« QUAND ON PARLE de parkinson, on ne voit que le tremblement du petit vieux qui court à petits pas pour essayer de rattraper son équilibre », raconte un patient, qui rappelle que la réalité est plus proche du « sac de sable abandonné dans un coin » lors d'un blocage (effet « on-off ») ou de « la danse de Saint-Guy lors des dyskinésies ». Pire, « les gens croient avoir affaire à un débile mental ou un alcoolique ». La maladie de Parkinson est très connue, mais pas dans ses détails. Elle touche près de 5 millions de personnes dans le monde, environ 100 000 en France, dont 15 % de cas sévères et 15 % peu invalidants, le reste oscillant entre les deux. Liée à une perte des cellules nerveuses qui sécrètent la dopamine, elle est traditionnellement traitée par des médicaments (L-dopa et dérivés, principalement), parfois par neurochirurgie.
Depuis 1987, date à laquelle des électrodes ont été implantés dans le cerveau d'un patient par Pierre Pollak et Alim Benabid, à Grenoble, de nouveaux espoirs apparaissent. La neurostimulation cérébrale consiste à placer dans les noyaux sous-thalamiques deux électrodes (une pour chaque hémisphère, la maladie étant bilatérale), reliées par un fil qui court sous la peau jusqu'à un stimulateur que l'on implante sous la clavicule. Ce dernier fonctionne comme un pacemaker et envoie des impulsions électriques (130 MHz) qui corrigent les symptômes de façon spectaculaire. Le système est réversible, contrairement à la neurochirurgie traditionnelle, et surtout, ajustable : une sorte de télécommande permet de régler de façon non invasive les paramètres de la stimulation, en fonction de l'effet voulu.
Des critères d'inclusion restrictifs.
Le principal bémol à l'intervention est le caractère restrictif des indications, comme le rappelle le Pr Yves Agid : « Cette intervention ne s'adresse qu'à moins de 5 % des patients, soit environ 5 000 en France. » Les critères d'inclusion sont les suivants : qu'il n'y ait pas de contre-indication générale (troubles interdisant la chirurgie stéréotaxique, contre indications psychiatriques, etc.), qu'il y ait une réponse spectaculaire à la L-dopa (signant des lésions dopaminergiques pures) et que le patient soit affecté par des effets secondaires moteurs de la L-dopa ou des dérivés (blocages moteurs, mouvements anormaux involontaires, etc.). Selon Yves Agid, les risques sont les mêmes que ceux de toute intervention neurochirurgicale, auxquels s'ajoutent la possibilité d'un hématome au lieu d'implantation de l'électrode (que l'on doit pouvoir prévenir) et un petit risque infectieux au niveau du fil.
Suivi psychologique.
Enfin, et surtout, le suivi psychologique est essentiel. « C'est comme sortir après quinze ans de cachot », commente Yves Agid, qui évoque le risque de troubles du comportement, voire de décompensation de troubles psychiatriques antérieurs, lors de ce recouvrement soudain de capacités perdues : certains patients vont vouloir tout abandonner pour mener une nouvelle vie, multiplier leurs relations sexuelles, etc., ce qui peut être très mal perçu par l'entourage, surtout s'il a été très impliqué dans le soutien de la personne au cours de la maladie.
En effet, la neurostimulation n'intervient pas au début de la maladie, mais seulement après des années de traitement médicamenteux et le constat d'une impasse thérapeutique, ce qui fait une moyenne de quinze ans. Après dix ans de recul sur un nombre de patients significatif, Yves Agid insiste sur la nécessité d'une prise en charge multidisciplinaire et sur l'intervention d'un neurochirurgien très compétent, « car si on se plante, c'est la catastrophe » - il s'agit du cerveau. L'intervention n'entraîne que rarement la suppression des traitements médicamenteux, mais permet de les réduire tellement que financièrement parlant, le coût - autour de 50 000-55 000 euros, dont 13 000-15 000 pour l'appareil lui-même, qui sera renouvelé tous les six ans - est amorti en deux ans et demi, selon Yves Agid. Surtout, les spécialistes voient dans cette technologie l'ouverture d'un nouveau champ de possibilités dans le traitement de pathologies neurologiques, voire psychiatriques.
Une étude est attendue dans le « New England Journal of Medicine » sur la neurostimulation dans le traitement de la dystonie, un protocole de recherche est en cours sur le syndrome Gilles de la Tourette et un autre devrait démarrer autour des troubles obsessionnels compulsifs (TOC). L'efficacité du traitement demeure cependant opérateur-dépendant (voir la liste des centres experts en encadré) et pas seulement au plan technique, comme en témoigne une patiente : « J'ai eu la chance d'être opérée par des médecins non seulement bons chirurgiens mais aussi très humains et compréhensifs, ce qui a beaucoup à mon sens contribué à ma guérison. »
* Le Congrès de l'European Federation of Neurological Societies s'est tenu au palais des Congrès de Paris du 4 au 7 septembre. Pour plus de renseignements sur la stimulation cérébrale profonde : www.epda.eu.com.
Dix-huit centres experts en France
Près de 30 000 personnes ont été opérées dans le monde, dont 2 000 en France, l'un des leaders dans ce domaine, avec 18 centres experts :
- hôpital Gabriel-Montpie (Clermont-Ferrand) ;
- hôpital Pierre-Wertheimer (Lyon) ;
- hôpital Pasteur (Nice) ;
- hôpital Michallon (Grenoble) ;
- hôpital de la Timone (Marseille) ;
- hôpital Gui-de-Chauliac (Montpellier) ;
- hôpital Henri-Mondor (Créteil) ;
- hôpital Haut-Lévêque (Pessac) ;
- hôpital la Miletrie (Poitiers) ;
- hôpital Rangueil (Toulouse) ;
- hôpital Central (Nancy) ;
- Hospices civils de Strasbourg (Strasbourg) ;
- hôpital G&R Laennec (Nantes) ;
- hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris) ;
- hôpital Sainte-Anne (Paris) ;
- hôpital Roger-Salengro (Lille) ;
- hôpital Maison-Blanche (Reims) ;
- hôpital Charles-Nicolle (Rouen).
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