Est-il possible d'interrompre un traitement antihypertenseur ? Existe-t-il des facteurs pronostiques de maintien d'une pression artérielle normale après arrêt et pendant combien de temps ? Si cet arrêt est prolongé, quels sont les risques encourus par le patient ? Le point sur ces questions difficiles a été présenté par le Pr Xavier Girerd.
LES ETUDES sur l'arrêt des médicaments sont relativement rares, bien qu'elles soient essentielles. En 2007, l'étude de la French League Against Hypertension Survey (FLAHS), qui a porté sur 4 500 individus issus du panel ACCESS SANTE de TNS SOFRES, a, par exemple, montré que, à la question « actuellement, prenez-vous un médicament pour traiter l'hypertension artérielle ? », 3,3 % des sujets choisissaient parmi les différentes propositions la réponse «non, mais vous avez déjà pris un médicament pour l'hypertension artérielle dans le passé». Les données issues de la Caisse nationale d'assurance-maladie confirment que l'interruption d'un traitement antihypertenseur n'est pas exceptionnelle, puisque cette situation concernerait 1,14 million de sujets.
Une maladie évolutive dont on peut infléchir le cours.
Cette attitude semble néanmoins illégitime au regard d'une étude très récente sur le traitement des sujets jeunes issus de parents hypertendus (1). K. Skov et coll. ont en effet tenté de traiter pendant un an 110 adultes normotendus âgés de 18 à 36 ans dont les deux parents avaient une HTA essentielle, puis de surveiller leur profil tensionnel pendant deux années supplémentaires. Selon leur conclusion, le traitement temporaire des sujets à risque familial de maladie hypertensive n'a pas d'effet durable sur le profil tensionnel.
Le concept de préhypertension, conçu comme une étape de transition conduisant à l'hypertension artérielle permanente, a été validé par les données issues de l'étude TROPHY (TRrial Of Preventing HYpertension) (2). S. Julius et coll. ont montré que la préhypertension évolue deux fois sur trois vers une hypertension permanente. Ils ont également montré qu'une intervention pharmacologique par un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine permet de ralentir cette progression. Néanmois, la réduction du risque relatif d'HTA permanente n'est, dans ce cas, que de 15 % à quatre ans. Cette étude montre donc qu'il est possible d'infléchir le cours de la maladie hypertensive et pourrait éventuellement constituer un argument en faveur d'un traitement antihypertenseur séquentiel, concept toutefois actuellement non validé.
Perdre du poids et manger peu salé.
Il se peut que le sevrage du traitement antihypertenseur soit envisageable chez certains hypertendus seulement. M. R. Nelson et coll. ont cherché à mettre en évidence des facteurs prédictifs de maintien d'un profil tensionnel normal après interruption du traitement antihypertenseur (3). Dans ce travail, qui a porté sur 6 291 hypertendus, malgré l'interruption du traitement pharmacologique, le contrôle tensionnel est resté satisfaisant pendant une durée médiane de 4 semaines (extrêmes : 0 et 76 semaines) chez 18 % des patients. Une analyse de régression a permis de déterminer qu'un niveau tensionnel bas, un âge jeune et un traitement par monothérapie sont les déterminants de ce profil évolutif. Toutefois, cette étude n'a porté que sur une durée de suivi limitée et ne permet pas de tirer des conclusions définitives, d'autant que, après un an de sevrage, selon une revue méthodique de la littérature réalisée par la même équipe d'épidémiologistes australiens, le bénéfice initialement constaté a disparu (4). Une réduction des ingesta sodés et une perte pondérale de 4,5 kg pourraient permettre d'obtenir un contrôle tensionnel efficace après interruption du traitement antihypertenseur, comme le suggère l'étude TONE (Trial Of Non pharmacologic intervention in the Elderly) (5). Les données portant sur le suivi des patients de la même étude ont montré l'absence de surrisque en cas de respect des règles hygiéno-diététiques ainsi prescrites, puisque le risque d'événement cardio-vasculaire est alors de 5,5 pour 100 années-patients.
Au total, il semble possible d'obtenir un profil tensionnel normal durable après interruption du traitement antihypertenseur chez les hypertendus dont le niveau tensionnel initial n'était pas trop élevé (< 120 mmHg dans l'étude TONE), qui ont pris leur traitement durablement, et s'ils suivent scrupuleusement les conseils hygiéno-diététiques fondés sur la restriction sodée et la perte de poids (6). Quant à la revue méthodique de la littérature de M. Nelson, elle propose un algorithme décisionnel fondé sur le niveau de pression diastolique (4). S'il est inférieur à 100 mmHg et en cas de multithérapie, il peut être légitime de tenter une désescalade thérapeutique (step down). Chez les hypertendus équilibrés par une monothérapie, il est légitime de proposer une réduction pondérale et le respect de règles nutritionnelles simples (manger peu salé). Dans ce contexte, le succès d'une éventuelle interruption thérapeutique médicamenteuse est plus probable. Mais, en réalité, seule une minorité de patients est susceptible de tirer profit de cette stratégie thérapeutique qui, par rapport aux recommandations en vigueur, peut être qualifiée d'inversée, puisqu'elle envisage le respect de règles hygiéno-diététiques après la mise en oeuvre du traitement médicamenteux…
D'après la communication du Pr Xavier Girerd (pôle endocrinologie et prévention, unité de prévention des maladies cardio-vasculaires, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris).
(1) Skov K et coll. Hypertension 2007; 50 (1): 89-95. (2) Julius S, et coll. For the TRial Of Preventing HYpertension (TROPHY) study investigators. N Engl J Med 2006; 354 (16): 1685-97.
(3) Nelson MR et coll. Am J Hypertens 2003 ; 16 (1) : 39-45.
(4) Nelson M et coll. A systematic review of predictors of maintenance of normotension after withdrawal of antihypertensive drugs. Am J Hypertens 2001; 14 (2): 98-105.
(5) Whelton PK et coll. Sodium reduction and weight loss in the treatment of hypertension in older persons : a randomized controlled Trial Of Nonpharmacologic interventions in the Elderly (TONE). TONE Collaborative Research Group. JAMA 1998; 279: 839-46.
(6) Espeland MA et coll. Predictors and mediators of successful long-term withdrawal from antihypertensive medications. TONE Cooperative Research Group. Trial Of Nonpharmacologic interventions in the Elderly. Arch Fam Med 1999; 8 (3): 228-36.
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