Au Sénat, on est formel, et un juriste de la Haute Assemblée explique au « Quotidien » que « hiérarchiquement, le décret prévu par amendement au PLFSS 2003 qui doit fixer les conditions et les modalités d'organisation de la participation des médecins libéraux à la permanence des soins (« le Quotidien » des 21 et 22 novembre) , passe au-dessus de l'article 77 du code de déontologie ». Dont acte, mais cet argument laisse de marbre Jacques Lucas, secrétaire général du Conseil national de l'Ordre : « Bien sûr, ce qu'une loi fait, une autre peut le défaire, mais déjà en 2002, le PLFSS prévoyait des décrets sur l'aide à l'installation et on les attend toujours ; et puis n'oubliez pas que l'Assemblée nationale peut très bien modifier l'amendement, nous allons à ce sujet communiquer nos arguments aux députés. »
Mais l'analyse du juriste du Sénat est partagée par l'ensemble des syndicats et, ardeur militante oblige, certains responsables syndicaux ne s'embarrassent pas de périphrases pour faire part de la mort annoncée de l'article incriminé. Pierre Costes, président de MG-France, ouvre le feu : « C'est MG-Urgences qui a constitué la première base cartographique des urgences ; pendant ce temps, le Conseil de l'Ordre se contentait de brandir l'article 77, et a laissé les professionnels se débrouiller avec les problèmes de terrain sans jamais assumer sa mission. Aujourd'hui, c'est trop tard, le décret en préparation rend l'article 77 caduc. Et que l'Ordre ne vienne pas dire que le volontariat ne réglera rien : le volontariat, ça se négocie, alors que quand c'est obligatoire, il n'y a rien à négocier. »
Un point de vue que réfute Jacques Lucas qui s'appuie sur l'amendement au PLFSS 2003 : « Cet amendement précise que la permanence des soins concerne les médecins libéraux conventionnés ; est-ce à dire que pour être conventionné, il faudra être volontaire pour cette permanence des soins ? Je pose simplement la question, mais dans tous les cas, chacun doit savoir qu'en cas de manque de volontaires, l'Ordre n'est pas volontaire pour les désigner. »
L'épine du volontariat
Le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML) n'y va pas non plus par quatre chemins quand il annonce : « L'article 77 est mort et enterré ; et c'est le décret prévu par l'amendement au PLFSS qui va l'achever, à condition, comme je l'espère, qu'il qualifie bien la permanence des soins de volontaire. » Faut-il d'abroger l'article 77 ou de le récrire pour le mettre en conformité avec le décret ? Dinorino Cabrera n'est pas vraiment fixé, mais il a sa petite idée sur la manière dont les choses se sont déroulées ces derniers temps : « Théoriquement, les questions relatives à la permanence des soins étaient de l'autorité de l'Ordre, qui restait bloqué sur l'article 77 ; et c'est parce que la mort de l'article était constatée par l'ensemble des acteurs que l'amendement a été mis en place. »
Même analyse chez Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), qui reconnaît que « l'article 77 a du plomb dans l'aile ; il ne faut plus s'accrocher à l'obligation évoquée par l'article 77 du code de déontologie. Cette obligation a vécu. Il faut la remplacer par un volontariat fortement incitatif, et si cette incitation est suffisante, vous verrez que les médecins reprendront le chemin des gardes ».
Sur ce sujet éminemment sensible, Jacques Lucas, du Conseil de l'Ordre, tient encore une fois à faire entendre sa partition : « Moi le volontariat, je trouve ça très bien, mais j'aimerais qu'on me dise de quoi il s'agit ; et je ne suis pas sûr que Pierre Costes et Claude Régi (respectivement président de MG-France et de la Fédération des médecins de France, NDLR) aient la même notion du volontariat. »
Et puis, il y a ce syndicaliste qui veut en dire plus et déballer le linge sale, mais sous couvert d'anonymat : « L'article 77 n'a plus aucune valeur ; si le gouvernement a choisi le PLFSS pour légiférer sur la permanence des soins, c'est pour faire pression sur le Conseil de l'Ordre ; j'ai d'ailleurs reçu des assurances du gouvernement sur le fait que le décret reprendrait l'idée de volontariat pour l'organisation de la permanence des soins. Vous voyez donc qu'il ne restera bientôt plus rien de cet article. »
Enfin, contacté par « le Quotidien », Charles Descours, qui préside la mission du même nom chargée par Jean-François Mattei de faire des propositions sur la permanence des soins, estime qu'il est trop tôt pour annoncer si le décret à la rédaction duquel il travaille fera référence ou non au volontariat, mais il lâche au passage : « L'Ordre m'avait demandé de travailler à la rédaction d'un article 77 remanié, je lui ai envoyé une proposition de réécriture, et je peux vous dire qu'elle repose sur le volontariat ; si le volontariat ne suffit pas, il est prévu une intervention au niveau départemental de l'Ordre et des syndicats, et en dernier recours, une intervention du représentant de l'état. »
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