JAZZ/ROCK
Keith Jarrett et Chick Corea ont plusieurs points communs. Outre le fait d'être des pianistes d'exception, les deux hommes ont fait partie des premières formations électriques de Miles Davis dans les années 1970. Par la suite, leur cheminement musical est devenu parallèle. Keith Jarrett, qui avait été découvert au sein du quartette de Charles Lloyd au milieu des années 1960, est devenu le mentor que l'on connaît. Quant à Chick Corea, après une aventure réussie avec son groupe de jazz-rock Return To Forever, il a partagé sa riche carrière entre formations acoustiques et électriques.
Keith Jarrett, âgé aujourd'hui de 58 ans, a depuis passé son temps entre expériences dans le monde de la musique classique et surtout à la tête de son célébrissime trio - Gary Peacock (contrebasse) et Jack DeJohnette (batterie) -, dont on fête en 2003 le vingtième anniversaire. Cette formation légendaire est devenue LA référence en matière de trio et son leader, LA référence stylistique. Quasiment tous les pianistes de la génération actuelle, ou à venir, ont été, sont et seront influencés par l'approche musicale développée par les trois hommes et l'exploration des touches au niveau mélodique et harmonique de Keith Jarrett. Pour fêter ses vingt années d'existence, le pianiste et ses fidèles acolytes viennent de sortir « Up For it » (ECM/Universal), un CD enregistré en direct au Festival Jazz à Juan, d'Antibes - Juan-les-Pins, lors d'une soirée mémorable où la pluie faillit annuler toute la prestation.
On retrouve dans cet album exceptionnel des titres devenus des standards du groupe - « Someday my Prince Will Come » ou « My Funny Valentine » -, ainsi que des thèmes que les trois hommes n'avaient jamais enregistrés jusqu'à présent, dont un chef-d'uvre be-bop de Charlie Parker - « Scrapple From The Apple » - et une composition originale du pianiste, « Up For It ». Un disque absolument merveilleux pour Keith Jarrett - qui a reçu le Polar Music Price de la musique pour 2003 - et ses amis. (1)
Chick Corea, 61 ans désormais, s'est, pour sa part, lancé dans un tout autre projet musical. Afin de célébrer ses 60 ans en 2001, il avait réuni tous les deux jours pendant trois semaines pas moins de neuf ensembles différents, allant du duo - avec le vocaliste Bobby McFerrin - à l'akoustic band, en passant par le quartette. Le résultat : « Rendez-vous in New York » (Stretch Records/Universal), un superbe double album (SACD hybride), très éclectique musicalement, dans lequel figurent une pléiade d'étoiles, outre McFerrin, comme Gary Burton (vibraphone), Joshua Redman et Mike Brecker (saxophone), Terence Blanchard (trompette), le vétéran Roy Haynes et Dave Weckl (batterie), Christian McBride, Avishai Cohen et Miroslav Vitous (basses), ou encore George Benson et Dianne Reeves (vocal). On peut également réentendre le pianiste en trio - avec M. Vitous et R. Haynes - dans « Trio Music » (ECM/Universal), un disque gravé en 1982 avec une partie totalement improvisée et un hommage à la musique de Thelonious Monk. (2)
Voilà plus d'un demi-siècle que Martial Solal fait partie du PMF (paysage musical français). A 75 ans, le pianiste, considéré comme une des sommités dans le monde du jazz français comme international, est un éternel chercheur. Insatiable, curieux, explorateur, défricheur, Martial Solal, qui compose et arrange également, sait parfaitement que, pour vivre, une musique a besoin d'évoluer, de changer, de se transformer. Après de nombreuses expériences, c'est à la tête d'un trio - avec François Moutin (basse) et Bill Stewart (batterie) - qu'il s'est retrouvé, après le 11 septembre 2001, en « live » au mythique Village Vanguard de New York pour la réouverture du club après les tragiques événements. D'où un enregistrement, « Live at The Village Vanguard » (Blue Note/EMI), composé de sept titres - dont plusieurs standards, comme « Body and Soul », « Softly as in The Morning Sunrise » ou « What is This Thing Called Love » - totalement revus et revisités par un trio à la fois inspiré et touché par la situation dans le New York d'alors. Un disque très émotionnel.
(1) Concert unique dans le cadre du 43e Festival Jazz à Juan, Antibes - Juan-les-Pins, pinède Gould, 17 juillet, 21 heures.
(2) Festival Jazz à Vienne, Vienne-Théâtre antique, 8 juillet, 21 heures.
Ahmad Jamal, l'as des touches
La carrière d'un musicien tient bien souvent à peu de choses. Un disque, une appréciation, un commentaire. Dans le cas d'Ahmad Jamal, ce sont les propos tenus par un de ses défenseurs les plus ardents dans les années 1950 - en l'occurrence Miles Davis, qui avait demandé à sa section rythmique d'alors, composée de Red Garland, Paul Chambers et Philly Joe Jones, d'aller l'écouter - face à une critique très interrogative qui ont valu au pianiste d'acquérir et de maintenir sa réputation.
A 72 ans aujourd'hui, Ahmad Jamal est devenu une référence. Des alter ego comme McCoy Tyner, Herbie Hancock, Keith Jarrett ou Kenny Baron parmi les plus anciens, Jacky Terrasson ou Cyrus Chesnut parmi la nouvelle génération, reconnaissent volontiers l'influence que cet as des touches a eu sur leur style propre.
Pianiste surdoué - il interprétait Liszt dès l'âge de 11 ans -, il enregistre son premier disque en 1951, se fait une sérieuse réputation à la tête de ses trios avant de connaître des problèmes personnels graves qui vont l'éloigner quelque peu de la scène jazz au cours des années 1960-1970. C'est à la faveur de Bebop revival de la décennie 1980 que le pianiste fera son retour, avec l'aide notamment d'un producteur français, Jean-François Deiber, patron du label Birdology, chez qui Ahmad Jamal vient de sortir son dernier opus, « In Search of... Momentum » (Birdology/Dreyfus Jazz), en compagnie de ses fidèles acolytes James Cammack (basse) et Idris Muhammad (batterie). Un disque dans lequel le leader renoue avec l'art subtil du trio autour de belles compositions originales et de standards après ses rencontres interactives avec George Coleman et Stanley Turrentine (saxes), Donald Bird (trompette) ou Joe Kennedy Jr. (violon).
En marge de cette nouveauté, Birdology et Dreyfus Jazz rééditent à cette occasion trois albums indispensables dans le parcours récent de Jamal : « Live In Paris 1992 » (en trio) et « Live In Paris 1996 » (en septette avec Coleman et Kennedy Jr.), et « Nature » (1998, avec Turrentine).
D. P.
Paris - Théâtre des Champs-Elysées (01.42.56.90.10), 26 mai, 20 h 30. Festival Jazz sous les Pommiers, Coutances,28 mai.
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