Lancé par le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, au début de l'été, le groupe de travail sur les urgences et la permanence des soins conduit par l'ex-sénateur RPR de l'Isère Charles Descours (chirurgien de formation) doit se réunir les 6 et 18 septembre, puis régulièrement tous les quinze jours, afin de formuler des propositions le 15 décembre.
Il est d'autant plus urgent de traiter ce dossier que, après la grève, les médecins libéraux rejettent désormais toute obligation déontologique en la matière et ne jurent plus aujourd'hui que par le volontariat rémunéré (« le Quotidien » du 25 juillet). La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) et le Syndicat des médecins libéraux (SML) ne cachent pas qu'en cas de statu quo en fin d'année ils déclencheront une nouvelle « grève des gardes structurée dès le mois de janvier ou février », précise le président du SML, le Dr Dinorino Cabrera.
Le nouveau forfait d'astreinte de 50 euros par tranche de douze heures, la nuit ou le week-end, n'a pas été mis en place partout. Il s'applique dans des zones « en tache de léopard, y compris au sein d'un même département », précise le Dr Pierre Costes, président du syndicat MG-France, signataire de l'avenant qui a instauré le forfait d'astreinte. Le Dr Costes invoque « des blocages » provenant des Ordres départementaux ou des syndicats locaux.
Désormais, « les médecins ne feront que ce qu'ils auront envie de faire et ce qu'ils pourront », rappelle le Dr Michel Combier, président de l'Union nationale des omnipraticiens français (UNOF-CSMF). La CSMF et le SML réclament donc l'abrogation des articles 77 et 78 du code de déontologie médicale sur l'obligation de permanence des soins et ses modalités, puisqu'ils sont devenus plus que jamais inapplicables.
MG-France, qui a diffusé un questionnaire auprès des médecins généralistes, constate qu'ils « veulent soit beaucoup de moyens, soit être déchargés », mais « refusent en tout cas le maintien de l'existant ». MG-France demande la suppression des articles 77 et 78 du code de déontologie, non seulement parce qu'ils « ne correspondent plus à la réalité observée » mais aussi parce que « leur simple maintien empêche toute construction nouvelle », et en particulier la « valorisation d'une garde de service public définie, contractualisée, disposant de moyens » fournis par les pouvoirs publics (assurance-maladie, gouvernement, collectivités locales...), explique le Dr Costes.
Quant à la Coordination nationale des médecins généralistes, elle se contenterait d'une simple « révision de l'article 77 » qui rendrait le système de permanence des soins « incitatif » et non plus obligatoire.
Le Conseil national de l'Ordre des médecins entend, pour sa part, se limiter à une réécriture du commentaire de l'article 77. Selon son secrétaire général, le Dr Jacques Lucas, « une majorité de conseils départementaux de l'Ordre n'est pas favorable à la suppression de l'article 77 ».
Des dispositions annulées par le Conseil d'Etat
L'Ordre national mène actuellement une concertation auprès de ses conseils départementaux en vue de proposer un premier texte de synthèse dans quelques semaines. Le Dr Lucas espère que l'organisation des gardes et des urgences reposera à l'avenir « non pas sur le volontariat, mais sur une participation intelligente dans une société qui privilégie le temps libre ».
L'Ordre estime avoir été « réhabilité » dans son « rôle d'organisateur des gardes et urgences » par une décision du Conseil d'Etat du 29 juillet.
La Haute Juridiction, qui avait été saisie par l'Ordre, a en effet annulé certaines dispositions relatives à la permanence des soins de l'avenant n° 8 de la convention des médecins généralistes (résultant de l'accord du 24 janvier 2002 conclu entre MG-France et l'assurance-maladie), au motif qu'elles empiétaient sur les compétences tantôt de l'Ordre, tantôt du gouvernement. Le Conseil d'Etat a invalidé le principe d'organisation de la permanence des soins par les partenaires conventionnels, ainsi que le dispositif d'aide à l'installation des médecins généralistes dans certaines zones versée en contrepartie d'engagements (notamment sur les gardes). En fait, l'avenant n° 8 avait déjà été revu et corrigé par l'accord des généralistes du 5 juin dernier, mais la décision du Conseil d'Etat a le mérite, précise le Dr Lucas, de « mettre un point final à la crise qui avait secoué l'Ordre » et conduit son précédent président à la démission.
Pour les syndicats, la décision du Conseil d'Etat confirme simplement l'exclusion de l'organisation des gardes du champ conventionnel.
Dès le mois de juillet, l'Ordre a commencé à réunir les responsables des syndicats médicaux pour tenter d'harmoniser les positions des uns et des autres.
Cependant, des points de convergence existent déjà. Tout le monde s'accorde pour mettre en place un système de permanence des soins à la fois global (prenant en compte la médecine de ville et l'hôpital) et collant au plus près aux besoins et aux spécificités locales, avec des moyens suffisants sur les plans financiers (rémunération, défiscalisation), matériels et humains (sécurité, véhicule, médiateur accompagnateur dans les quartiers difficiles). Une meilleure régulation en amont des appels est également nécessaire - notamment par l'éducation des patients. La grève des gardes peut avoir freiné leur tendance au « consumérisme ». En tout cas, il n'est plus question de « déplacer un médecin à 10 heures du soir pour un arrêt de travail ».
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