Ce n’est pas la première fois que le HCSP et la Cour des comptes s’associent pour tirer un bilan d’un plan sanitaire : les deux institutions avaient déjà collaboré en 2008 pour évaluer le plan cancer. Si ce plan avait reçu à l’époque un accueil plutôt favorable, il en va tout autrement du plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008. D’un montant de 540 millions d’euros financé à 93 % par l’assurance maladie et à 7 % par l’État, le plan psychiatrie s’était fixé plusieurs objectifs (cf. encadré). Selon la Cour des comptes, le bilan est globalement négatif. Elle étaye son propos par quatre constats.
Poids excessif de l’hospitalisation complète
Première remarque : il n’y a pas eu de passage progressif de l’hospitalisation complète vers des alternatives à celle-ci. Raison invoquée : le manque de structures d’aval. « Selon une étude menée en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, note la Cour, 60 % des patients en séjour prolongé, c’est-à-dire de plus de dix mois, étaient considérés en 2007 comme réorientables vers des structures alternatives à l’hospitalisation complète. Si l’on extrapole la proportion constatée en Paca, près de 10 000 patients resteraient sur le territoire français hospitalisés […] alors que leur état de santé permettrait, grâce à une prise en charge adaptée reposant sur les structures alternatives à l’hospitalisation, d’accéder à une autonomie accrue ». Conséquence : une gabegie des moyens accordés à la psychiatrie. En effet, les sages de la rue Cambon rappellent que le « coût d’une hospitalisation complète est de l’ordre de 450 euros par jour, contre 55 euros en hôpital de jour, pour la partie médicale ». Parallèlement, l’effort financier accordé aux alternatives à l’hospitalisation complète reste limité. Le nombre de places en hospitalisation partielle n’a augmenté que de 2 000 entre 2000 et 2009, de 500 places en placement familial thérapeutique, tandis que la capacité d’accueil en appartement thérapeutique régressait de 500 places, sur un total de 1 100 places. C’est que le mode de financement de la psychiatrie en dotation globale, qui reconduit d’année en année la même enveloppe aux mêmes établissements, ne permet pas un redéploiement des moyens, ce qui pâtit aux alternatives à l’hospitalisation.
Programme « santé justice » insuffisant
Deuxième constat accablant de la Cour : la « persistance des disparités de prise en charge des 65 000 détenus, dont plus du tiers souffre de pathologies psychiatriques, alors que le programme comportait un programme “santé justice” pour y remédier ». Malgré des moyens significatifs (134,5 millions d’euros, soit cinq fois plus que prévu), le nombre de psychiatres en milieu pénitentiaire reste faible. Qui plus est, la coordination entre administration pénitentiaire et professionnels de santé est lacunaire, entraînant ainsi des prises en charge erratiques des patients.
Pilotage lacunaire
La Cour juge également que le pilotage du plan n’a pas été optimal, si bien que « la maîtrise, le suivi des moyens nouveaux – en personnel, en investissement et en recherche » en ont été affectés. Résultat : les financements ont été répartis de manière inégale : « élevés pour l’immobilier, la formation des infirmiers et la sécurité, difficilement identifiables pour les créations de postes et presque inexistants en recherche. » Qui plus est, la psychiatrie publique n’a pas vu augmenter significativement son financement : « De 2004 à 2008, l’augmentation de l’enveloppe de l’assurance maladie qui finance les soins a été de 9,5 %, tandis que les financements hospitaliers, toutes disciplines confondues, augmentaient de 14,3 %. » La Cour relève cependant un motif de satisfaction : d’ici à 2017, 329 opérations d’investissement, en particulier dans l’immobilier, auront été conduites, représentant un effort de 1,8 milliard d’euros.
Refondation de l’organisation territoriale
Enfin, la Cour se prononce pour une refondation de l’organisation territoriale, qui va de pair avec un démantèlement effectif de la sectorisation. Elle constate en effet que « les secteurs demeurent dans les faits la base de la coordination, alors qu’ils n’existent plus en droit ». et la sectorisation a ses défauts, dont le principal est de ne pas distinguer « les moyens affectés aux structures hospitalières de secteur des moyens consacrés à l’hospitalisation complète et donc permettre une persistance de l’hospitalocentrisme ».
Rapport nuancé du HCSP
Le rapport du HCSP est beaucoup plus nuancé et relève de nombreux motifs de satisfaction, dans l’exécution du plan cancer : « Globalement les principales et plus importantes mesures du plan ont été menées comme prévu, avec des effets divers d’entraînement au niveau des régions selon les thèmes abordés. » Le HCSP reprend point par point les objectifs que s’était assigné le plan. Premier d’entre eux, le décloisonnement de la prise en charge. « Concernant l’axe 1 […] on peut conclure que les objectifs opérationnels prévus ont effectivement été mis en œuvre […] à l’exception de la promotion de la santé mentale, la lutte contre l’isolement des médecins généralistes, la mobilisation des dispositifs de travail adapté ». Le deuxième axe du plan concernait le renforcement des droits des malades et l’amélioration de l’exercice des professionnels en santé mentale. Le Haut Comité constate, pour ces thématiques, que l’atteinte des objectifs est partielle, et que leur impact est faible. Le troisième axe du plan avait trait au développement de la qualité et de la recherche. Les mesures ont permis de développer des initiatives intéressantes (Gis, intercommission Inserm…), mais ont été insuffisantes « pour faire évoluer la situation de la recherche en santé mentale et en psychiatrie ». L’axe 4 du plan prévoyait la mise en place de programmes spécifiques. Il a eu une forte incidence sur « la forte mobilisation nationale pour le programme prévention-suicide […] Le programme santé-justice semble avoir recueilli l’engagement des différents partenaires […] Les programmes “périnatalité, enfants et adolescents” et “population vulnérable” ont permis un renforcement des moyens préexistants ». Le HCSP, au global, tire le constat suivant : « L’effort de mise en œuvre a été soutenu tout au long de la durée du plan. »
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