donc une rémunération forfaitaire.
Les urgences, la permanence des soins sont également concernées. On a pour l'instant avancé sur l'astreinte ou disponibilité. Mais quand un médecin travaille dans le cadre d'un service de garde organisé de service public, il lui faut une rémunération particulière. Qu'elle se fasse dans une maison médicale de garde, dans un cabinet rural tournant ou dans un véhicule, cette garde de service public doit être organisée et comporter, au bout du compte, des rémunérations. Cette discussion a d'ailleurs commencé au sein d'un groupe de travail ministériel (conduit par l'ex-sénateur RPR Charles Descours, NDLR).
Que voyez-vous dans le troisième étage de l'édifice conventionnel rénové prévu par la loi ?
J'y mets des contrats négociés collectivement avec une adhésion volontaire des médecins. C'est le principe du contrat de groupe. Nous avons déjà l'option médecin référent, qui constitue le plus gros réseau de France, avec 1,2 million de patients adhérents - à comparer avec le 1,4 million d'assurés de la CANAM (régime des professions indépendantes, NDLR) - et 6 500 médecins. Ce réseau ne peut que perdurer.
On va pouvoir aussi mettre dans ce troisième étage des options régionales. La régionalisation sera un élément fort de la rénovation du système.
Qu'attendez-vous du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2003 ?
On nous a dit qu'il n'y aurait pas de révolution dans ce PLFSS. Nous avons une demande très particulière. Nous ouvrons avec le ministre de la Santé le chantier de la garde de service public. Cela nécessite un financement. Nous ne voulons pas discuter jusqu'à la fin de l'année pour finalement apprendre que les mesures ne seront financées que par le PLFSS 2004. Nous demandons donc immédiatement le montage d'un fonds pour l'indemnisation de l'astreinte et de la garde de service public de l'ensemble des professionnels de santé, hors ONDAM (Objectif national de dépenses d'assurance-maladie, NDLR). Aujourd'hui, on finance uniquement l'astreinte du médecin généraliste par le FORMMEL (Fonds de réorientation et de modernisation de la médecine libérale, NDLR). Or les autres professions de santé, notamment les pharmaciens, sont aussi concernées. Il faut donc créer un fonds spécifique dans le PLFSS pour assurer la pérennité du financement de l'astreinte et de la garde libérale de service public.
Ce fonds pourrait être alimenté par le budget de l'Etat, par les collectivités locales ou territoriales.
Le fantasme
du médecin de campagne
Est-ce que les aides à l'installation (13 000 euros pour un généraliste s'installant dans certaines zones et respectant un cahier des charges) pourraient aussi être financées par ce fonds ?
Je crois plutôt qu'il faut prévoir des lignes budgétaires spéciales. Aujourd'hui, on finance des aides à l'installation (qui n'arrivent pas, d'ailleurs, car il manque des décrets d'application) pour les seuls médecins avec le FORMMEL.
Il faut favoriser l'installation, mais aussi le maintien des professionnels.
Cette année, MG-France prêtera particulièrement attention aux médecins urbains ou suburbains, c'est-à-dire ceux qui sont en périphérie de ville. Le message « il n'y a plus de médecins dans les campagnes isolées » est très bien reçu dans l'opinion des responsables parisiens, celle de la « France d'en haut », comme on dit. Leur fantasme, c'est le médecin généraliste en zone rurale. Mais 80 % des généralistes habitent et exercent en ville en France, d'où des difficultés liées aux coûts immobiliers, à l'insécurité, à l'offre médicale, hospitalière et universitaire pléthorique favorisant la circulation des patients. Au total, les généralistes ont un travail de management qui devient de plus en plus difficile en ville avec une population mobile.
La France d'en haut, celle des énarques, la France administrative, réduit la médecine générale au mythe de la médecine de campagne d'antan. Elle a tort. Médecin généraliste est un métier clé, extrêmement moderne, plein d'avenir, car, pour l'exercer, il faut allier proximité, compétence pour le management de maladies complexes et capacité à animer des équipes de soins primaires (infirmiers, kinés...).
Nous voulons valoriser, et même « revaloriser », ce métier, car il est de plus en plus utile. Les pathologies, l'environnement, le manque de tri en amont... font de la médecine générale une médecine extrêmement complexe. Comme la chirurgie, l'obstétrique et l'anesthésie, la médecine générale est une spécialité à forte contrainte. C'est, par conséquent, la consultation du généraliste qui devrait être la mieux payée en ville.
Les généralistes face aux ARS
Qu'espérez-vous des groupes de travail ministériels lancés par Jean-François Mattei ?
Deux secteurs ont été oubliés, pour lesquels nous allons demander l'ouverture de chantiers : les éléments périphériques à l'exercice professionnel (conditions logistiques, sécurité, emploi, retraite et fiscalité) et la responsabilité médicale.
Deux autres dossiers attendent les pouvoirs publics : celui de la gestion d'un nouveau système de santé régionalisé et celui de la clarification des relations du gouvernement avec l'assurance-maladie et les partenaires sociaux.
A MG-France, nous travaillons déjà avec d'autres professionnels de santé libéraux à notre représentation face aux futures agences régionales de santé (ARS). Celle-ci devrait prendre la forme d'unions interprofessionnelles régionales, avec des collèges par métier, sur le modèle des URML (unions régionales des médecins libéraux incluant un collège de généralistes et un collège de spécialistes, NDLR). Pour nous, les ARS représentent la régionalisation impliquant tous les acteurs. Nous n'entendons pas laisser les syndicats de salariés et le patronat discuter face à face avec l'Etat sur la manière d'organiser l'assurance-maladie en France. Nous ne nous cantonnerons pas à notre rôle de syndicat catégoriel qui s'occupe des conditions de travail des praticiens.
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