CRAIGNANT UN DÉFICIT à hauteur de « plutôt 14 milliards (d'euros) que 12 » en 2004, Philippe Douste-Blazy a confirmé dimanche dernier sur Europe 1, lors de l'émission « Le Grand rendez-vous », que la réforme de l'assurance-maladie serait votée définitivement « fin juillet », comme l'a annoncé le Premier ministre au début du mois.
« D'abord, je ferai des propositions qui seront soumises, pour consultation, aux partenaires sociaux début mai, a expliqué le ministre de la Santé et de la Protection sociale. Ensuite, je serai auditionné par la mission parlementaire que Jean-Louis Debré [le président de l'Assemblée nationale, Ndlr] a souhaité mettre en place, le 4 mai. Puis, je transmettrai le projet de loi au Conseil d'Etat vers le 20 mai. Enfin, je présenterai à la mi-juin le projet de loi au conseil des ministres. »
Un texte qui devrait être discuté par les parlementaires en juillet, lors d'une session extraordinaire. « C'est très précis et très net », a insisté le ministre.
A propos du débat politique sur la réforme, Philippe Douste-Blazy a mis en garde l'opposition : « L'opinion publique n'acceptera pas que des gens fassent de la petite politique politicienne » sur un dossier aussi important.
Refusant toute étatisation ou privatisation, le ministre de la Santé a prôné l'idée d'une « gestion responsable » par les partenaires sociaux qui « doivent accepter de copiloter (le système) avec nous et accepter que l'Etat ait une place prééminente [par une politique de santé publique, ndlr] mais aussi que le Parlement, in fine , décide (de l'objectif des dépenses) ».
Il est revenu sur son schéma de gouvernance, fondé sur la contractualisation entre une union des caisses, une union des professions de santé et une union des complémentaires (« le Quotidien » du 19 avril). En revanche, il a éludé la question du financement. Tout au plus a-t-il indiqué qu'il n'était pas partisan d'alourdir les charges patronales. « Moins on touchera les entreprises de manière aveugle, mieux ce sera », compte tenu de la « croissance fragile », a-t-il tenu à préciser
Installation : incitation avant coercition.
En ce qui concerne les médecins libéraux, le ministre de la Santé estime qu' « il faudra, s'agissant des problèmes de démographie médicale et de disparité géographique , inciter très largement les médecins à s'installer dans les régions (défavorisées) et demain peut-être, pourquoi pas - c'est une question qu'il faut poser en amont en première année de médecine -, être carrément beaucoup plus dirigiste ».
A propos du « fameux problème du secteur I et du secteur II », qui conduit de nombreux médecins spécialistes à tarifs opposables à généraliser leurs dépassements d'honoraires, voire à s'autoproclamer en secteur à honoraires libres, il propose un nouveau type de relations entre eux, le ministère de la Santé et de la Protection sociale, et la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam), « pour pouvoir définir de nouvelles filières, de nouveaux parcours et de nouvelles conventions ».
Selon lui, « il y aura une modification nécessaire des comportements pour dépenser mieux, pour dépenser moins, pour soigner mieux. Je suis persuadé que les médecins généralistes, comme les spécialistes libéraux de ce pays, sont prêts à le faire parce qu'ils n'y ont que des intérêts, financiers et, surtout, intellectuels ». Sans donner plus de précisions, Philippe Douste-Blazy a assuré qu' « on ne fera rien sans les médecins ni contre eux ». « Tous les ministres qui ont essayé de faire des réformes sans les médecins n'y sont pas arrivés », a-t-il ajouté.
Du côté des patients, « il doit y avoir une lutte contre les abus et certaines dérives ». Le ministre a déclaré avoir commandé, dès son arrivée, des rapports, dont l'un, consacré aux « problèmes de gratuité (des soins) , (aux) problèmes de carte Vitale et (aux) arrêts maladie », lui sera remis « d'ici à quinze jours ».
Philippe Douste-Blazy a remis en cause l'idée, souvent évoquée par son prédécesseur, de responsabiliser les patients essentiellement par leur porte-monnaie, préconisant plutôt des « changements de comportements » et le déremboursement des traitements reconnus scientifiquement comme inutiles.
Il a notamment jeté au panier la suggestion de Jean-Pierre Raffarin (en octobre dernier, lors de l'installation du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie) de dérembourser les soins consécutifs à des accidents de sport. « Il faut faire très attention à cette pente : elle est très belle intellectuellement dans des bureaux, elle est plus difficile (à appliquer) sur le terrain », a affirmé le ministre.
Le forfait de 2 euros par boîte de médicaments n'est pas non plus une recette qu'il retiendra, tant elle créerait selon lui des injustices , s'agissant notamment des malades chroniques et des assurés les plus défavorisés. Il balaie donc d'un revers de main la solution du forfait et souligne que la réforme à venir doit être « juste et équitable ». Enfin, le ministre se dit persuadé que, « in fine , la réforme sera beaucoup plus populaire qu''(on) ne le pense ».
Pas de ralentissement notable des dépenses de soins de ville en 2004
Le niveau de consommation de soins de ville reste « élevé » pour les trois premiers mois de l'année (+ 4,8 % en tendance annuelle contre un objectif fixé de 3,15 % pour 2004), selon les statistiques provisoires de la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam), arrêtées à fin mars.
Au total, l'Objectif national de dépenses d'assurance-maladie (Ondam) atteint 5,1 % depuis le début de l'année (contre 4 % voté par le Parlement). Certes, par rapport aux mois de novembre et décembre 2003, caractérisés par des pics épidémiques, les dépenses de ville ont légèrement reculé dès janvier.
Mais au-delà de la fin de la trêve hivernale, la Cnam constate que les « éléments disponibles à ce jour n'indiquent pas de ralentissement notable de la croissance de la consommation ». Même si elle se révèle « un peu moins rapide », la tendance à la hausse des dépenses de ville pour l'ensemble du premier trimestre 2004 ne se dément donc pas et la caisse exclut de parler d' « inflexion significative ».
Sur les mois de janvier à mars, les honoraires médicaux et dentaires augmentent de 3,1 %, les prescriptions, de 6,4 %, et les indemnités journalières, de 2,6 %. Les dépenses du poste des hôpitaux publics et des cliniques progressent respectivement de 4,1 et et 5,7 %.
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