Le temps de la médecine
Parmi les horloges biologiques soumises au franchissement rapide, répété, dans un sens et dans l'autre, des fuseaux horaires, celles des pilotes, hôtesses et stewards comptent parmi les plus exposées. Encore faut-il distinguer entre les types de vol. Selon qu'il s'agit de moyens ou de long-courriers, les contraintes et les plaintes ne sont pas les mêmes.
Les premiers s'apparentent en fait au travail posté. « Le PNC (personnel navigant commercial) ou le PNT (personnel navigant technique), en ce cas, n'est pas soumis au décalage horaire, explique le Dr Claude Monclus, médecin du travail à Air France. Son poste implique des horaires décalés : certaines semaines, levé tôt matin, il est libéré l'après-midi, d'autres semaines, il travaille tard dans la soirée. Dans tous les cas, il est soumis à davantage de vols, avec leurs contraintes : procédures de montée, de descente, répétées plusieurs fois en plus du service de bord. De tels rythmes entraînent souvent l'impression de ne pas récupérer et provoquent des états de fatigue. »
Ne pas focaliser sur le jet-lag
Dans le cas des vols long-courriers, vient s'ajouter le paramètre du décalage horaire. « Un élément parmi d'autres, que sont la fatigue du vol, le manque de sommeil, la mauvaise gestion du temps de récupération », note le Dr Monclus, qui juge abusif de focaliser sur le seul jet-lag. C'est tout un processus d'accumulation qui doit être pris en compte par le médecin du travail.
Lequel ne participe pas à la construction des plannings de rotation en fonction des destinations. Il s'agit d'une organisation discutée entre direction et syndicat, sans que s'immisce le médecin qui n'a pas à participer à une procédure qui va à l'encontre de la physiologie.
Différents secteurs géographiques sont dessinés : vers l'Ouest (l'Amérique), vers l'Est, (l'Asie et l'océan Indien-Caraïbes) et Nord-Sud (l'Afrique) ; mais les affectations sont moins étanches aujourd'hui que dans le passé, les personnels étant appelés à voler vers tous les horizons. Ce qu'on appelle en jargon aéronautique « faire l'essuie-glace », entre les destinations occidentales et orientales.
Autre évolution observée dans l'organisation, le temps d'escale a tendance à être réduit. De huit jours, il est passé à des périodes de deux ou trois jours. « De ce fait, nous recommandons aux navigants de rester calés sur l'horaire de Paris, précise le Dr Monclus. Quitte, selon l'envie des uns et des autres de profiter de la vie locale lors de l'escale, à s'octroyer des ajustements, dans la limite d'un décalage de trois heures, ce que l'organisme sait absorber pour une soirée tardive du samedi soir. »
Autre dérogation au principe, les vols dits avec bretelles : un Paris-San Francisco qui sera suivi de plusieurs allers-retours de la Californie vers Papeete, par exemple. On a alors tout intérêt à se décaler par rapport à l'heure de Paris.
Les personnels navigants sont en général motivés par leur métier et ils disposent d'un excellent état général. Les cadences qu'ils vivent n'en provoquent pas moins des plaintes que recueille le médecin du travail ; des états de mal-être sont constatés, avec des troubles du sommeil et de l'humeur, une certaine morosité. « Il faut prendre garde aux symptômes d'un possible état dépressif, signale le Dr Monclus. Mais en général, un arrêt de travail de quelques jours ou une affectation temporaire au sol, avec une inaptitude au vol pour une durée de un à trois mois, permettent de reprendre un bon rythme. »
Un rythme que les jeunes peuvent encaisser plus facilement, mais que les anciens, exercés dans l'art de la récupération, supporteront jusqu'à un âge de la retraite le plus souvent compris entre 50 et 55 ans (après ingt-cinq annuités de cotisations).
Pour ces personnels particulièrement attentifs à leur bonne forme (un simple rhume et ils sont mis en arrêt de travail), l'attention prêtée aux aides thérapeutiques et médicamenteuses est grande. « Radio Steward » est souvent branchée sur les toutes dernières nouveautés repérées à l'étranger, surtout aux Etats-Unis.
Les année mélatonine
C'est ainsi qu'il y a eu, à partir de 1995, l'engouement des années mélatonine. « Les gens l'utilisaient en automédication comme n'importe quel hypnotique et sollicitaient nos conseils », se souvient le Dr Monclus.
S'agissant des somnifères, les navigants présentent toute la gamme des usagers, du phobique, rebelle à toute prise médicamenteuse, à celui qui ne peut pas fermer l'il sans son quart de Stilnox, en passant par la grande majorité : ceux qui vont recourir de loin en loin à un petit coup de pouce à l'endormissement.
A l'inverse, les pratiques dopantes, pour compenser des récupérations défaillantes, semblent exceptionnelles dans cette population très consciente des barrières à ne pas franchir. Tout au plus signale-t-on quelques cas de consommations d'alcool excessives, vite dépistées dans le cadre des examens biologiques.
Dans une grande compagnie comme Air France, les navigants ne souffrent pas trop, semble-t-il, des alternances malmenées veille-sommeil : leur taux d'absentéisme n'excède pas celui des personnels au sol. Et, d'après leurs caisses de retraite, leur espérance de vie est supérieure à celle de la catégorie des cadres au sol.
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