LES AVOCATS, qui ont fait grève mercredi (ce qui ne leur arrive pas souvent), estiment qu'ils ont été dupés. Ils ont négocié avec le ministère de la Justice pour atténuer certaines des dispositions les plus sévères de la loi dite Perben II, du nom du garde des Sceaux. Et, expliquent-ils, ils ont obtenu parfois satisfaction jusqu'à ce que les députés rejettent les amendements proposés par le ministre à leur demande.
La « Perben II » va loin : elle prolonge la garde à vue jusqu'à 96 heures, elle introduit la notion du « plaider coupable » qui n'est pas adaptée à notre droit et entraîne une simplification de la procédure, elle renforce le rôle des procureurs, qui ne pèchent pas, en général, par une charité excessive.
Les cris de l'opposition.
Bien impuissante à freiner la majorité dans ses menées sécuritaires, l'opposition dresse un tableau apocalyptique des conséquences possibles de la loi : le règne de l'arbitraire, vingt ans en arrière, jour noir pour l'Etat de droit.
On devine que le ministre de la Justice, Dominique Perben, n'est pas tout à fait à l'aise dans sa nouvelle tenue de justicier. Mais il n'est pas impossible que le gouvernement, qui sait parfaitement, quand il le faut, museler les élus de son camp, ait laissé faire à bon escient à la veille des régionales. Il ne compte pas sur les voix de gauche, qui ne lui pardonnent rien, même ce qu'il fait bien ; mais il multiplie les opérations de charme en direction des électeurs du Front national.
Lesquels, s'ils font un rapide bilan, devraient admettre que, pour la sécurité, Jean-Pierre Raffarin et ses ministres sont allés aussi loin qu'ils le pouvaient : non seulement ils n'ont pas craint, malgré les réserves de Nicolas Sarkozy, de faire adopter la loi sur le voile, ce qui revient à faire une croix, si l'on ose dire, sur une partie de l'électorat musulman et complique singulièrement la politique arabe de M. Chirac ; mais voilà qu'ils durcissent encore leur projet sécuritaire. Cela devrait plaire aux électeurs du FN.
L'affaire de l'accouchée menottée.
La manœuvre n'est pas aisée qui consiste à séduire l'extrême droite en lui renvoyant des reflets de ce qu'elle est. D'autant que, comme par hasard, on a appris une chose affreuse, à savoir qu'une jeune détenue avait été menottée avant son accouchement au début de janvier, ce qui a soulevé, dans toute la France, des cris aigus d'indignation, jusqu'au moment où on a appris que cela s'était souvent produit et qu'il est impératif d'assouplir le règlement régissant les prisons et pénitenciers.
LA MAJORITE LEGIFERE TROP VITE ET TROP SOUVENT
Bien entendu, les socialistes, les communistes et les Verts ont cru renifler des relents de fascisme sans trop se demander si on ne menottait pas les prisonnières à l'époque où ils gouvernaient, ce qui est plus que probable.
Bref, le climat devient irrespirable et on a le sentiment que, décidément, l'approche des élections régionales, dont on ne cesse de nous dire qu'elles ne sont pas « politiques », a conduit la majorité à légiférer trop vite et trop souvent et l'opposition à se lancer dans des discours qui ne sont pas vraiment nuancés.
Cependant, M. Perben aurait dû comprendre que les avocats qui peuvent être de droite ou de gauche et ne font que leur métier avaient avancé de bons arguments : le plaider coupable n'a de sens qu'aux Etats-Unis dans la mesure où il permet à un délinquant ou à un criminel d'obtenir une atténuation de sa peine en échange d'une simplification de la procédure. Mais, même aux Etats-Unis, il présente un immense inconvénient quand l'accusé est innocent. Le procureur est tenté de faire la preuve de sa culpabilité par tous les moyens et les exemples d'erreurs judiciaires ne manquent pas qui sont induites par le refus de l'accusé de plaider coupable.
En outre, le procureur a moins de pouvoirs aux Etats-Unis qu'en France : face à la défense, il est lui-même considéré par le juge comme un avocat. Il arrive souvent qu'un tribunal rejette d'un mot la thèse entière de l'accusation s'il pense qu'elle n'est pas crédible. Le recours au plaider coupable sera donc plus dangereux pour les personnes poursuivies de ce côté-ci de l'Atlantique.
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