«LA PRISE EN COMPTE du réel est incontournable. Nul ne saurait y déroger, même si ce réel ne correspond pas à nos attentes ou à notre logique rationnelle. De ce point de vue, l’esprit médical devrait être un des derniers bastions du bon sens», écrit Alain Bellaiche, qui se définit comme médecin et observateur des faits de société. Fustigeant la perte des valeurs, la négation de la spiritualité, la folle tentative de la modernité occidentale de faire de la femme une copie conforme de son alter ego masculin, et de l’enfant «un adulte en miniature», son texte recense les multiples aberrations de notre idéologie contemporaine pour les dénoncer. La logique égalitaire et l’intégrisme laïc sont pour lui les principaux responsables de notre perte. Conscient du caractère peu politiquement correct de ses propos, il coupe lui-même l’herbe sous le pied de ses éventuels adversaires après avoir décrit l’atmosphère de «pollution mentale» de l’air du temps que nous respirons en affirmant que son constat, peut-être populiste, n’en est pas moins une réalité et que «seuls les imbéciles y trouveront un caractère politique», car «c’est la vocation de cet essai que de ne pas se laisser enfermer dans ces pièges stupides».
Education, consommation de soins gynécologiques, évolution de la façon d’entrevoir la maternité, de vivre la ménopause, perte des repères pour les plus jeunes, fausse libération des femmes par le travail, autant de sujets qu’il évoque et analyse avec une énergie critique non motivée par la seule recherche du consensus, dénonçant une société où les idées sont devenues produits de consommation, destinées à suivre les modes comme à être rentabilisées. En chassant de notre monde la foi et toute idée de transcendance, notre société et son intégrisme laïc s’exposent à tous les obscurantismes, estime-t-il.
Pour une refondation de la médecine.
«Y aurait-il une voie qui réconcilierait la parole et la science, la technique et l’humain, la gestion des affaires médicales et la liberté», s’interroge Jean Pellet. Probablement, dit-il ; encore eût-il fallu consulter les médecins, les associer à cette nécessaire refondation de la médecine et du système de soins au lieu de leur imposer des réformes aussi aberrantes qu’humiliantes. Car les médecins comme la médecine sont prêts à une remise en question, à une réflexion sur leurs relations avec la technique, sur leur place dans la société. Il y a de grands risques que le fameux colloque singulier entre le patient et son médecin ne soit en train de vivre ses derniers moments, explique-t-il en substance tout au long de son journal de bord, alors que cette relation est au coeur du soin.
Les médecins ne sont pas là pour occulter la question de la mort, pour appuyer cette promesse d’ «éternelle jeunesse vieillissante», de notre société et de son fol arsenal consumériste. La médecine «est un art du réel et doit refuser son instrumentalisation», affirme-t-il clairement.
Communiquer, au sens moderne du mot, n’est pas «s’en remettre à quelqu’un», avoir confiance. Dans une très belle lettre, « Adresse à mon patient », écrite à la façon de Bernard-Marie Koltes (« Dans la solitude des champs de coton »), Jean Pellet explique ce qu’est cette relation thérapeutique, loin d’un triste contact entre un usagé, consommateur de soins, et un prestataire de services. Espérons que ces rencontres humaines ne disparaissent pas tout de suite pour être remplacées par des colloques médicaux scientifiques entre des requérants de soins et un groupe de techniciens de santé, dans le cadre d’une procédure de gestion du requérant, comme il l’imagine dans l’épilogue, extrait de son journal du 11 septembre 2084 !
Alain Bellaiche, « Lettre ouverte d’un médecin à une société malade », L’Age d’homme, 144 pages, 14 euros.
Dr Jean Pellet, « le Cauchemar d’Hippocrate », éditions Yves Michel, 286 pages, 17 euros.
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