Bilan biologique normal
L'examen clinique de la patiente, qui est apyrétique, permet de révéler une douleur provoquée de la région hypogastrique.
Un bilan biologique effectué (NFS, VS, Ecbu, bêta HCG) se révèle normal.
Question
A ce stade de la prise en charge, quels sont les diagnostics qu'il est possible d'évoquer ?
1) une torsion d'un kyste ovarien ;
2) une infection urinaire basse ;
3) une grossesse ;
4) une cervico-vaginite ;
5) une pathologie tumorale de l'ovaire, de l'utérus, de la vessie.
Réponse
Les bonnes réponses sont 1, 5.
Trois diagnostics peuvent être éliminés :
- l'infection urinaire basse est réfutée du fait de la négativité de l'Ecbu. De plus, une infection urinaire donne rarement des algies pelviennes ;
- la négativité de la bêta HCG permet d'éliminer une grossesse ;
- une cervico-vaginite donne souvent des leucorrhées ; le bilan biologique révèle également des signes infectieux dans ce cas.
Échographie
Compte tenu de l'importance et de la persistance de la symptomatologie, une échographie est effectuée.
Elle permet de mettre en évidence une masse de la région utérine. Le radiologue, du fait de l'obésité de cette patiente et de la difficulté de décrire cette masse, décide d'effectuer un scanner abdomino-pelvien.
La TDM permet d'objectiver une masse bilobée de 14 cm de grand axe de type tissulaire difficile à dissocier de l'utérus ; les annexes sont par ailleurs normales.
La patiente est alors confiée à un obstétricien qui réalise une laparotomie.
Il repère cette masse appendue à l'utérus, en pratique l'exérèse, l'examen extemporané permettant de porter le diagnostic d'endométriose.
Généralités
L'endométriose est caractérisée par la présence en situation ectopique de tissu possédant les caractéristiques morphologiques et fonctionnelles de l'endomètre.
L'adénomyose correspond à la localisation myométriale du tissu glandulaire.
Origine
Aucune hypothèse physiopathologique n'explique à elle seule la totalité des lésions observées :
- théorie de l'implantation de tissu endométrial desquamé à la suite d'un reflux menstruel tubaire. Dans « l'endométriose maladie », il existe une inaptitude péritonéale à se débarrasser de l'endomètre autologue. Cette incapacité peut résulter d'une ou de plusieurs anomalies de l'immunité cellulaire, humorale (macrophages, cellules NK) à l'origine d'une réponse inflammatoire avec élaboration de facteurs de croissance et de cytokines qui facilitent l'implantation, le maintien et la croissance de l'endométriose ;
- théorie métaplasique cœlomique où l'endométriose trouve son origine dans la séreuse péritonéale ou dans les dérives des canaux de Müller. Différents stimuli (endogènes, biochimiques, immunologiques) pourraient générer le développement en position métaplasique de tissu de type endométrial ;
- théorie immunitaire confortée par le fait que, au cours des menstruations, il existe un reflux tubaire.
Il pourrait être générateur d'une réaction auto-immune ;
- une origine génétique est également proposée.
Diagnostic
Cliniquement, l'endométriose peut toucher tous les organes en donnant des symptômes variés.
La douleur est due aux phénomènes inflammatoires autour des foyers d'endométriose ou aux adhérences qui limitent la mobilité de l'organe atteint.
Le tissu endométriosique est organisé en nodules dans lesquels le sang s'accumule sans pouvoir s'éliminer et conduit à la genèse des mécanismes douloureux :
- les douleurs cycliques ou non ;
- les dysménorrhées ;
- les dyspareunies ;
- les douleurs à la défécation.
Le diagnostic est souvent évoqué suite à la réalisation de bilan de stérilité ou dans les cas de dysovulation.
D'autres symptômes sont parfois retrouvés tels une hématurie, un syndrome appendiculaire, des diarrhées, des métrorragies.
On met en évidence parfois des nodules bleutés vaginaux ou au niveau recto-vaginal lors de la réalisation d'un toucher rectal associé à un toucher vaginal.
Certains examens peuvent être effectués :
- l'hystérosalpingographie laisse actuellement la place à d'autres méthodes d'imagerie. Elle se révèle intéressante néanmoins dans l'exploration d'une infertilité ;
- l'échographie, prolongement naturel de l'examen clinique, est devenue une technique précieuse dans l'endométriose interne et incontournable dans l'endométriome ovarien. Elle progresse dans l'endométriose extragénitale avec une bonne sensibilité et spécificité ;
- l'IRM par ses capacités de différenciation tissulaire des organes endopelviens et par sa sensibilité à la détection du sang (hypersignal) permet une cartographie précise et reproductible de l'endométriose, ainsi que la surveillance des formes sévères. Elle ne permet pas d'évaluer l'atteinte tubaire ou de faire la distinction entre les différents types de lésions endométriosiques (degré d'inflammation).
La certitude diagnostique est avant tout histologique.
Traitement
Le traitement hormonal s'appuie sur la dépendance des implants endométriaux aux hormones ovariennes.
L'aménorrhée est le facteur clé du traitement hormonal de l'endométriose.
Afin de l'obtenir :
- on peut utiliser des analogues de la LHRH.
Les effets secondaires de ce type de traitement (ostéopénie, troubles vasomoteurs sévères) peuvent être atténués par l'utilisation de cures courtes (de trois à six mois), et par l'association de faibles doses de stéroïdes sexuels (Add Back Therapy) ;
- on peut utiliser des progestatifs et des estroprogestatifs en prise continue. Ils provoquent un freinage ovarien moins fort que les analogues de la LHRH ;
- on peut utiliser le Danazol ou les antagonistes de la GnRH (actuellement à l'étude).
Le traitement chirurgical (de préférence endoscopique) est justifié et efficace dans le cadre de la douleur ou de l'infertilité.
Conclusion
L'endométriose est une pathologie fréquente chez la femme en âge de procréer.
Le choix d'un traitement doit nécessairement prendre en compte le souhait de la patiente par rapport à sa fertilité notamment ; la dimension psychologique dans le cadre de la douleur est également un élément essentiel à considérer.
Bibliographie
(1) Lansac J, Lecomte P, Marret H. « Gynécologie pour le praticien »,
collection gynécologie de Masson, 2002.
(2) Bousquet de Jolinière J. L'endométriose revisitée, une maladie tumorale bénigne à fort pouvoir métastasiant ? « Le Concours médical », 1999 ; 121, 1697-1699.
(3) Dubuisson J-B. Endométriose, « La Revue du Praticien », 1999 ; 49, 245-289.
(4) Tribondeau P. L'endométriose, « Panorama du Médecin », 2000 ; 4700, 37.
(5) Eskenasi B, Warner M-L. Epidemiology of endometriosis, « Obstetrical and Gynecology », 1997 ; 24, 235-258.
(6) Olive D-L, Hendreson DY. Endometriosis and Mullerian anomalies,
« Obstetrical and Gynecology », 1987 ; 69, 412-415.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature