Tribune

Philippe Devins* : « Il y aura en 2020 50 milliards d’objets connectés »

Publié le 12/11/2015

Crédit photo : DR

La force de la vague numérique emporte nos modèles de pensées et nos usages. On raisonne désormais en temps réel et en zettabytes – 1 milliard de terabytes. Le paradigme Internet qui consiste à être connecté partout et pour tout va être amplifié par l’émergence de l’Internet des objets pour lequel on parle de 50 milliards d’objets connectés en 2020 et de 1 900 milliards d’objets connectables pour le stock d’objets existant. La santé fait consensus qui a accumulé une quinzaine d’années de retards technologiques alors que la solidarité sanitaire affronte les affres de la crise économique, faute de vision systémique et de culture de l’information. Il faut s’attendre à une évolution sans précédent avec la possibilité de dommages collatéraux à prévenir.

Retour vers le futur

L’informatique bénéficie d’une progression géométrique efficacité/énergie/coût depuis 1965, soit depuis cinquante ans, sans que la fameuse loi de Moore n’ait encore été mise en défaut même si nous commençons à être contraints par les barrières physiques que sont la vitesse de la lumière et l’espace interatomique. Quelle avancée entre le premier processeur de l’Histoire (1970) avec ses 500 instructions par seconde et l’ordinateur Tianhe 2 (rivière céleste en chinois) et ses 33,86 mille milliards instructions par seconde. On rappellera qu’une seule recherche sur Google représente la puissance de calcul de l’ensemble de la puissance informatique requise par l’ensemble des programmes Gemini et Apollo. Comme dans tous systèmes physiques ou organisationnels, il faut gérer et contrôler une complexité croissante et jamais atteinte à ce jour. En l’état, seule l’intelligence artificielle permise par le calcul, et notamment par l’inférence bayésienne, permettra la gestion et la coordination des processus.

Demandez le programme

Les architectures de demain seront économes en énergie – aujourd’hui 3 % de la consommation mondiale – et d’une puissance industrielle et domestique sans précédent. Sur la base de la technologie Memristor© et des optical ring resonators, The Machine, programme innovant d’HP remise au passé les RAM, disques durs ou autre câbles en cuivre. Il consommera cent fois moins d’énergie pour une puissance de calcul dix fois supérieure à l’état de l’art actuel. Un Datacenter actuel construit sur ces bases prendrait le volume d’un réfrigérateur. Alors que le monde devient un ensemble interconnecté à haute vitesse, la sécurité des données et des architectures doit être envisagée par conception ex-ante et via les accès tracés. Bienvenue dans le monde du Q3 (Qui fait Quoi et Quand). Cette évolution permet d’envisager un futur sensiblement différent de ce que nous connaissons aujourd’hui.

La loi, les usages et le deuxième principe de la thermodynamique

Introduit par Rudolf Clausius en 1865, le principe d’entropie établit que tout système évolue vers un degré de désorganisation croissant par transformation irréversible. La santé ne dérogera pas, aidée par les possibilités informatiques. 80 % des technologies se transforment tous les trois ans, ce qui correspond au temps de l’accouchement d’une loi de notre République. À preuve, l’Internet des objets était inconnu des décideurs il y a encore cinq ans, le coût du séquençage génomique humain est passé de plusieurs milliards de dollars en 2003 à moins de 500 dollars aujourd’hui et de plusieurs années à quelques heures. L’analyse intelligente des données permet d’optimiser les processus pour plus de qualité en faveur des patients, d’économiser les ressources publiques pour la Cnamts et d’éviter des fraudes sociales (25 milliards par an en France selon la Cour des comptes et la Mecss). Les algorithmes de calcul bayésien permettent le diagnostic d’un AVC thrombotique en quelques dizaines de secondes avec une fiabilité quasi totale, là où il faut plusieurs dizaines de minutes par un neurochirurgien. Les réanimateurs du Québec forment des infirmières, sur la base d’arbres de décision pour l’aiguillage des urgences, ce qui a pour conséquence d’économiser plus de la moitié des ressources médicales classiques. Microsoft étudie, avec des promesses de première grandeur, une aide au diagnostic médical plus efficace et plus fiable que ne l’est le médecin isolé qui ne connait, par exemple, le diabète qu’au travers du souvenir de quatre heures de cours théorique durant ses études.

Passant du cure au care, du soin à la prévention, du risque court au risque long avec les pathologies chroniques, la puissance de l’informatique interconnectée représente une promesse de progrès, alors que les populations vieillissent, que la santé pèse de plus en plus lourd sur nos économies en période de crise. Il n’en demeure pas moins que l’État doit demeurer vigilant et le garant de l’éthique pour anticiper les dérives qu’engendrent l’appât du gain porté par la crédulité et l’état de faiblesse des patients et les potentielles dérives éthiques.

* Directeur des marchés publics, Hewlett Packard Enterprise.
série sous la direction de Jean-Pierre Blum.

Source : lequotidiendumedecin.fr