De notre correspondant
Pour être clair, il existe aux Etats-Unis un corps constitué d'infirmières-anesthésistes qui ont toujours procédé à des anesthésies préopératoires, mais toujours sous le contrôle d'un médecin.
La décision du gouverneur de l'Iowa, Tom Vilsack, n'est donc pas révolutionnaire. Et elle l'est d'autant moins qu'il se contente d'appliquer une mesure adoptée en novembre dernier par le gouvernement fédéral, laquelle était inspirée par le manque ou l'absence de médecins anesthésistes dans les régions rurales des Etats-Unis.
Le dilemme est simple : ou bien les infirmières-anesthésistes peuvent endormir un patient sans le contrôle d'un médecin ou bien beaucoup de petits hôpitaux ou cliniques devront fermer leurs portes, privant du même coup les habitants des zones rurales d'un accès aux soins proche de leur domicile.
Il n'empêche que la décision de M. Vilsack est vivement discutée par le corps médical, et plus particulièrement par ces médecins qui sont aussi des élus. Par exemple, le sénateur (d'Etat) républicain John Redwine, de Sioux-City, lui-même médecin, exprime son inquiétude sur les effets de la mesure et réclame un débat au Congrès de l'Iowa. Le règlement fédéral est assorti de diverses précautions : avant d'autoriser les infirmières à pratiquer l'anesthésie, le gouverneur doit consulter l'Ordre des médecins (Board of Medical Examiners) et celui des infirmières. Le porte-parole du gouverneur souligne que M. Vilsack n'a pas négligé de le faire. Et qu'il a même demandé l'avis des directeurs d'hôpital et des médecins qui y travaillent. « Tout le monde lui a dit de le faire, a déclaré le porte-parole, Joe Shannahan, sauf le Board of Medical Examiners. » Une exception importante.
Toutefois, le débat n'a pas pris un tour partisan puisqu'on retrouve des élus républicains et démocrates dans les deux camps. Représentant de Sioux-City au Congrès de l'Iowa, le Dr Greg Hoversten, médecin ostéopathe de son métier, estime que la décision du gouverneur « assure un contrôle local des soins, et le contrôle local est encore ce qu'il y a de mieux. S'il fallait que les infirmières-anesthésistes soient supervisées par un médecin, le sort des hôpitaux et des cliniques en zone rurale serait remis en question ».
M. Hoversten réfute la thèse selon laquelle il y aurait un danger à confier l'anesthésie aux infirmières : « Mais il y a des cas, affirme-t-il, où certains médecins ne font pas bien leur métier et ils sont plus dangereux pour les patients qu'une infirmière spécialisée dans l'anesthésie et qui connaît son métier. J'estime qu'il n'existe aucun problème de sécurité. »
A l'Iowa Medical Society (IMS), on estime que le gouverneur Vilsack ne s'est pas suffisamment informé. Le président de l'IMS, le Dr Hunter Fuerste, pense que sa décision ouvre la porte à d'autres mesures du même genre. « Les infirmières font le travail des médecins, les généralistes feront celui des spécialistes et les sages-femmes, celui des gynécologues-obstétriciens. Il me semble que, lorsqu'on confie une spécialité à un soignant moins formé, on doit d'abord s'assurer que le patient ne va pas en pâtir. »
Il y a un précédent à cette affaire. Toujours dans l'Iowa, les opticiens ont demandé au Congrès de les autoriser à prescrire des médicaments innovants sur ordonnance. Une commission ad hoc leur a refusé l'accès à ces médicaments. Les opticiens ont alors déposé une demande au Sénat (de l'Etat) et obtenu l'autorisation, en dépit des objections de la commission. Heureusement, la Chambre des représentants a rejeté la nouvelle disposition.
Pour sa part, le gouverneur Tom Vilsack a demandé une bourse au gouvernement fédéral pour lancer une étude sur les conséquences de sa décision d'autoriser les infirmières à pratiquer l'anesthésie.
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