Faut-il laisser l’Etat reprendre l’initiative en matière d’essais cliniques ? En tout état de cause, le relais est désormais acté avec la fin annoncée du Cengeps (Centre national de gestion des essais de produits de santé). Fruit d’un partenariat public-privé, cette structure originale a été mise en place pour enrayer le déclin des essais cliniques dans l’Hexagone. Lors de sa création, ce groupement d’intérêt public est géré par le ministère de la Santé et de la Recherche. Il avait été créé pour une durée de quatre ans. Et financé par une taxe sur le médicament par les laboratoires pharmaceutiques pour un montant de dix millions d’euros par an.
La part de la France diminue
Après huit années de fonctionnement, le modèle a toutefois montré ses limites. Certes l’affaire Mediator® a accentué les pesanteurs de gestion. « Avant le vote de la loi Bertrand, les taxes versées par tous les laboratoires, même par ceux qui ne réalisent pas d’essais cliniques, transitent par l’Afssaps qui s’est transformée en ANSM », explique Claire Sibenaler (directrice des études cliniques au Leem,). Aujourd’hui, tout passe par Bercy qui ponctionne au passage sa dîme sur un budget de dix millions d’euros. Mais ces difficultés n’expliquent pas le non-renouvellement du Cengeps. Son action a permis l’amélioration de certains critères, l’accroissement du nombre de centres ouverts ou le niveau de patients recrutés. Il a contribué à structurer des réseaux d’investigation clinique. Mais sur un autre paramètre, le délai de signature des conventions hospitalières a stagné après une baisse de 20 % observée au cours de la première période. Surtout la part de la France dans les essais cliniques tend à se contracter, à l’exception de la cancérologie, des maladies rares, de la vaccinologie et des anti-infectieux.
Comment expliquer ces différences ? Là où la France maintient son rang, la recherche clinique est structurée. Citons l’Inca en cancérologie et l’ANRS en infectiologie autour du sida et des hépatites. Dans les autres spécialités, la France perd des parts de marché. Traduction, en 2012, selon l’enquête Attractivité de la France pour les essais cliniques réalisés par le Leem, la France représentait 6,5 % des patients recrutés. En 2010, le chiffre s’élevait encore à 7,6 %.
Fin du Cengeps ?
Au ministère de la Santé comme au Leem, le diagnostic est donc partagé. Le Cengeps doit passer la main. Les autorités de tutelle ont pour mission désormais de mettre en œuvre la feuille de route rédigée lors du dernier Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) en juillet dernier. Cinq fiches sont consacrées aux études cliniques. Les mesures 20-21 concernent l’aspect règlementaire avec un « warning » sur l’adoption prochaine au niveau européen d’un nouveau dispositif.
Une autre vise les registres. Là encore une adaptation de la réglementation européenne est attendue dans les prochains mois.
Quant à la mesure 19, elle revêt une grande importance. « Elle repose sur la mise au point d’une convention unique dans les établissements de santé. Les travaux sont réalisés sous l’égide de la DGOS en coopération avec tous les promoteurs industriels (Leem, Snitem, diagnostics in vitro). En toute logique, ils devraient se conclure en mars avec la promesse d’une signature en soixante jours entre l’hôpital et l’industriel », explique Claire Sibenaler. Un niveau supplémentaire est franchi. Alors qu’avec le Cengeps, on était au niveau du volontariat pour accélérer le processus de signature, la publication de la circulaire dans le Journal officiel entraîne un caractère contraignant pour tous.
Mais les travaux ne sont pas aussi avancés sur les autres points. Pour les mesures 6 (professionnalisation et structuration de la recherche clinique) et 7 (intégration des associations de patients et de la médecine de ville dans la recherche clinique), le travail est encore en phase exploratoire.
Les médecins hospitaliers inquiets
En tout état de cause, ces engagements ne rassurent pas la communauté hospitalière. Dans une tribune libre (Le Monde du 12 février 2014), un collectif de médecins hospitaliers s’alarme de la disparition du Cengeps. Et pointe la réduction des budgets des programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC) financés par le ministère de la Santé en 2013. Ces restrictions budgétaires s’accompagnent dans le même temps d’une sélection par projets thématisés. Ce qui élimine les projets ne rentrant pas dans le cadre.
Y aurait-t-il encore un avenir radieux en France pour la recherche clinique hospitalière ?
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature