Le Généraliste. Comment améliorer le paysage de la contraception en France ?
Elisabeth Aubeny. Il ne faut plus que l’argent soit une barrière et les femmes doivent absolument s’approprier leur contraception. Celle-ci reste trop médicalisée car certains médecins se sentent très, voire trop, concernés par cet aspect! Les femmes doivent comprendre que les soignants sont motivés pour les aider mais que la contraception est de leur responsabilité.
Il faut bien souligner que la contraception et le dépistage sont deux choses différentes. Ne pas faire la distinction brouille les messages. Il faut bien séparer les deux car les femmes pensent parfois que le frottis se fait dans le cadre de la consultation de contraception. Aussi, si elles ont un moyen contraceptif de longue durée comme un implant ou un stérilet, elles ne reviennent plus consulter pour le dépistage.
Il est important que les femmes puissent obtenir une contraception facilement et rapidement. Un décret va permettre aux pharmaciens de renouveler une ordonnance médicale de contraception. Cela permettra aux femmes qui ont un emploi du temps chargé de bénéficier plus aisément d’un moyen contraceptif.
Selon le rapport de la DRESS sur 2008 et 2009, il y a encore 222 000 IVG dont 11670 chez les mineures. Comment faire reculer le nombre d’Interruptions volontaires de grossesse ou de grossesses non désirées ?
E.A. Chez les jeunes, on voit qu’ils savent se protéger. Près de 95 % ont un premier rapport sexuel protégé. Ils ont très bien compris comment se prémunir de l’infection à VIH ou des autres infections sexuellement transmissibles. Mais, les conduites de prévention ont tendance à se relâcher au bout de trois mois quand un test à VIH est revenu négatif. Surtout, les fausses idées sont encore trop nombreuses. Une des plus répandues est qu’il faut se protéger autour du 14° jour du cycle. L’éducation sexuelle prodiguée à l’école explique que l’ovulation survient le 14° jour du cycle. Donc, les femmes (et aussi les hommes !) pensent qu’en début ou en fin de cycle, il n’y a aucun risque mais j’ai coutume de dire que « l’ovule est volage et le spermatozoïde est tenace ». Les jeunes ne savent pas comment agit la pilule. Les femmes pensent que l’effet de la contraception orale se maintient pendant deux à trois mois quand elles arrêtent la pilule. Il ne faut pas non plus qu’elles assimilent la contraception d’urgence à un moyen contraceptif régulier.
Est-ce que le projet de loi sur la contraception anonyme et gratuit pour les mineures pourrait améliorer les choses.
E.A. Tout ce qui peut faciliter l’accès à une contraception anonyme et gratuite est bon. Car, dans la réalité, les jeunes ayant besoin d’une contraception sont confrontés à différents obstacles (manque de confidentialité du circuit de remboursement, difficultés de financement, méconnaissance…). En Ile de France, le Pass contraception permet depuis avril 2011 aux Franciliens de 17 ans d’accéder de façon anonyme et gratuite à l’ensemble de l’offre contraceptive, au début de leur vie sexuelle, la Région met à leur disposition dans leur établissement scolaire un Pass comprenant différents coupons (consultation, prise de sang, analyses médicales, délivrance de tous contraceptifs pour trois à six mois).
Comment les généralistes peuvent-ils s’impliquer à l’avenir ?
E.A. Ils ont un rôle important pour écouter le désir des femmes et les conseiller dans le choix de leur contraception. Pour celles-ci il est parfois difficile de se repérer parmi tous les moyens existants. À ce titre, on peut inciter les femmes à consulter des sites internet comme contraceptions.org qui peuvent les aider dans leur choix. Il est ensuite beaucoup plus facile pour le médecin de les aider à choisir la contraception qui leur convient. Ils doivent aussi donner des consignes claires et simples sur les problèmes pouvant survenir pendant la prise d’œstroprogestatifs (oublis de pilule, métrorragies etc...)
Mais rappelons que la première contraception orale doit être faite avec une pilule de deuxième génération comme le recommande la HAS. Bien que ce ne soit pas toujours facile, la prescription en avance d’une contraception d’urgence peut être très utile particulièrement pour les femmes qui utilisent des préservatifs.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature