Le ministre de l'Environnement, Yves Cochet, le reconnaît, le problème des pesticides « est certainement sous-estimé ». Pour l'en convaincre, le rapport du Comité de la prévention et de la précaution (CPP) sur les « risques sanitaires liés à l'utilisation des produits phytosanitaires », commandé par son prédécesseur, Dominique Voynet, et qui vient de lui être remis. La France est le plus grand consommateur de pesticides après les Etats-Unis, avec une moyenne de 100 000 tonnes par an.
Organisme consultatif créé en 1996 par Corinne Lepage, le CPP, présidé par le Pr Alain Grimfeld, réunit des experts en épidémiologie, toxicologie, chimie, économie, droit, entre autres. Après avoir recueilli tous les éléments disponibles, tant sur les propriétés toxicologiques des substances que sur les expositions, entraînées par la contamination alimentaire directe et indirecte (transferts par les milieux naturels), le CPP estime qu' « il existe une présomption sérieuse de risques collectifs graves ». Mais tout en soulignant la complexité du problème et les incertitudes « considérables » qui subsistent, il juge que « des mesures économiquement proportionnées aux effets redoutés peuvent être mises en uvre ». D'où une série de recommandations pour la connaissance et la gestion des risques.
La surveillance des pesticides doit être largement améliorée, notamment par des mesures normalisées ; la biosurveillance environnementale doit être renforcée pour avoir une fonction d'alerte. Il faut aussi mesurer l'exposition des populations, surtout les plus à risque (travailleurs, riverains, femmes enceintes ou susceptibles de l'être, enfants...). Les études épidémiologiques, toxicologiques et biologiques doivent être encouragées, plus particulièrement pour caractériser l'effet de certains mélanges de pesticides, établir des relations dose-réponse plus rigoureuses et améliorer les modèles de transposition animal-homme. La recherche doit être une priorité pour les pouvoirs publics, qui devraient créer un programme interdisciplinaire et interorganismes pour fédérer les compétences.
La Santé plutôt que l'Agriculture
Pour ce qui est de diminuer les risques, le CPP préconise de faire passer le pouvoir d'homologation/retrait du ministère de l'Agriculture aux ministères chargés de la Santé et de l'Environnement ; ce qui implique de disposer de davantage d'experts épidémiologistes, toxicologues et écotoxicologues. Les nouveaux pesticides ou ceux qui apparaissent problématiques doivent être comparés à des solutions ou à des produits alternatifs. Il faut aussi développer et diffuser des stratégies limitant l'usage des pesticides, incitations économiques à l'appui.
Les normes réglementaires fixées au niveau européen, en particulier la teneur limite de 0,1 μg/l, doivent être revues et adaptées aux données scientifiques et de toxicité : une règle simple ajustée aux risques limiterait la « tendance dangereuse » des industriels à « produire des molécules de plus en plus puissantes à très faible dose active ». Il faut aussi réorganiser les contrôles, dont la mise en uvre revient actuellement à différents services, et renforcer ceux qui portent sur les aliments, ceux-ci représentant de 80 à 90 % de l'exposition (le reste venant de l'eau).
Enfin, le CPP préconise une information des citoyens pour les rendre partie prenante de la gestion des risques, par exemple en choisissant les produits les moins contaminés et en lavant les végétaux...
Le CPP termine ses recommandations en estimant qu'il faut élargir la recherche aux molécules susceptibles de se combiner avec les pesticides dans leurs effets sur la santé. Et, en particulier, les substances agissant comme perturbateurs endocriniens, trouvées dans des produits aussi divers que les peintures, les fiouls ou les estrogènes. Du pain sur la planche pour les chercheurs.
Des effets sur la santé
- Hausse des cancers chez les agriculteurs, en particulier des cancers peu fréquents, tels ceux des lèvres, de l'ovaire, du cerveau, la plupart des cancers du système hématopoïétique, le mélanome cutané et les sarcomes des tissus mous.
- Lien possible entre certaines pollutions et la mortalité par cancer.
- Accroissement possible du risque de cancer chez des enfants exposés à des pesticides avant la naissance ou pendant l'enfance.
- Effets délétères sur la fertilité masculine de certaines molécules, dont le DPCB.
- Risque de mortalité intra-utérine et de diminution de la croissance ftale en cas d'exposition professionnelle maternelle.
- Lien possible entre certaines malformations congénitales et l'exposition parentale aux pesticides.
- Neurotoxicité potentielle de certains pesticides, principalement les organophosphorés et les carbamates.
- Retard de développement psychomoteur de l'enfant exposé in utero aux PCB et aux autres produits organochlorés associés.
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