Ne peut-on dire une fois pour toutes qu’en matière de santé, c’est la sécurité qui doit primer (ce qui intègre une proximité raisonnable), et que les professionnels de la naissance (auxquels il arrive régulièrement d’être usagers) y sont d’autant plus attachés qu’ils en ont chaque jour la responsabilité ?
Il y a bien sûr un attachement symbolique de tout territoire à sa maternité qui par essence représente la jeunesse, l’avenir, et un refus viscéral de sa fermeture dans les territoires où les jeunes couples se font rares. Comme les naissances, les maternités sont menacées et les écoles risquent de suivre. Certains territoires sont réellement isolés, c’est-à-dire éloignés en temps d’accessibilité et non en kilomètres et dans ce cas, l’investissement humain et financier doit être conforté, en discutant de la meilleure prise en charge médicale.
Il n’a échappé à aucun responsable, médical ou institutionnel que l’investissement dans l’amélioration des voies d’accès est intelligent, avec pour corollaire la diminution de temps d’accès aux soins. Pas mal de parturientes décident de ce fait de faire le chemin pour accoucher dans une maternité possédant tout l’environnement de sécurité pour leur bébé et elle-même. Pourquoi la réflexion institutionnelle ne suit-elle pas ?
La mutation politique est – on le comprend – beaucoup plus difficile vis-à-vis des électeurs. Pourtant ceux-ci sont citoyens, et pour la moitié d’entre eux contribuables !
Il y a une dimension éthique forte à utiliser au mieux l’argent public, c’est-à-dire l’utiliser pour soigner bien, pour que l’argent aille là où il y a de réels besoins (n’est-ce pas là la stratégie nationale de santé ?) et non là où un réseau ami, un enjeu politique ont le pouvoir d’attirer un financement (dans les structures publiques de 300 accouchements, on constate un surcoût habituel de deux millions d’euros par an pour financer l’intérim, sans compter l’infime activité d’une équipe de bloc opératoire qui veille au cas rare mais jamais exclu où une césarienne deviendrait indispensable).
Quelqu’un a-t-il noté que parallèlement, des déficits publics majeurs des hôpitaux – et de la France – obligent à des économies drastiques, souvent réalisées par une réduction à l’emporte pièce des personnels paramédicaux dans chaque service, fut-il hyperactif ? Ne faut-il pas enfin se résoudre à regarder en face le problème des restructurations sous l’angle médical avec fort préalable social (travaux mission Couty, pacte de confiance) ?
Les hôpitaux sont souvent les premiers employeurs d’un territoire : il faut avant toute discussion de fermeture de maternité garantir les emplois par un redéploiement vers de nouvelles activités, gériatrie en particulier où les besoins prévisibles sont immenses : c’est un préalable indispensable.
Diminuer les fronts de garde
Les économies viendront non pas de suppressions sèches d’emplois, mais de la diminution des fronts de garde : quel sens cela a-t-il de garder deux équipes complètes – gynécologues obstétriciens, anesthésistes, pédiatres, sages femmes, infirmières de bloc opératoire de garde – à 20 minutes d’écart par une route à quatre voies ? Viendrait en conséquence la disparition du recours aux intérimaires (1,8 million d’euros annuels d’intérimaires dans l’exemple sus-cité !) Ne faut-il pas regarder en face les problèmes de démographie médicale, ainsi que les évolutions sociologiques ?
Le problème est majeur en particulier en anesthésie, gynécologie obstétrique et pédiatrie, spécialités de la périnatalité aux risques humains et médico légaux forts !
Les jeunes praticiens ne s’y trompent pas en voulant exercer dans des maternités parfaitement sécurisées et refusant les fonctionnements insécures des équipes incomplètes, instables et à fréquence de gardes incompatible avec toute vie personnelle et sociale. Leurs aînés confirment !
Les Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) inscrits dans la loi santé sont louables dans leur but de mise à disposition concertée de l’offre de soins sur le territoire. Ils ne sauraient par contre être (dé)tournés vers un ultime colmatage de plateaux techniques médicalement, raisonnablement et économiquement (ce n’est pas un gros mot) non défendables, mais devraient au contraire permettre une répartition médicalement argumentée des activités de soins et surtout des plateaux techniques !
Le concept de praticien pion
La Fédération hospitalière de France (FHF) affirme que la mise en œuvre – dans le cadre des GHT – d’équipes médicales de territoire (praticiens nommés à cheval, ou plutôt en voiture, sur deux établissements, le petit et le plus gros) résoudra le problème démographique, en aidant aux recrutements de nouveaux praticiens.
Il suffit de poser la question aux internes, et surtout de connaître leurs motivations avant tout sécuritaires pour comprendre que ceci est totalement faux.
La FHF elle-même le sait pertinemment, puisqu’elle demande de rajouter à la loi santé la possibilité de contraindre les PH, créant ainsi un concept de praticien pion mis contre son avis là où il juge les soins dangereux pour les usagers.
Monsieur Le Menn chargé par la ministre de la Santé de la mission « attractivité des carrières médicales à l’hôpital » jugera. Nous n’avons plus le temps de fonder l’offre de soins sur des hypothèses fausses !
Il faut savoir faire évoluer l’hôpital, y offrir aux femmes, aux couples, à la fois la sérénité pour un travail physiologique et la meilleure sécurité quand la naissance se complique et que toutes les compétences deviennent subitement indispensables.
L’offre libérale s’est considérablement restructurée, l’offre publique de territoire ne peut rester figée dans une présentation dystocique. Ce travail trop long devient si dangereux… Même la Cour des comptes en rend… compte !
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