Une équipe de chercheurs du CNRS de l'institut Curie (UMR144) vient de mettre en évidence le rôle primordial d'une petite protéine, ARF6, dans un processus cellulaire essentiel : la phagocytose. Ce mécanisme permet à l'organisme de se débarrasser de gros déchets et de pathogènes.
Niedergang et coll. ont montré que la protéine ARF6 y participe en permettant à la membrane plasmique des cellules d'augmenter sa surface.
Certaines cellules du système immunitaire sont capables d'« avaler » de grosses particules telles que des cellules vieillissantes, des débris cellulaires ou encore des bactéries. Une fois internalisées, ou « phagocytées », ces particules sont dégradées. Si la phagocytose ne fonctionne pas correctement, l'organisme risque une infection et une inflammation chronique, susceptible de conduire à l'apparition de cancers.
Lorsqu'un phagocyte rencontre une particule à éliminer, il la fixe sur sa membrane à l'aide de récepteurs spécialisés. La membrane du phagocyte s'étire alors autour de la particule de manière à l'enrober totalement. L'étirement de la membrane met en jeu les filaments d'actine contenus par la cellule : ces filaments, qui constituent les « muscles » de la cellule, vont se réorganiser de manière à pousser la membrane plasmique autour de la particule à phagocyter. Au cours de ce processus, la surface de la membrane plasmique du phagocyte augmente : des morceaux de membrane des compartiments internes à la cellule (en particulier celles de petites vésicules) vont fusionner avec la membrane externe de la cellule pour permettre ce phénomène. Le mécanisme qui induit la régulation de cette réorganisation des membranes est très peu compris.
Activation transitoire précoce
La protéine ARF6 (ADP Ribosylation Factor 6) est une petite protéine capable de fixer le GTP, apparentée à la protéine Ras. Elle est présente sous une forme active ou inactive selon les besoins de la cellule. Elle participe à divers processus de trafic des membranes à l'intérieur des cellules. De plus, on a récemment observé que les cellules mutantes exprimant une protéine ARF6 activée en permanence, tout comme celles n'exprimant plus ARF6, ne sont pas capables d'accomplir une phagocytose. Cependant, le rôle exact de ARF6 dans ce processus cellulaire restait à déterminer. Niedergang et coll. s'y sont employés.
Ils ont tout d'abord montré que la protéine ARF6 était effectivement activée lors de la phagocytose. Cette activation est transitoire et commence au cours d'une étape très précoce du phénomène.
Les chercheurs ont ensuite étudié, grâce à la microscopie électronique à balayage, la phagocytose de particules par des macrophages murins. En utilisant des macrophages exprimant un allèle mutant de ARF6, ils ont pu observer qu'en l'absence de protéine ARF6 fonctionnelle la phagocytose était inhibée : l'extension de la membrane plasmique du phagocyte autour de la particule se bloque très rapidement. Pourtant, la polymérisation de l'actine se passe comme dans une cellule normale.
C'est le processus de redistribution des membranes qui est affecté dans les cellules mutantes. Sans apport de membrane depuis l'intérieur de la cellule, le phagocyte ne peut pas enrober totalement la particule pour l'internaliser.
Le mécanisme moléculaire selon lequel la protéine ARF6 agit sur la redistribution des membranes au cours de la phagocytose reste à déterminer. La compréhension de ce phénomène permettra non seulement de clarifier nos connaissances sur la phagocytose, mais elle apportera aussi des éléments importants au sujet d'un processus qui conduit à la formation des métastases. En effet, lorsqu'une cellule cancéreuse quitte une tumeur primaire, elle utilise un mode de déplacement qui a des points communs avec la phagocytose : une extrémité de la cellule s'allonge à une extrémité grâce aux filaments d'actine et cette déformation nécessite un accroissement de la membrane. La protéine ARF6 pourrait donc jouer un rôle dans la formation des métastases.
F. Niedergang et coll., « The Journal of Cell Biology » du 23 juin 2003.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature