Les études épidémiologiques ont montré que, dans la formation de calculs calciques urinaires et la déminéralisation osseuse, il existe une agrégation familiale, ce qui est compatible avec l'existence de facteurs génétiques.
De faibles taux de phosphore sérique, liés à une baisse de réabsorption rénale, on été rapportés chez quelques patients ayant une lithiase urinaire ou une déminéralisation osseuse ; ce qui suggère que des facteurs génétiques conduisant à une baisse de la réabsorption rénale du phosphore peuvent contribuer à ces pathologies.
Le gène codant pour le cotransporteur sodium-phosphore de type 2a (NPT2a), situé à la membrane apicale des cellules du tube proximal, se positionne comme un candidat dans ces maladies. En effet, le rein joue un grand rôle dans l'homéostasie du calcium et régule la phosphorémie en modulant l'excrétion urinaire du phosphore. Ce dernier est filtré par le glomérule puis réabsorbé au niveau du tube proximal (l'étape limitante est l'activité de la NPT2a).
Un transporteur phosphore-sodium
L'équipe française, qui publie son travail aujourd'hui dans le « New England Journal of Medicine », a évalué 20 patients (13 hommes et 7 femmes) sans lien de parenté, âgés de 47 ± 11 ans, vus à l'hôpital Bichat. Ces patients avaient soit une lithiase urinaire (14 patients, dont 10 hommes), soit une déminéralisation osseuse (6 patients, dont 3 hommes) ; tous avaient une hypophosphorémie (< 0,80 mmol/l) persistante « idiopathique » associée à une baisse de la réabsorption maximale rénale du phosphore (< 0,70 mmol/l).
La région codant le gène du NPT2a a été séquencée chez tous les patients.
Résultat : deux patients, l'un ayant une lithiase urinaire récidivante, l'autre une déminéralisation osseuse, ont été trouvés hétérozygotes pour deux mutations distinctes.
Le premier (lithiase récidivante) est un homme de 34 ans dont la phosphorémie est à 0,51 mmol/l et la réabsorption maximale de phosphore à 0,47 mmol/l. Il est porteur de deux substitutions (G-T en 223 et C-T en 224), qui correspondent toutes deux à la substitution d'une alanine par une phénylalanine en position 48 (A48F).
L'autre (déminéralisation osseuse idiopathique) est une femme de 64 ans dont la phosphorémie est à 0,70 mmol/l et la réabsorption maximale du phosphore à 0,58 mmol/l. Elle présente une unique transition G-A en position 520, ce qui correspond à une substitution d'une valine par une méthionine en position 147 (V147M). Sa seule fille a une déformation vertébrale et des antécédents de fractures des membres supérieurs, une hypophosphorémie (0,76 mmol/l) et une faible réabsorption rénale (0,67 mmol/l) ; elle possède la même mutation.
« Nos résultats suggèrent que les mutations de NPT2a identifiées chez deux patients ont provoqué un trouble de la réabsorption rénale du phosphore, conduisant à une hypophosphorémie. Une faible concentration de phosphore sérique pourrait accroître la production de 1,25 dihydroxy-vitamine D conduisant à une hypercalciurie, comme cela a été observé. »
Des mécanismes encore inconnus
La raison pour laquelle une perte urinaire de phosphore pourrait conduire soit à la formation de calculs calciques soit à une déminéralisation osseuse n'est pas connue, mais elle pourrait être liée au sexe, à des facteurs environnementaux ou à d'autres facteurs génétiques, expliquent les auteurs.
« Notre étude apporte la démonstration génétique que des mutations hétérozygotes de NPT2a sont impliquées dans l'hypophosphorémie résultant d'une perte rénale idiopathique de phosphore et indique que le NPT2a joue un rôle majeur dans l'homéostasie du phosphore. L'identification de variants fonctionnels du gène NPT2a chez des patients ayant une lithiase urinaire ou une déminéralisation démontre également qu'un défaut de réabsorption rénale du phosphore peut contribuer à la pathogénie de ces deux troubles fréquents », concluent les auteurs.
«New England Journal of Medicine » du 26 septembre 2002, pp. 983-991.
Dominique Prié, Virginie Huart, Naziha Bakouh, Gabrielle Planelles, Olivier Dellis, Bénédicte Gérard, Philippe Hulin, Françoise Benque-Blanchet, Caroline Silve, Bernard Grandchamp et Gérard Friedlander (équipes de l'hôpital de Bichat, Paris : physiologie-exploration fonctionnelles, biochimie B, INSERM U426, INSERM U409 ; et de l'hôpital Necker, Paris : INSERM U467).
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