Perruche : la grève des échographies semble bien suivie 

La grève des échographies anténatales, commencée le 1er  janvier pour protester contre la jurisprudence Perruche « semble très bien suivie», affirme le SYNGOF.

« Sur la trentaine de centres de diagnostic anténatal (que compte le pays) , au moins une bonne dizaine m'ont indiqué suivre le mouvement », le 2 janvier, déclare le responsable du Syndicat des gynécologues-obstétriciens français (SYNGOF), citant l'Ile-de-France, avec Necker à Paris et Béclère à Clamart, Strasbourg, la Bourgogne, les Pays de la Loire (Nantes, Angers), Brest « et d'autres encore ». Les médecins impliqués « attendent le 10 janvier et (la) proposition de loi Mattei qui doit être rediscutée » afin de permettre « de revenir sur l'arrêt Perruche » (« le Quotidien » du 20 décembre), précise le Dr Guy-Marie Cousin. L'organisation syndicale à l'origine du mouvement fait savoir que « les échographies en cours de grossesse ne seront effectuées qu'en cas d'anomalie clinique, dans un but thérapeutique ». Elle dénonce « l'obligation de résultat imposée par les magistrats (de la Cour de cassation) aux spécialistes de la naissance qui change fondamentalement le contrat médecin-patiente ». « Attention, les médecins ne veulent pas se prémunir contre la responsabilité de l'erreur, mais on est incapable de garantir un diagnostic à 100 %, prévient le Dr Guy-Marie Cousin  : on ne veut plus être reconnu responsable d'une anomalie qui n'a pas été dépistée alors que tous les moyens existants ont été mis en œuvre. » « Aujourd'hui, insiste-t-il, on passe à côté de 30 % des anomalies parce que la technique ne permet pas de tout voir. »

Redéfinir les responsabilités

Le Syndicat national de l'union des échographistes (SNUDE), en ce qui le concerne, conseille à ceux qui cessent le travail ou qui ne prennent plus de rendez-vous depuis le début de l'année « de diriger les demandes vers l'hôpital le plus proche (recommandation de l'Ordre), et à ceux qui continuent de ne pas augmenter leur cadence ».
De son côté, le secrétaire général du collège des échographes, le Dr Gilles-Gabriel Martin, met en garde contre un risque de pénurie de spécialistes. « Pour l'instant, indique-t-il, un certain nombre de confrères qui pratiquaient l'échographie ont cessé leur activité. Quoi qu'il arrive au niveau de la loi, nombre d'entre eux ne reprendront pas leur spécialité. Aussi va-t-on manquer d'échographistes en France. Uneseule chose peut nous permettre de reprendre notre travail, c'est une loi ; une loi, conclut le Dr Gilles-Gabriel Martin, qui redéfinisse clairement les champs de responsabilité de chacun. »
Dans l'état actuel de la réflexion, des juristes ministériels ont mis au point les définitions suivantes : « La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a causé le handicap ou en a permis l'aggravation. Lorsque le handicap n'a pas été décelé pendant la grossesse en raison d'une faute médicale, les parents peuvent demander une indemnité pouvant contribuer à la charge liée au handicap. Cette indemnité ne se substitue pas à la solidarité nationale. Elle est versée sous la forme d'une rente attribuée durant la vie de la personne handicapée ou en capital si son intérêt le justifie. » En d'autres termes, il faut qu'il y ait une « faute grave au sens judiciaire » et l'indemnisation ne vise pas le handicap. Quant au délai de prescription, actuellement de quarante-huit ans, il n'y aurait aucun espoir qu'il soit ramené à moins de vingt-huit ans (majorité + dix ans).
Le Dr Pierre Haehnel, de l'Ordre national, qui comprend l'action des échographistes, note qu' « il y a trente ans on ne faisait pas d'échographies en France, et ça n'empêchait pas les enfants de naître ». Pour sa part, avant que le législateur s'empare de la question, Bernard Kouchner a reçu les représentants de la profession, le 3 janvier. Selon le ministre délégué à la Santé, la « vie handicapée n'est pas un dommage en elle-même ».