La santé en librairie
Ce n'est pas d'aujourd'hui qu' « il existe une importante demande d'ouvrages de réflexion » sur la mort. En témoigne notamment la revue publiée sous l'égide de la Société française de thanatologie, « Etudes sur la mort », qui publie chaque année deux numéros dédiés à un aspect ou à un autre de ce phénomène partagé par tous les humains, mais jamais banal.
C'est sous la direction rédactionnelle de Marie-Frédérique Bacqué, par ailleurs auteur de plusieurs ouvrages sur le deuil destinés au grand public, qu'anthropologues, psychologues, psychanalystes, médecins, historiens, juristes de renom apportent leurs connaissances et leurs expériences, par exemple pour l'année 2001 sur les deuils d'enfants et sur la question toujours actuelle de l'euthanasie.
C'est d'un tout autre esprit qu'est né le livre de François de Closets sur ce dernier sujet. Le titre à lui seul dit bien la prise de parti franche et massive de l'auteur : en effet, il ne fait pas de doute pour lui que « la dernière liberté » à conquérir dans notre monde occidental, après celle de l'avortement, est celle du choix de sa mort par chaque individu. Et le journaliste se fait militant avec le talent et la force de conviction qu'on lui connaît depuis longtemps, pour démontrer à quel point il est urgent de rattraper le retard pris sur l'indispensable légalisation d'une euthanasie bien comprise.
L'auteur ne manque pas d'arguments frappants : l'incohérence des tribunaux appelés à juger de faits d'euthanasie ; les témoignages d'infirmières montrant la banalité, tout autant que l'ambiguïté des actes d'euthanasie à l'hôpital, dans « l'arbitraire » de la « clandestinité » ; la médicalisation progressive, mais de plus en plus inéluctable, de la mort, contrastant avec les réticences de la médecine française vis-à-vis des traitements de la douleur et la fréquence des morts dans la souffrance ; la volonté des Français - presque pleine et entière, puisqu'elle s'évalue à 75 % en 1997 -, de voir aboutir la dépénalisation.
Est-il utile de préciser que les arguments de ceux qui ne partagent pas sa hâte à légiférer ne sont retenus que pour être mieux balayés ; les risques de dérives invoqués par ces derniers ne sont selon le journaliste que prétextes à diabolisation abusive, le syndrome du bien-portant prêt à demander une mort assistée en cas d'atteinte grave n'est que mauvais masque de la volonté médicale de décider ce qui est bon pour un malade.
Les médecins en accusation
Le livre tourne au manifeste, par exemple quand l'auteur dénonce « l'une des plus scandaleuses injustices de notre société », soit « la mort à deux vitesses », celle des privilégiés, dont la douceur passerait par leur réseau de relations, et celle des autres, soumise à l'arbitraire médical. François de Closets ne saurait trop fustiger la « tragique impasse médicale » des années 1970 : « Douleur non soulagée, acharnement thérapeutique, mensonge au malade, négation du mourant et euthanasie clandestine ». Et il s'irrite fort de la tendance persistante des médecins à « s'approprier toute réflexion et toute décision » concernant la mort des autres. Mais il s'en prend aussi avec une certaine énergie à ces Français qui font « preuve d'une telle passivité » vis-à-vis d' « un droit que nous laissons en déshérence ».
Ils seraient d'autant plus impardonnables aux yeux de l'auteur qu'un modèle de législation existe, le modèle hollandais. Par ailleurs, certains services de réanimation français ont su mettre en place des protocoles d'euthanasie tout à fait défendables et l'étranger nous donne quantité de bons enseignements en matière de « testaments de vie » ou de suicide assisté. Si bien que l'appel au fameux « grand débat national » régulièrement convoqué par des tribuns sur ce sujet comme sur tant d'autres, apparaît ici plutôt comme une clause de style, la cause étant d'avance entendue.
« Etudes sur la mort », n° 119 (192 pages, 21 euros) et n° 120, L'Esprit du Temps (BP 107, 33491 Le Bouscat Cedex), diffusion PUF.
« La dernière liberté », François de Closets, Fayard, 300 pages, 19,80 euros.
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