La santé en librairie
L'apartheid de la santé
En faisant le tour du monde de la santé, Dominique Prédali, journaliste d'investigation, n'a guère récolté que des raisons de colère ou de désespérance.
Son livre commence avec les « cobayes bon marché "volontaires" dans le tiers-monde » ou les silences pudiques sur les conséquences fâcheuses de certains essais médicamenteux. Il se poursuit avec la mise en évidence des pouvoirs démesurés ou abusifs des lobbies pharmaceutiques. Puis l'auteur dénonce la « biopiraterie » qui découle du système des brevets, se fait le chroniqueur de « famine(s) programmée(s) », déplore vivement que la santé ne soit plus « un besoin ni un droit, mais une marchandise » et termine sur le triste constat d'un « apartheid de la santé ». Au passage, ce sont, à côté des grandes multinationales pharmaceutiques, à peu près toutes les grandes structures sanitaires mondiales ou américaines qui sont mises en cause, pour leur contribution à ce déplorable état de choses. Ce n'est pas dans ce livre que l'on trouvera une note d'espoir.
« La Santé aux mains des prédateurs », Dominique Prédali, Alias, etc. (aliasetc.com), 191 pages, 15,5 euros.
Les souffrances d'une naissance
Adrien, le héros du livre de Jean-Pierre Relier, est un très jeune personnage, puisqu'il n'est pas né au moment où commence le livre et que la plus grande partie du livre se déroule alors qu'il ne devrait pas encore être né.
Sa colère est grande d'avoir été arraché intempestivement au lieu où il aurait dû vivre plus de trois mois supplémentaires, lieu de délices sonores, gustatifs, tactiles, odorants, visuels et affectifs s'il en fût, l'utérus de sa mère. Et le voilà plongé dans un monde glacial, suffocant, aveuglant, assourdissant, perdu dans un monde sans repères qui l'assaille et le menace... Adrien survivra, mais au prix d'immenses souffrances initiales, et au risque de séquelles heureusement modérées en ce qui le concerne.
Deux autres personnages d'importance gravitent autour du héros : sa mère, Agathe, jeune personne bien intégrée dans un monde où la finance est reine et où les femmes se doivent de faire carrière, et le professeur du service de néonatologie où Adrien se bat pour survivre, un professeur qui a bien des points communs avec l'auteur du livre, le Pr Jean-Pierre Relier, lui-même vingt ans chef de service en néonatologie. La première, Agathe, est tout à fait désemparée de cette naissance dramatique, tempête inattendue dans son ciel serein, mais trouvera vite aide et réconfort auprès du second et s'en trouvera transformée pour la vie.
Le néonatologue se fait en effet très présent auprès de cette famille en péril qui lui donne l'occasion d'exprimer une colère au moins aussi grande que celle d'Adrien. Il est en particulier très fâché de voir les futures mères oublier qu'un bébé se prépare à l'abri des excès de stress et de l'épuisement et s'insurge contre ces spécialistes de la naissance qui tendent à compter tant sur la technique qu'ils en négligent les risques à long terme de la prématurité, des naissances difficiles et des naissances après procréation médicalement assistée.
Ce sont aussi ses convictions que le professeur va transmettre à Agathe, quitte à la surprendre et à surprendre le lecteur à maintes occasions. Pour lui, en effet, non seulement les séances de contact peau à peau sont les grandes responsables de la survie sans graves dommages, mais il fait grande confiance à une astrologue férue de transgénérationnel et à un ostéopathe qui baigne dans le symbolisme. Paracelse, Hahnemann font aussi partie du panthéon de ce néonatologue qui veut désormais que l'on se méfie un peu plus de la technique, et que l'on s'intéresse davantage au divin porté par chaque individu, fût-il simple désir dans l'esprit de ses parents, embryon, ftus, prématuré ou nouveau-né.
« Adrien ou la colère des bébés », Jean-Pierre Relier, Robert Laffont, collection « Aider la vie », 286 pages, 19,70 euros.
Contre la handiphobie
Oui, le handicap, et le polyhandicap à plus forte raison, est un malheur ; et Janine Chanteur ne saurait juger les parents qui ne peuvent l'accepter. Mais la philosophe n'a pas l'intention de s'arrêter à cette certitude, surtout après le fameux arrêt Perruche et ses pareils.
Elle va d'abord se faire juriste pour explorer à la loupe l'évolution de la loi sur l'avortement et celle des connaissances scientifiques, pour mieux analyser ensuite les tenants et les aboutissants de l'affaire Perruche. Entre décisions législatives et incertitudes scientifiques, les jugements se suivent et ne se ressemblent pas, chacun gardant leur cohérence.
Les lois et les décisions judiciaires ne résument pourtant pas la question, que l'auteur approfondit ensuite en professeur émérite de philosophie morale et politique, pour montrer les faiblesses de la décision judiciaire prise à cette occasion et les risques de dérive qu'elle occasionne. A partir des droits de l'homme, elle va ensuite dessiner les droits et les devoirs des personnes handicapées. Et c'est alors un plaidoyer en bonne et due forme contre la « handiphobie » montante et en faveur du respect et de la place due aux handicapés, qui clôt l'ouvrage.
« Condamnés à mort ou condamnés à vivre ? », Janine Chanteur, éditions Factuel, 148 pages, 14 euros.
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