Picasso vaincu par le principe de l’égalité des chances

Le Grand-Palais a décliné pour cette Picasso-mania la vieille devise de l’école républicaine, l’égalité des chances. Il n’est pas sûr que le résultat comme pour l’Éducation nationale soit à la hauteur de l’ambition. Le projet pourtant était séduisant. Et s’inscrit en profondeur dans l’histoire de l’art. Les œuvres d’hier sont une source d’inspiration inépuisable pour les artistes d’aujourd’hui et de demain. Dans ce cas d’espèce, la descendance de Picasso est multiple. Elle est dispersée sur tous les continents. Et a nourri de nombreuses écoles depuis le pop art jusqu’au graffiti. Au-delà du style ou du programme, des tableaux du maître ont joué le rôle d’icône, de repères dans l’histoire de l’art du XXe siècle comme Les Demoiselles d’Avignon ou Guernica. Pour autant, les citations, les hommages ne justifient pas toujours d’être accrochés sur les cimaises du Grand-Palais. Et comme le principe d’égalité, l’absence de hiérarchie a présidé à la présentation des œuvres, le visiteur doit lui-même opérer des choix. Ce grand écran offert à Émir Kusturica pour son film d’étude Guernica certes de grande qualité n’est-il pas démesuré ? A contrario, les tableaux de Picasso juxtaposés ne bénéficient pas d’un même espace. Drôle de paradoxe. En dépit de la déception, de la sensation de fourre-tout, l’exposition recèle des œuvres fortes. Dans les dernières salles, les œuvres ultimes de Picasso dominées par l’érotisme et la passion du corps féminin, à la manière d’un Rodin par exemple, signent un émouvant éloge de la jouissance. Cette émotion est palpable dans la salle d’ouverture où un mur vidéo astucieux recueille les témoignages d’admiration de dix-huit artistes d’aujourd’hui. On n’en a jamais fini avec les grands artistes.