CETTE ANNÉE encore, comme en 2000 et en 1994, la convention et la politique de santé nationale volent la vedette aux unions professionnelles.
Créées par la loi Teulade de 1993, les Urml demeurent relativement en retrait et méconnues, notamment parce qu’elles n’ont pas rempli toutes leurs promesses. Elles furent les toutes premières instances régionales du paysage sanitaire français, avant les Urcam (unions régionales des caisses d’assurance-maladie) et les ARH (agences régionales de l’hospitalisation), instaurées par les ordonnances Juppé de 1996. Mais, en dépit des débats récurrents sur le sujet, le système de santé n’a jamais pris le pli de la régionalisation. Au grand dam du député UDF de Vendée, Jean-Luc Préel, qui défend depuis des années l’idée d’un «conseil régional de santé», représentatif de «tous les acteurs élus par collège» et chargé de gérer un «Ondam régional» (objectif de dépenses d’assurance-maladie) calibré en fonction des besoins et des priorités. «La régionalisation est le meilleur moyen de s’en sortir, estime Jean-Luc Préel. Dans ce cadre-là, les Urml auraient eu un pouvoir beaucoup plus important qu’aujourd’hui.»«Le chemin de la régionalisation est long et ne dépend pas de nous», regrette aussi le Dr Patrick Brézac, généraliste en Pays de Loire et ancien président de la Conférence nationale des présidents (CNP) des unions de 1994 à 2003.
Innombrables travaux.
Dans une « Lettre ouverte aux patients » publiée en mai 2004, dix-huit présidents d’unions écrivaient que régionaliser «une partie du système de santé (permettrait) de gérer au mieux et au plus près les allocations et les finances de l’assurance-maladie». Tout compte fait, la loi sur la réforme de l’assurance-maladie s’est contentée de programmer des expérimentations d’agences régionales de santé (ARS) pendant une durée de quatre ans. «Le gouvernement a pensé que les esprits n’étaient pas mûrs. A mon avis ce n’est que partie remise», commente Joseph Losson, directeur de l’Urcam d’Alsace et président de la Conférence des directeurs d’Urcam.
A défaut de pouvoir contribuer à la régulation du système de santé à l’échelon régional, les Urml apportent leur pierre à son organisation, en partenariat avec les ARH, les Urcam et les directions régionales et départementales des affaires sanitaires et sociales (Drass et Ddass). Les unions sont appelées, par exemple, à donner des avis sur les Sros (schémas régionaux d’organisation sanitaire) et les zones déficitaires définies par les missions régionales de santé. Leurs élus participent aussi aux observatoires régionaux de la démographie des professions de santé.
Pendant leurs douze années de fonctionnement, les unions ont produit d’innombrables travaux relatifs à la démographie, aux questions de santé publique, à la permanence de soins, à la prévention, au dépistage, etc. Certains responsables syndicaux raillent ces études jugées «de moindre qualité que celles de l’Ordre des médecins» et surtout «le délire mégalomaniaque de Libéralis».
Financé par treize unions, le système d’informations Libéralis visait à organiser le recueil des données des feuilles de soins électroniques émises par les cabinets libéraux afin de mieux connaître la pratique médicale.
Au contraire, le Dr Brézac pense que, loin de gaspiller l’argent des médecins libéraux, les unions ont travaillé en étant «en avance sur leur temps» car «le système de santé sera à l’avenir moins curatif et plus préventif et prédictif».
«L’Urml a des compétences sur des dossiers qui sont communs aux Urcam, rappelle, de son côté, Joseph Losson. Dans la plupart des régions, les représentants des unions ont joué leur rôle dans les comités de gestion des Faqsv [Fonds d’aide à la qualité des soins de ville mis en place en 2000, ndlr] et participé aux comités des réseaux, au service de la coordination des soins et du lien ville-hôpital.»«Les services des unions apportent un savoir-faire et de l’ingénierie pour aider à monter les dossiers», précise Michel Régereau, président de la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam) et du Faqsv national. L’Urcam de Bretagne, qu’il a présidée, a mené des actions innovantes avec l’Urml en matière de prescriptions, dans le cadre de «groupes qualité» de praticiens et des visites médicales réalisées par des jeunes médecins ou pharmaciens chargés de fournir «une information de proximité sur les médicaments plus indépendante et contradictoire» (Infoproximed), précise Michel Régereau.
Le recueil des données médicales.
En Midi-Pyrénées, l’Urml est à l’origine d’un outil de régulation libérale souple, l’Armel, qui traite chaque mois 30 000 appels des patients aux médecins d’astreinte.
Mais l’Armel, comme beaucoup d’autres initiatives régionales (maisons médicales de garde, réseaux...), ne bénéficie pas d’un financement pérenne. Or les nouvelles modalités d’allocation des moyens du Faqsv assombrissent l’horizon de ces expérimentations soutenues par les élus des Urml. Le nouveau fléchage de l’argent du Faqsv est en effet plus favorable aux actions nationales et interrégionales (70 % des dépenses du fonds, contre 20 % auparavant) qu’aux actions régionales (30 % de la dépense au lieu de 80 %). «C’est un vrai souci», confie le Dr Pierre Monod, président Csmf de l’Urml Languedoc-Roussillon et de la Conférence nationale des présidents (CNP) des unions. Certes, l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) conduite par les unions fait partie des priorités nationales et se voit attribuer 11 millions d’euros en 2006 (contre 92 millions d’euros pour le dossier médical personnel). Il reste que le Dr Monod se montre inquiet face au caractère «fourre-tout» du Faqsv national et aux délais nécessaires au déblocage des crédits.
Quel avenir pour les Urml ? A l’union Midi-Pyrénées, Jean-Louis Bensoussan veut croire que les «dissensions syndicales» au sein des unions, qui ont parfois sérieusement entravé leur fonctionnement (en Rhône-Alpes, notamment), s’apparentent à «un péché de jeunesse». Selon cet élu MG-France, les Urml «vont peut-être maintenant avoir un fonctionnement plus adulte allant dans le sens d’une amélioration de la qualité des soins et d’une meilleure qualité de vie des médecins».
Pour le Dr Monod, les unions devront assumer surtout deux dossiers phares, l’EPP et la transmission des données aux unions (TDU). Le rôle des Urml dans la santé publique devrait aussi être «développé» : pour l’information et la formation des praticiens sur la grippe aviaire par exemple, «le gouvernement a fait appel aux unions», souligne le Dr Monod.
Ici ou là, des voix s’élèvent en faveur d’une révision de la composition de la CNP qui réunit actuellement les 26 présidents d’Urml tous les deux mois environ. En outre, les relations entre les unions et les syndicats médicaux méritent sans doute une clarification. Alain Lion, président SML de l’Urml alsacienne, considère ainsi que «les syndicats n’ont pas utilisé les unions comme ils auraient dû». A l’inverse, poursuit-il, «les unions se sont parfois autosaisies sur des sujets purement syndicaux», comme l’assurance RCP des spécialités à risques, à travers le projet «Réconcilier droits et soins».
«On va arriver à une phase de maturité où les syndicats auront une place première», pronostique Pierre Monod. Il assure que la TDU « permettra de comprendre l’articulation possible entre Urml et syndicats», bien qu’il s’agisse d’un «sujet très politique – puisque qui détient l’information détient le pouvoir». Lorsque cet outil sera mis en place, il devrait fournir techniquement des arguments aux syndicats dans leur négociation avec l’assurance-maladie. Citant l’exemple des spécialités pénalisées par le parcours de soins, le Dr Monod pense que l’outil TDU sera à terme susceptible d’ «affiner les chiffres en fonction de la situation géographique, des types de spécialités, afin que nos organisations syndicales puissent proposer des mesures correctives plus fines». Pour ce faire, les unions devront mettre en place des départements d’information médicale (DIM), et donc se professionnaliser. Ce sera sans doute l’enjeu de la prochaine mandature qui débutera début juin.
Devoirs et missions
Les unions régionales de médecins libéraux (Urml) ont vocation à « contribuer à l’amélioration de la gestion du système de santé et à la promotion de la qualité des soins ».
Composées de 10 à 80 membres élus pour six ans par l’ensemble des médecins libéraux, les unions sont divisées en deux sections ou collèges (généralistes et spécialistes).
Le législateur a voulu les voir participer « notamment aux actions suivantes :
– analyse et étude relatives au fonctionnement du système de santé, à l’exercice libéral de la médecine, à l’épidémiologie, ainsi qu’à l’évaluation des besoins médicaux ;
– évaluation des comportements et des pratiques professionnelles en vue de la qualité des soins ;
– organisation et régulation du système de santé ;
– prévention et actions de santé publique ;
– coordination avec les autres professionnels de santé ;
– information et formation des médecins et des usagers ».
Dans ce cadre, les Urml doivent « assumer les missions qui leur sont confiées (...) par la ou les conventions nationales » conclues avec l’assurance-maladie ou bien « par les organisations syndicales représentatives de médecins ».
La loi Veil du 18 janvier 1994 a complété la loi Teulade pour obliger les médecins libéraux conventionnés à transmettre aux unions des informations anonymisées liées à leur activité par voie électronique (grâce au codage des actes). Mais les Urml ont attendu pendant dix ans le décret d’application sur les modalités de cette transmission des données.
Outre la parution dudit décret, l’année 2004 marque un tournant à plusieurs titres. La loi réformant l’assurance-maladie donne une nouvelle dimension aux élections aux Urml : désormais, elles seules déterminent la représentativité des syndicats médicaux et leur légitimité à négocier un accord (convention, avenant, accord-cadre) avec les caisses. Par ailleurs, la loi du 13 août 2004 rend obligatoire l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) dans laquelle les unions jouent un rôle clé.
Revers de la médaille : l’EPP mobilise ou va mobiliser « presque 20 % des budgets » des Urml, pronostique le Dr Pierre Monod, actuel président de la Conférence nationale des présidents des Urml. Or le financement des unions repose toujours sur la cotisation obligatoire payée par les 114 000 médecins libéraux conventionnés. Celle-ci est indexée sur le montant du plafond annuel de la Sécurité sociale (0,5 % du plafond, soit une cotisation de 155 euros en 2006). Le produit de ce prélèvement est reversé aux unions en fonction d’un système de péréquation : 40 % à parts égales entre les Urml et 60 % au prorata du nombre d’électeurs inscrits par région.
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