Un entretien avec le Pr Michel Tulliez*
Inhibiteur sélectif de la protéine kinase mutée Bcr-Abl, l'imatinib (Glivec) est aujourd'hui considéré comme un traitement standard de la leucémie myéloïde chronique. D'autres hémopathies pourraient également bénéficier de cette approche thérapeutique ciblée.
Ainsi, dans certaines leucémies aiguës lymphoblastiques Ph+, exprimant aussi Bcr-Abl, l'administration de Glivec à raison de 600 mg/j permet d'obtenir 60 % de rémissions hématologiques. Cet effet, certes spectaculaire mais transitoire (survie de sept mois ; survie sans progression à six mois : 12 %), justifie néanmoins une association à la chimiothérapie. Un protocole de ce type vient de débuter (protocole AFR09).
C-kit et récepteur du PDGF
L'imatinib est également capable d'inhiber fortement l'activité tyrosine kinase de c-kit, récepteur membranaire du SCF (Stem cell factor) et du récepteur au PDGF. De ce fait, des essais de traitement ont été réalisés dans certaines hémopathies exprimant fortement c-kit. En 2002, une équipe allemande a ainsi rapporté au congrès de l'ASH les premiers résultats d'une étude pilote de phase II dans les leucémies aiguës myéloblastiques exprimant fortement c-kit. L'administration d'imatinib dans 12 cas de LAM c-kit (+) en échec ou en rechute a permis d'obtenir deux rémissions hématologiques complètes et deux rémissions partielles.
A. Pardanani et coll. ont signalé, au cours de ce même congrès, deux rémissions hématologiques complètes dans un groupe de neuf patients présentant une mastocytose systémique. Il s'agissait pour ces deux patients de formes particulières de mastocytose associées à une éosinophilie et sans mutation de c-kit. L'imatinib apparaît également actif dans la maladie de Vaquez (Silver RT, ASH 2002 et Jones C. M. et coll., « Am J Med Sci » 2003 ; 325 : 149-25), mais son utilisation dans cette indication ne serait justifiée que chez les quelques patients intolérants à Hydrea et au Vercyte, qui restent des traitements efficaces et peu onéreux.
L'imatinib est apparu très efficace dans de très rares hémopathies caractérisées par l'existence d'un transcrit chimérique impliquant le récepteur du PDGF (PDGFR). Des auteurs américains ont notamment fait état d'une rémission moléculaire à six semaines, persistant à six mois, chez un malade porteur d'une leucémie myélomonocytaire chronique avec translocation t (5 ;17) impliquant le PDGF RB récepteur B sur le chromosome 5 et qui avait rechuté après allogreffe de moelle (Magnusson M.K. et coll., « Blood » 2002 ; 100 : 1088-91). Une variété rare de syndrome myéloprolifératif atypique avec translocation t (5 ;12) impliquant le même PDGF RB a également fait l'objet d'une publication intéressante (Apperley J. F. et coll., « N Engl J Med » 2002 ; 347 : 481-7) : une rémission moléculaire complète a pu être constatée chez 3 patients porteurs d'un transcrit chimérique ETV6-PDGFR, ainsi que chez un autre, présentant des lésions cutanées diffuses qui ont régressé de façon très rapide sous traitement.
Enfin, Glivec a témoigné d'une remarquable efficacité, mais inconstante, au cours du syndrome hyperéosinophilique primitif, ce qui a entraîné la découverte récente, chez des patients répondeurs, d'une délétion interstitielle du chromosome 4 à l'origine de la création d'un gène de fusion impliquant le PDGF récepteur A (FIP1L1-PDGFR) (Cools J. et coll., « N Engl J Med » 2003 ; 348 : 1201-14). D'autres publications (Gleich G.J. et coll., « Lancet » 2002 ; 359 : 1577-8 ; Pardanani A. et coll., « Blood » 2003 ; 101 : 3391-7 ; Cortes J. et coll., « Blood », 2003, sous presse) et communications ont également fait état de résultats remarquables avec une normalisation très rapide du taux des éosinophiles, dans quelques cas isolés.
Centre hospitalier Henri-Mondor,Créteil.
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