LE TEMPS DE LA MEDECINE
La vie aurait pris naissance dans la « sueur de la terre », comme aurait dit Empédocle pour désigner la mer. De fait, l'histoire du sel se confond sans doute avec l'histoire de la survie de l'homme. Au paléolithique, nos ancêtres, chasseurs et nomades, se nourrissent essentiellement de viande crue et assurent leur équilibre minéral essentiellement grâce au sang des troupeaux sauvages qui constituent leur réservoir principal de nourriture. Ce n'est qu'à la faveur des changements climatiques du néolithique, après la période de glaciation, que le régime alimentaire se diversifie. Devenu sédentaire, agriculteur puis éleveur, l'homme doit assurer sa survie grâce à la conservation des fruits de sa chasse et à la préparation des aliments qu'il récolte.
Le sel devient un enjeu capital. Les chemins du destin humain suivent les voies du sel. Le précieux condiment est obtenu à partir du brûlage des plantes halophiles, comme la salicorne. A proximité de la mer, c'est l'évaporation de la saumure, eau saturée de sel provenant du sable lavé qui permet d'extraire le sel. A l'intérieur des terres, l'eau des sources salées est d'abord puisée, versée dans des pots d'argile, avant de subir une évaporation par le feu. Ce procédé, appelé briquetage est la plus ancienne technique ignigène connue. Des traces en ont été retrouvées dans la région de Salzbourg, datant du début de l'âge de fer (entre huit et cinq siècles avant J.-C).
Mais l'usage du sel ne se limite pas à la conservation et à la cuisson des aliments. Capable d'être finement pesé, il se prête facilement au troc et devient très vite une valeur d'échange qui fait et défait la fortune des hommes et des Empires. Les Romains, grands producteurs de sel, expédient celui qu'ils produisent par les « voies salées » ( viae salariae) qui sont alors sous le contrôle de fonctionnaires, les « salarii », dont la solde est pour moitié versée en sel, d'où l'origine du mot salaire.<\!p>Le Moyen-âge le taxera et instituera la fameuse gabelle, impôt le plus honni de l'Ancien Régime. Les trafics seront bien sûr lourdement sanctionnés : les contrebandiers (faux-sauniers) sont marqués au fer rouge d'un G ou même exécutés.
Cette omniprésence du sel dans la vie des hommes est attestée par les traces laissées dans la toponymie : Château-Salins, Marsal, Salins en France, les villes en Hall en Allemagne ou les toponymes en salz ; le suffixe wich en anglais ( A wich house désigne une saline). Le langage en est également imprégné : la conversation où chacun cherche à ajouter son petit « grain de sel », mais où tous ne feront pas montre de cet esprit de finesse et d'une pensée « pleine de sel ». Une petite histoire salée aidera à mieux digérer une note qui l'est aussi... et rappellera l'autre signification latine de « sal », plaisanterie, ou de « salsus », ironique. Symbole de l'hospitalité, la salière devient très vite une pièce d'orfèvrerie et les bonnes manières se jugent à la façon de se servir en sel. Déjà, en 1530, Erasme précise que « trois doigts imprimés dans le sel sont les armes parlantes des rustres. On doit se servir de la pointe de son couteau ».
Sans sel, la vie n'aurait aucun goût
Le sel devient indispensable à la santé du corps et à celle de l'esprit : « Sans sel, la vie n'aurait aucun goût ». Cependant, c'est son caractère sacré que véhiculent les mythes et les superstitions. Sel de l'alliance dans la religion catholique, il symbolise la pureté. Dans les traités de démonologie, un seul grain de sel peut mettre en déroute le malin et les procès en sorcellerie d'autrefois mettent l'accusé (souvent une femme) en présence de sel, pour le confondre. Dans l'Ancien testament, il est un signe de la colère divine. La femme de Loth est transformée en statue de sel pour s'être retournée et avoir contemplé l'incendie de Sodome, malgré l'interdiction qui lui avait été faite.
Cette ambivalence se retrouve dans les pratiques et usages du sel. Malheur au convive qui répand du sel sur la table, c'est un signe de trahison et un mauvais présage. Si, dans l'Egypte ancienne, ses propriétés hygroscopiques (avide d'eau) et dessicatrices sont utilisées pour la momification, le Moyen Age en fait un produit miracle qui guérit tout. Il réchauffe, assèche et désinfecte. Pour donner vigueur et santé aux nourrissons, on leur frotte la peau avec du sel ; les « maris paresseux » bénéficient du même traitement. Le sel est indiqué contre toutes les maladies froides et moites (goutte et troubles rénaux), il aide à réparer entorses et fractures (cataplasmes d'orties salées, de miel et de sel) et fait disparaître les verrues.
Les pratiques populaires conservent encore plusieurs de ces usages : en bain de bouche ou de siège, contre le rhume (une bonne tasse d'eau de mer dégage les sinus), contre les piqûres d'insecte ou en cas d'urticaire bénigne, une solution de chlorure de sodium à 20 % en compresse peut soulager.
Sel marin, fleur de sel, sel de gemme, l'or blanc a aujourd'hui perdu de sa force symbolique. Le pétrole l'a supplanté comme moteur de l'histoire politique et commerciale et un consensus existe pour en limiter la consommation, devenue excessive.
Cro-Magnon, au régime sans sel
Ere préagricole. Nous sommes à la période du paléolithique supérieur, c'est-à-dire à l'époque de l'homme de Cro-Magnon ( Homo sapiens sapiens), environ 20 000 ans avant l'apparition de l'agriculture et de l'élevage. L'étude des os et des dents des hommes de Cro-Magnon fournit des indications sur leur état de santé. Ils n'étaient pas carnivores mais omnivores.
Un modèle établi en 1997 par Eaton permet d'estimer à 690 mg/j la ration en sodium de l'homme de Cro-Magnon contre 2 300 à 7 000 mg/j pour la nôtre.
Néolithique. Avec l'augmentation de la population, l'homme passe à l'élevage et à l'agriculture. Dès lors, le sel fait son apparition. D'abord, pour la conservation des aliments puis pour des questions de goût. Les premières formes d'exploitation du sel sont apparues à cette époque. On a retrouvé des traces d'exploitation et de matériel datant de 6 000 ans avant J. C.
Sources : www.arcol.asso.fr, www.équilibre-essentiel.com, www.ac-nantes.fr.
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