Prélèvements microbiologiques en réanimation

Peut-on se permettre d'être moins systématique ?

Publié le 08/10/2008
Article réservé aux abonnés

LES PRÉLÈVEMENTS systématiques pour préciser l'écologie du patient font l'objet de nombreux articles dont les conclusions sont contradictoires. Si le dépistage de portage de bactéries multirésistantes (BMR) (prélèvements nasaux, rectaux, des plis inguinaux et axillaires) est justifié, la réalisation et la répétition de certains prélèvements sont inutiles.

Ainsi, en l'absence de signes cliniques, la réalisation systématique de prélèvements respiratoires (ECBC, aspiration trachéale), l'envoi en culture d'un cathéter après son ablation, l'ECBU chez les patients porteurs d'une sonde urinaire, la coproculture, les écouvillons d'escarres ou d'ulcères cutanés colonisés à de multiples germes ne sont pas nécessaires. En revanche, chez les patients aplasiques, la réalisation systématique d'une coproculture quantitative et d'un prélèvement de gorge est justifiée pour identifier une souche bactérienne prédominante qui permettra de guider l'antibiothérapie si le patient est fébrile.

La mise en culture de matériels, tels les drains, les embouts de redons, les sondes urinaires, les lames, susceptibles d'être contaminés n'a pas d'intérêt, y compris dans un contexte fébrile.

Dans le contexte chirurgical.

La mise en culture systématique des liquides de Redon n'est pas justifiée, que ce soit dans les péritonites ou en cas d'intervention orthopédique dite « propre », même en cas de syndrome septique. «De plus, comme le souligne le Dr Alexandra Aubry, dans le cadre de la chirurgie cardiaque et orthopédique septique, si la négativité des cultures du liquide de Redon, réalisée de façon empirique trois fois par semaine, guide le retrait progressif du drain et le passage à l'antibiothérapie par voie orale, il n'existe actuellement aucun consensus sur la conduite à tenir en cas positivité de ces cultures.»

La crainte d'une médiastinite (de 1 à 5 % des suites d'une chirurgie cardiaque) dont le taux de mortalité est de 25 à 47 % rend nécessaire un outil diagnostique fiable et rapide permettant la mise en route d'une antibiothérapie précoce afin d'éviter la reprise chirurgicale. Dans ce contexte, la mise en culture des deux derniers centimètres de l'extrémité distale des électrodes épicardiques était considérée dans les années 1990 – sur des cohortes de faible effectif (de 20 à 200) – comme ayant une faible valeur prédictive positive (VPP), mais une excellente valeur prédictive négative (VPN). Depuis 1997, les études réalisées sur des cohortes plus importantes (de 600 à 1 500) confirment la faible VPP, mais mettent également en évidence une VPN moins bonne, faisant douter de l'utilité pratique de cet examen.

Malgré les recommandations françaises, britanniques et américaines, le Dr Alexandra Aubry souligne qu'il est licite de s'interroger sur l'intérêt de l'antigénurie pneumococcique dans le contexte de pneumopathies sévères et de méningites en réanimation pour plusieurs raisons. La sensibilité de ce test est de 75 à 90 % dans les pneumopathies bactériémiantes et de 45 à 65 % dans celles qui ne sont pas bactériémiantes (faux négatifs). Chez les enfants et les patients atteints de BPCO, dont le taux de colonisation rhinopharyngée à pneumocoque est important, ce test n'est pas fiable (faux positifs). L'antigénurie pneumococcique peut rester positive pendant plusieurs semaines à mois (extrême : 1 an) rendant ce test ininterprétable en cas d'antécédent d'infection à pneumocoque. Ce test ne fournit pas d'antibiogramme. Or l'émergence de souches de S.pneumoniae à sensibilité diminuée aux ß-lactamines est de plus en plus fréquente.

Certaines publications faisant état d'une meilleure efficacité d'une double antibiothérapie, y compris dans le traitement des pneumopathies à pneumocoque, un certain nombre de réanimateurs ne modifie pas le traitement pour une monothérapie en cas d'antigénurie pneumococcique positive. La réalisation de ce test est donc inutile dans ce cas.

Enfin, compte tenu d'un nombre élevé de faux positifs et de faux négatifs, pour le diagnostic de méningites, la réalisation d'une antigénurie pneumococcique doit être déconseillée. En revanche, la détection de cet antigène directement dans le LCR est très utile. L'intérêt de ce test mérite donc d'être évalué en termes de rapport coût/bénéfice, en particulier dans le diagnostic des pneumopathies.

L'apport des outils moléculaires dans le diagnostic microbiologique.

Le Dr Alexandra Aubry tempère l'optimisme de certains articles laissant entendre que ces méthodes pourraient remplacer les techniques microbiologiques classiques. Dans un certain nombre de cas, les résultats des techniques moléculaires ont montré leur infériorité par rapport au diagnostic microbiologique classique. Il s'agit, entre autres, des infections sur prothèses orthopédiques, des infections du liquide d'ascite ou des infections de pacemaker. En effet, dans ces cas, les résultats de l'ARN 16S et des techniques microbiologiques classiques sont discordants, avec parfois un prélèvement sur deux relevant la présence d'ADN bactérien sans que ce résultat ne puisse être corrélé cliniquement avec une infection. Dans ces cas, l'utilisation d'outils moléculaires risque donc d'entraîner une errance diagnostique et une antibiothérapie inadaptée.

Ces résultats « décevants » de la recherche d'ADN bactérien par des outils moléculaires s'explique en partie par le simple fait que le volume de l'échantillon étudié est au plus de 10 µl, alors qu'il peut être de l'ordre de 10 ml pour les techniques microbiologiques classiques. La probabilité de mettre en évidence une bactérie dans un prélèvement paucibacillaire est donc plus favorable pour les techniques microbiologiques classiques. En revanche, cet outil est utile dans certaines circonstances, notamment en cas de forte suspicion d'endocardite selon les critères de Duke et en l'absence d'antécédents d'endocardite, ainsi que dans le cas particulier des endocardites opérées avec recherche d'ADN bactérien directement sur un fragment de valve cardiaque.

D'après un entretien avec le Dr Alexandra Aubry, microbiologiste dans le service de bactériologique-hygiène, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.

> Dr N. F.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8436