LÉNA MONTALÉTANG, 30 ans, titulaire depuis 2002 de la pharmacie du petit village de Lignières-Sonneville, dans la grande champagne du cognac, au coeur de la Charente rurale, déplore le départ du médecin. « Cinquante pour cent de notre activité venait de ses prescriptions », s'inquiète-t-elle clairement.
Le Dr Dominique Champon, 58 ans, quitte ses malades pour un autre poste, au grand dam des six cents habitants du bourg (en réalité, il y a 2 500 malades potentiels en comptant les hameaux environnants). « Nous sommes en milieu rural, explique Léna Montalétang , au sein d'une population composée de viticulteurs, d'agriculteurs, de retraités et de résidents travaillant à Angoulême. Le généraliste est donc le principal prescripteur local, à la base de notre clientèle. Sa disparition fait plus que nous pénaliser, elle nous fragilise économiquement. Mais, surtout, elle pose un problème de santé publique. » Aucun remplaçant n'apparaissant à l'horizon, la pharmacienne s'investit dans une recherche urgente (le Dr Champon fait ses valises au début mai), soutenue dans ses actions par la commune et bon nombre de ses concitoyens. Elle a donc passé de son propre chef des annonces dans différents médias, contacté la presse locale et alerté les pouvoirs publics.
Coup de pouce à l'installation.
Ces derniers l'ont écouté, puisque la municipalité propose un coup de pouce aux candidats à l'installation . « Le médecin, explique la pharmacienne, aura un local professionnel gratuit, une exonération de taxes professionnelles durant deux ans, un week-end de garde sur quatorze et seulement deux nuits par mois. Sa clientèle se compose des habitants de la commune, mais aussi des pensionnaires de la maison de retraite voisine et d'un foyer logement. J'ai donc contacté des amis à la fac de Poitiers, mais cela ne les intéresse pas : ils préfèrent les remplacements. » La jeune femme a donc cherché sur le Net, vers d'autres pays comme l'Espagne (un généraliste ibérique s'est installé à Marthon, autre commune charentaise, il y a deux ans. Il avait été débauché par la mairie qui était dans le même scénario d'urgence), hélas ! sans résultat, du moins pour l'instant. La démarche de la dernière chance sera celle des médias : la presse régionale s'est emparée de l'affaire et les journaux nationaux ont pris le relais.
Employant deux salariés pour un chiffre d'affaires annuel de 1 million d'euros, tributaire d'un emprunt sur douze ans, la pharmacienne de Lignières ne baisse pas les bras, même si elle est consciente de la gravité de la situation. « Nous avons eu quand même des contacts à force de faire du bruit, se réjouit-elle. Un généraliste du Bordelais intéressé nous a contactés ; nous attendons sa visite. Et j'ai convaincu les médecins alentour d'intégrer dans leurs gardes le futur titulaire du poste. Nous pensons que, à force de remuer l'opinion, cela devrait donner des résultats, d'autant que l'aide apportée par la commune, le fonds de commerce et la clientèle potentielle de l'ancien médecin sont des atouts pour un jeune souhaitant s'installer. »
Du côté du Conseil de l'Ordre des pharmaciens, on approuve la démarche, tout en soulignant l'importance régionale du problème, que l'on retrouve dans de nombreuses bourgades charentaises. « L'Etat se doit d'intervenir, souligne le président Paul Nadaud, pour que l'ensemble de la population française soit traitée à l'identique. Ce genre de situation va se multiplier dans nos campagnes. Il faut savoir si l'égalité devant la santé relève du gouvernement ou pas. A Angoulême, vingt médecins peuvent s'installer, alors qu'ici, ou à côté, il n'y en a pas. Il faudrait donc légiférer. »
En attendant, la détermination de Léna Montalétang n'est pas entamée. Après avoir frappé à toutes les portes et passé des centaines de coups de fil, elle poursuit inlassablement ses démarches, l'oeil rivé sur le calendrier. L'appel est lancé, le docteur est attendu, dans l'urgence.
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