Formation médicale continue
« L'armure pèse encore ce matin. Il fait chaud partout. Très chaud et les draps sont en plomb. Elle sait l'immobilité du matin, le bol qui ne se soulève pas, le poids du gant mouillé, le tribut payé à chaque geste. Elle a quatre ans.
Dans la grande salle de carrelages blancs, les enfants sont alignés contre le mur. Elle a froid maintenant. Ses pieds et ses genoux gonflés tremblent ; elle s'est assise par terre. Quand on a appelé son nom pour la douche, elle ne s'est pas relevée.
Même ici elle a peur : des enfants qui remuent, des mains brusques, des comprimés écrasés dans son assiette ; un verre d'eau suffirait !Un jour surtout, elle croit que ça va être fini. Elle attend longtemps au bout du couloir vert, allongée devant la porte où l'on a écrit "autopsie". Pourtant, elle se réveille et on lui sourit ; on lui explique "biopsie" en la prenant dans les bras : c'est fini.
L'odeur et les vieux murs
Une autre nuit, on part vite, loin. Ils sont beaucoup là-bas, blancs, encore dans une grande salle, mais ici il n'y a pas d'enfants. Ils la regardent partout. Ils savent.
Au-dessus de son lit, on a écrit "PCE". Elle devine des choses : "Petit-Chat-Ecorché" ou "Pinocchio-Cendrillon-Enterrement". Elle vient ici souvent, longtemps. Elle connaît bien l'odeur, les vieux murs. Les infirmières l'emmènent dans les autres chambres sur le chariot des médicaments. Elle regarde.
Le reste, elle s'habitue. Des noms compliqués pour redresser ses doigts, allonger ses genoux, enlever les choses qu'on ne voit pas. Tuer la "méchante bête".
La nuit fait mal, il fait toujours trop chaud le matin. Elle grandit.
Les adultes veulent expliquer un ordre arbitraire
Les adultes veulent expliquer un ordre arbitraire. Vous ne comprenez pas que l'on puisse jouer des heures avec ses doigts, si déformés soient-ils, ou leur raconter des secrets qui resteront invisibles à ceux qui demain tiendront le scalpel. Vous ne saurez pas le bonheur de se recroqueviller dans son lit après que grand-père ait cédé et fini par retirer, au milieu de la nuit, les orthèses qui devaient tout remettre dans la bonne direction.
Pour le médecin, la douleur est une idée, les mots sont techniques. Pour s'approcher d'elle, il faut traverser les plans radiographiques d'un pied, d'une main ou d'une hanche, reliques de l'invisible qui renseignent sur une détérioration qui n'est pas la plus essentielle. Des clichés du squelette grignoté, dévié, l'éclair du flash, violent, travaillent comme un effrayant miroir. De tous les traitements,interventions et autres stratégies, le plus éprouvant reste l'image de son corps dans vos yeux.
L'apprentissage de la douleur, l'usure progressive de chaque articulation est une épreuve qui ne se mesure pas à l'il nu, mais sur la distance. La résistance devient le prix aux atteintes de la maladie, et c'est peut-être ce qui nous relie le plus. J'ai le sentiment de résister aux traitements, de résister surtout à l'intérieur de cette fragilité. C'est en ce point précis qu'il faut s'ancrer parce que c'est de là qu'émane aussi cet infini désir de poursuivre quelque chose.
Apprendre à vivre dans un corps fêlé, tellement lourd de son manque de forces, tellement rempli de ses lacunes et à mi-chemin entre la femme et l'enfant, là est mon travail. Dater, inventorier, chiffrer les interventions ne me définit pas. Ils ont taillé cicatrices sur cicatrices, enlevé, refait, corrigé : un lourd dossier. Pour rejoindre cela du dedans, il faudrait peut-être imaginer un crabe marchant de travers, mais vers la mer, ou bien un escargot, libre de rentrer dans sa coquille, ou encore une chouette parce qu'elle traverse la nuit sans crainte. Au croisement existe quelque chose dont nous nous sentons tous proches et dont il n'est pas fait mention dans les facultés.
Polyarthrite chronique évolutive : rien à voir avec les contes de fées...
Polyarthrite chronique évolutive : rien à voir avec les contes de fées. J'apprends depuis longtemps. Le corps est une plaie, mais je ne l'échangerais plus pour un autre, incompréhensible de mouvements. »
Association française des polyarthritiques.
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