L ES députés commenceront à débattre mardi prochain, 17 avril, le projet de loi du gouvernement qui prévoit la création, à partir du 1er janvier 2002, d'une allocation personnalisée d'autonomie (APA) pour les personnes dépendantes âgées de plus de 60 ans. « Le Quotidien » fait le point sur les principales dispositions de ce texte
Pourquoi une nouvelle loi ?
La future allocation personnalisée d'autonomie doit se substituer à la prestation spécifique dépendance (PSD), instaurée par le gouvernement Juppé en 1997 pour les personnes âgées de plus de 60 ans souffrant d'une perte d'autonomie importante, et qui était vivement critiquée, aussi bien à gauche qu'à droite. Le montant moyen de la prestation spécifique dépendance en 2000 s'élève à 3 400 F pour une personne âgée dépendante maintenue à domicile et à 1 800 F pour une personne résidant en établissement, mais la PSD est en réalité très inégalitaire, selon les départements qui fixent son montant. D'où la décision du gouvernement de mettre en chantier une nouvelle loi : l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) qui devrait profiter à davantage de personnes dépendantes.
Qui bénéficiera donc de l'APA ?
Alors que 135 000 personnes âgées très dépendantes reçoivent aujourd'hui la PSD et 40 000 autres, l'allocation pour tierce personne (ACTP), l'APA vise environ 800 000 bénéficiaires potentiels. En effet, la future allocation aidera non seulement les 532 000 personnes âgées très dépendantes de plus de 60 ans, mais aussi les 264 000 personnes âgées dont la perte d'autonomie est seulement « moyenne ».
Quels sont les critères d'évaluation de la perte d'autonomie ?
L'évaluation de la perte d'autonomie se fera à partir de la grille AGGIR (Autonomie gérontologique groupes iso-ressources), outil légal depuis 1997 pour l'attribution de la PSD.
L'équipe médico-sociale doit observer la personne âgée dans dix activités de la vie quotidienne pour savoir si elle les fait : a) entièrement seule et bien ; b) partiellement ou de façon incorrecte ; ou c) pas du tout.
Les activités retenues sont : la cohérence (de la conversation et du comportement), l'orientation (spatiale et temporelle), la toilette, l'habillage, l'alimentation, l'hygiène de l'élimination, les transferts (se lever, se coucher, s'asseoir), les déplacements à l'intérieur du domicile ou de l'établissement, les déplacements à l'extérieur, la communication (sonnette, alarme, téléphone).
En fonction des résultats obtenus, la personne âgée est classée dans l'un des six groupes iso-ressources ou GIR, les classements 5 et 6 correspondant respectivement à une perte d'autonomie légère et nulle.
Prenons par exemple le cas de Marguerite, 95 ans, qui est confinée au fauteuil et souffre d'une perte d'autonomie à la fois mentale, corporelle, locomotrice et sociale. Elle sera classée dans le GIR 1 et nécessitera une présence indispensable et continue d'intervenants.
A l'inverse, Paul, 70 ans, a besoin d'aide pour se lever, faire sa toilette et s'habiller, mais peut ensuite se déplacer à l'intérieur de son logement et s'alimenter seul. Il sera considéré comme moyennement dépendant (GIR 4), mais devrait bénéficier cependant de l'APA.
Quel est le rôle des médecins dans l'évaluation de la dépendance ?
Le projet de loi prévoit que l'équipe médico-sociale chargée d'évaluer le degré de perte d'autonomie comprendra, non seulement au moins un médecin et des paramédicaux, mais aussi des travailleurs sociaux du département et des personnels des caisses de Sécurité sociale.
Le projet de loi sur l'APA ne prévoit rien sur le mode de rémunération des médecins pour la prise en charge des personnes âgées dépendantes. De façon générale, les médecins sont rémunérés à l'acte, mais peuvent bénéficier de forfaits au titre de leur rôle de coordinateur dans les réseaux gérontologiques et les établissements.
Quel sera le montant de l'APA à domicile ?
Contrairement à la PSD, l'APA a un caractère universel, dans la mesure où la part du ticket modérateur prévue pour les plus hauts revenus n'atteindra jamais 100 %. En outre, le montant de cette prestation sera égal sur l'ensemble du territoire, à niveau de dépendance et de ressources équivalents. Le barème national de l'APA doit être fixé par décret. Mais d'ores et déjà, le gouvernement envisage d'attribuer au minimum 600 F par mois pour les personnes âgées moyennement dépendantes (GIR 4) si leur revenu mensuel dépasse 20 000 F, et jusqu'à 3 000 F si elles reçoivent moins de 6 000 F par mois. Les personnes âgées très dépendantes (GIR 1) auront droit à une allocation de 1 400 F si elles sont aisées (plus de 20 000 F de revenus mensuels) et jusqu'à 7 000 F si elles touchent moins de 6 000 F par mois.
Les revenus des allocataires seront calculés en tenant compte de l'ensemble de leurs ressources, y compris les revenus estimés de leur patrimoine.
Par ailleurs, l'APA pourra être complétée par d'autres aides locales (action sociale des caisses de retraite, des mutuelles, des sociétés d'assurances...).
Sous quelle forme est versée l'allocation à domicile ?
Le montant de l'APA à domicile fixé pour chaque degré de perte d'autonomie correspondra à un « plan d'aide » maximal, autrement dit un droit de tirage, que les bénéficiaires peuvent utiliser en partie ou en totalité. Chaque plan d'aide sera élaboré par l'équipe médico-sociale après avoir examiné les besoins de la personne et après en avoir discuté avec elle et son entourage.
L'utilisation des plans d'aide sera individualisée, en fonction des conditions de vie particulières de chacun. L'allocation pourra, par exemple, être versée à un service d'aide à domicile ou bien directement à la personne âgée dépendante, à sa demande, pour lui permettre de rémunérer une tierce personne employée à domicile (celle-ci peut être un membre de sa famille, à l'exception de son conjoint). L'APA peut aussi financer des dépenses d'accueil en ambulatoire ou d'accueil temporaire, des frais d'aides techniques ou d'adaptation du logement.
Quid de la récupération de l'APA sur succession ?
Le projet de loi initial du gouvernement prévoyait une récupération partielle de l'APA (à domicile et en établissement) sur les successions et les donations pour les héritages d'un montant supérieur ou égal à 1 million de francs (contre 300 000 F pour la PSD aujourd'hui). Mais cette disposition, jugée dissuasive, a été critiquée par des députés de droite comme de gauche. La commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale l'a supprimée dans la version du texte examinée ces jours-ci.
Quelles seront les modalités de prise en charge en établissement ?
Parmi les personnes âgées qui ont perdu leur autonomie, un tiers d'entre elles résident en maison de retraite (publique ou privée). Elles pourront percevoir une allocation en fonction de leurs ressources et du coût de la dépendance dans l'établissement d'accueil. Dans les établissements pour personnes âgées, le coût de la dépendance est exprimé par un tarif dépendance (fixé par une convention tripartite conclue avec la DDASS et le conseil général du département). Ce tarif dépendance couvre les dépenses d'aide à la vie quotidienne, mais pas les frais d'hôtellerie (à la charge de l'usager ou de l'aide sociale du département) ni les soins (pris en charge par l'assurance-maladie). L'APA en établissement viendra donc prendre en charge le tarif dépendance, déduction faite d'une participation à la charge de la personne en fonction de ses revenus.
Les bénéficiaires de l'APA en établissement auront droit à un minimum d'« argent de poche ». De même, une somme minimale sera mise à la disposition du conjoint resté à domicile, le cas échéant (elle sera déduite des ressources du couple pour le calcul des frais d'hébergement à charge et des droits à l'APA).
Combien coûtera l'APA ?
Le gouvernement estime le coût de la nouvelle prestation entre 15 et 17 milliards de francs. En régime de croisière, il pourrait même atteindre 23 milliards.
Qui financera ?
Dans le projet de loi, l'APA est essentiellement financée, en 2002 et 2003, par les conseils généraux des départements, pour près de 11 milliards de francs (ce qui représente pour eux un effort supplémentaire de 2,5 milliards par rapport au coût de la PSD). Le Fonds de solidarité vieillesse apportera 0,1 point de contribution sociale généralisée (CSG), soit 5 milliards. Enfin, le Fonds d'action sociale en faveur des personnes âgées, géré par la Sécurité sociale, contribuera à l'APA à hauteur de 500 millions. Le gouvernement a prévu un bilan financier en 2003 pour adapter, le cas échéant, les modalités de financement les années suivantes en fonction de l'évolution des dépenses.
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