APRÈS LE DÉCLENCHEMENT de la procédure d'alerte par le comité chargé de surveiller l'évolution des dépenses de l'assurance-maladie, tous les acteurs du monde de la santé sont eux aussi… en alerte. L'ampleur du dépassement prévu d'ici à la fin de l'année – 2 milliards d'euros –, contre un dépassement de 1,1 milliard d'euros prévu dans l'Ondam, va en effet nécessiter des mesures de redressement. Le gouvernement a demandé à l'assurance-maladie de lui faire ses propositions d'ici à la fin du mois de juin. Industriels, patients, professionnels de santé… chacun craint d'être la cible de nouvelles contraintes. «Il faudra veiller à l'équilibre des efforts entre tous les acteurs: assurés, professionnels de santé, entreprises du médicament, établissements de santé, organismes complémentaires», a affirmé aux « Echos » Frédéric Van Roekeghem. Selon le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam), il conviendra «d'analyser les causes du dérapage» avant de prendre les mesures correctrices nécessaires permettant de réaliser 900 millions d'euros d'économies en année pleine. Il n'empêche que, d'ores et déjà, politiques, professionnels, patients et syndicats montent au créneau.
Du côté des politiques.
Selon le Parti socialiste, le dérapage des déficits sociaux signe «l'échec de la réforme Douste-Blazy de 2004, qui prévoyait le retour à l'équilibre en 2007». «La perspective d'une amélioration très relative des comptes sociaux n'était qu'un rideau de fumée pour tromper les Français et tenter de dissimuler la lourdeur du bilan de la droite», affirme le PS, qui redoute «des décisions hâtives et injustes de la part du gouvernement Fillon», notamment de «nouveaux déremboursements.»
Les médecins sur le qui-vive.
Les principaux syndicats de médecins ont également réagi vigoureusement (« le Quotidien » d'hier). A l'instar de la Csmf, plusieurs organisations ont fait savoir qu'elles n'accepteraient pas que l'on touche aux honoraires médicaux.
Frédéric Van Roekeghem a exclu de revenir sur la revalorisation de 1 euro du tarif des généralistes qui doit entrer en vigueur le 1er juillet prochain. Il a indiqué, en revanche, que «le passage de la consultation à 23euros prévue en juin 2008, ndlr dépendra des résultats de la maîtrise médicalisée, des moyens alloués par le Parlement en 2008 et des efforts qui seront demandés aux assurés». Il semblerait que, dans le cadre de la deuxième étape de la réforme de la nomenclature des actes techniques, «certaines spécialités ayant bénéficié d'un effet volume important, comme la radiologie, voient une partie de leurs lettres clés revues à la baisse», explique un responsable syndical.
La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (Fspf) s'oppose à «toute mesure économique directe ou indirecte» visant les pharmacies. La fédération juge que la profession a été «fortement malmenée» par le plan médicament 2006, avec «la baisse des prix et les déremboursements».
Les mutuelles durcissent le ton.
Le président de la Mutualité française, Jean-Pierre Davant, a commenté durement l'instauration programmée de franchises médicales pour combler le déficit de la Sécurité sociale. Il les compare à «une mesure de rapiéçage», risquant à terme de «tuer la solidarité nationale». «Les franchises font courir un danger, ajoute-t-il. Comme il ne faut pas pénaliser les personnes en situation de fragilité, on va demander essentiellement aux couches moyennes de payer, alors qu'elles sont déjà les plus sollicitées au niveau des prélèvements.»
Le président de la Mutualité française attend des précisions du gouvernement sur la prise en charge ou non de ces franchises par les complémentaires santé (mutuelles, assurances, instituts de prévoyance).
La Mutuelle générale de l'Education nationale (Mgen) exprime sa «crainte d'un transfert de charges sur les patients et les complémentaires santé».
Syndicats et entreprises en défense.
L'Union nationale des syndicats autonomes (Unsa) estime que les assurés sociaux ont «déjà largement participé à l'effort de redressement» des comptes de l'assurance-maladie et «ne cautionnera aucune décision qui leur ferait porter de nouveaux sacrifices». Selon le syndicat, les médecins libéraux n'ont pas partagé cet effort : «C'est dans l'organisation du système de soins et la remise en cause du seul paiement à l'acte qu'il faut trouver les pistes d'une réflexion de fond.» Le Medef met en garde le gouvernement contre «d'éventuelles recettes supplémentaires pesant sur la compétitivité des entreprises et sur l'emploi».
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