Livres
« Le jour où j'ai croisé la belle Pimprenelle... j'étais loin de penser, évidemment, que je mettais joyeusement ma vie entre les mains d'un monstre à cent têtes qui allait la massacrer ».
Le ton du « Cosmonaute » (1) est donné, et son narrateur n'en finit pas de gloser sur la lamentable dégradation cette relation amoureuse, matrimoniale et familiale. Car le problème, dans l'affaire, est qu'un enfant est né - une naissance qui donne l'occasion à Philippe Jaenada d'exercer avec délectation sa verve tragi-comique, alors que pour nous, lecteurs, la cause de l'échec irrémédiable est entendue ; un bébé qui va faire les frais de l'amour-haine maladif du couple.
D'abord, elle l'a isolé du reste du monde - ce qu'il a pris pour une marque de passion - refusant de l'accompagner dans ses sorties, ne lui reprochant rien mais boudant lorsqu'il rentrait, se montrant jalouse lorsqu'il croisait des ami(e)s et même de ses appels téléphoniques. Puis, elle l'a transporté dans une prison dont elle a établi toutes les lois : un autre appartement qu'elle a choisi, une routine qui se reproduit tous les jours parce que le moindre imprévu l'affole, une maniaquerie sans fin et toute une liste de règles et d'interdits que le pauvre conjoint doit respecter sous peine d'injures et même de coups...
Et l'amour dans tout cela ? C'est la question de ce roman car le narrateur, qui n'est pas un idiot, s'interroge évidemment sur ce qui le retient dans l'enfer de cette folle et furieuse parfois. Un amour fou, évidemment. Qui n'empêche pas d'être lucide, et malheureux. Il ne lui reste plus, pour assumer, qu'à se couper de l'extérieur, s'élever dans l'espace tel un cosmonaute...
Le malheur des filles
« Mon père était l'alpha et l'oméga. Il commençait et finissait ma journée ; pourquoi sa mort n'aurait-elle pas été la fin de ma vie ? »
La fille qui se lamente ainsi, dans le roman d'Eliette Abécassis sobrement intitulé « Mon père » (2), n'est pas une jeune fille encore fragile, mais une femme d'âge mûr - toute aussi fragile cependant. Or la narratrice, la fille unique qui depuis deux ans ne se console pas de la disparition d'un père pour elle unique, reçoit un jour la lettre d'un inconnu qui lui dit être le fils de ce père. Elle le croit, il lui ressemble.
Le frère et la sur se lancent alors dans une enquête, une quête pour percer le mystère de ce fils secret ; lui pour s'approprier ce père qui l'a abandonné, elle pour conforter le choix de son géniteur de rester avec elle - elle seule, car la mère est totalement absente.
Dans un premier temps, elle campe pour lui le portrait d'une relation père-fille idyllique, d'une figure paternelle austère, un homme de moralité, intransigeant envers lui-même et envers les autres, un homme qui savait tout et qui devinait ce qu'il ne savait pas, qui régnait sur les mots et sur les choses...
Puis au fil des souvenirs, transparaît le malaise de l'enfant solitaire, de la jeune fille qui n'a pas osé quitté le foyer paternel et qui a lassé ses fiancés. Pourquoi est-elle devenue cette vieille fille grosse, enlaidie par l'alcool et névrosée, sinon parce qu'elle n'a pas su se déprendre de l'emprise du père ? Tout cela pour apprendre, avec l'arrivée de ce demi-frère, qu'elle n'était l'élue de son cur que par défaut.
La réussite d'Eliette Abécassis est de nous faire assister, presque en temps réel, à cette prise de conscience terrible de la part d'une fille simplement aimante, d'avoir gâché sa vie pour un père qui, d'une certaine façon, l'a trahie.
Mais le propos est plus général car, note l'auteur, « Toutes les femmes ont un père : il faut bien comprendre ceci, qui n'est pas une évidence. toutes les femmes ont un père : cela veut dire que toutes les femmes sont condamnées au malheur ».
(1) Editions Grasset, 355 p., 19 euros
(2) Editions Albin Michel, 137 p., 12 euros
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