Un débat
Ce débat, à la fois de santé publique et épidémiologique, avait été introduit il y a une vingtaine d’années lors de l’analyse des populations scandinaves ayant fait l’objet d’une prothèse de hanche en première intention.
Plusieurs études avaient alors démontré que les patients prothésés vivaient plus longtemps qu’une population contrôle comparable, mais les raisons d’un tel effet « protecteur » inattendu demeuraient obscures ou discutables.
Coïncidence, comorbidité ?
Un groupe de chercheurs nord-américains s’est efforcé de clarifier les raisons d’une telle corrélation entre l’intervention prothétique et l’espérance de vie. Ces auteurs ont tenté de faire la part, dans cette observation, entre ce qui relève d’une coïncidence, d’une éventuelle comorbidité, ou d’autres facteurs plus ou moins interdépendants.
L’étude, avant tout épidémiologique, est une étude de survie sur les prothèses de hanche de première intention qui est publiée dans le « Journal of Bone and Joint Surgery »*.
Ce groupe pluridisciplinaire (épidémiologistes et chirurgiens orthopédistes) a comparé la survie de près de 28 500 opérés tous couverts par l’assurance-maladie des personnes âgées (Medicare) à un groupe contrôle de sujets cinq fois plus nombreux, également couverts par Medicare et éventuellement porteurs de polypathologies similaires au groupe des opérés.
Les études de survie furent conduites tant sur des cohortes de patients opérés que sur les patients contrôles.
Le suivi
Ces cohortes furent évaluées à plusieurs horizons de suivi, toujours de la même façon, en couplant par similarité d’âge, de sexe et d’antécédents pathologiques les opérés de prothèses de hanche de première intention avec des sujets du groupe contrôle.
Les dates de suivi sélectionnées ont été la période postopératoire immédiate, l’échéance de suivi à trois mois, la période comprise entre trois mois et cinq ans de recul, et au-delà de cinq ans.
En excluant la période postopératoire immédiate (pour laquelle le taux de mortalité pour le groupe des prothésés est naturellement augmenté), aussi bien à la date de trois mois que pour la période comprise entre trois mois et cinq ans, le taux de mortalité relevé chez les opérés représente deux tiers de celui retrouvé dans le groupe contrôle.
Cette émergence rapide (à trois mois) d’une mortalité amoindrie est diversement interprétée par les auteurs :
– le groupe des opérés est extrait d’une population moins polypathologique (les candidats à la prothèse « trop » polypathologiques ayant été plus largement récusés) ;
– lorsque la prothèse est intégrée, c’est-à-dire entre trois mois et cinq ans, les patients peuvent même voir leur état général s’améliorer (moindre dépendance aux antalgiques ou aux anti-inflammatoires, plus grande capacité pour les activités physiques…).
Biais de sélection ?
Au-delà de cinq ans, les populations opérées et contrôles se rejoignent du point de vue de leurs caractéristiques de mortalité.
Sur la base de ces données, la rigueur méthodologique des auteurs américains leur permet de conclure que si, effectivement, l’avantage d’une moindre mortalité observée chez les prothésés peut tenir à une meilleure santé de la population à qui l’intervention est proposée, un apport supplémentaire quantitatif d’espérance de vie (résultant de la qualité de vie améliorée par l’intervention) ne peut être exclu, indépendamment du « biais » possible déjà signalé (sélection des opérés).
Chirurgien orthopédiste, membre de la Sofcot (Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique).D’après Barett et al. « The Journal of Bone and Joint Surgery » (American Volume), 2005, vol. 87-A (9), pp.1965-1971.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature