Aujourd'hui, on peut parler d'une « stagnation inquiétante de la périnatalité », estime Nicole Mamelle, directeur scientifique de l'Association des utilisateurs de données informatisées en périnatalogie, obstétrique et gynécologie (Audipog*), qui analyse tous les ans les résultats d'un réseau d'une centaine de maternités françaises (près de 125 000 naissances).
« La nouveauté, cette année, souligne Mme Mamelle, c'est la hausse de la grande prématurité, évaluée à 1,7 %, et la hausse de la dégradation de la situation des professionnels de la naissance. » Seul point positif : la proportion de primipares de moins de 25 ans augmente à nouveau, « ce qui devrait entraîner une amélioration des indicateurs périnatals ».
Autres chiffres : la pratique de la césarienne « continue son envolée » (18 %), tandis que le taux d'amniocentèse s'élève à 10,2 % des grossesses.
Sur l'orientation des grossesses en fonction du niveau des maternités, l'Audipog constate une « régression » depuis 2000 : moins de 65 % des naissances avant 33 semaines ont lieu en niveau 3, alors que 15 % des femmes dites « à bas risque » y accouchent aussi. L'orientation des femmes doit être faite « par les généralistes et les gynécologues de ville, en amont de l'inscription en maternité », rappelle l'Audipog. De manière générale, l'association s'interroge sur la surmédicalisation de la naissance, d'autant que les usagers et une majorité de professionnels plaident en faveur d'un meilleur équilibre entre la prise en charge technique et l'accompagnement psychologique. « La demande d'accouchement sans péridurale existe réellement », rapporte Nicole Mamelle, chiffres à l'appui.
Responsabiliser parents et professionnels
La question est de savoir qui va accompagner les femmes, dans un contexte de pénurie croissante.
De fait, le réseau en appelle à la responsabilité des professionnels pour « savoir entendre la plainte ou l'appel à l'aide avant de parler de pathologie ». En effet, un soutien psychologique proposé aux femmes hospitalisées pour menace d'accouchement prématuré est « toujours accepté » et permet de « réduire d'un tiers la prématurité et de moitié la grande prématurité », rappelle Nicole Mamelle. Refusant « la banalisation de la prématurité » par ceux qui veulent « tout faire vite et bien », l'Audipog demande si ce n'est pas « aux médecins, aux sages-femmes, de rappeler aux couples en demande de PMA que le risque de grossesse multiple atteint 15 % sous traitement d'infertilité quel qu'il soit », avec toutes les complications associées que l'on connaît. Les membres de l'Audipog soulignent la responsabilité des parents et s'indignent de ce que, aujourd'hui, « 20 % des femmes enceintes fument, dont 7 % 10 cigarettes ou plus par jour »... tout en désirant une grossesse sans problème et un enfant parfait.
L'Audipog fustige surtout le manque d'investissement des pouvoirs publics dans le domaine de la naissance.
Les membres de l'association engagent les professionnels de la naissance et les généralistes à repérer les risques rapidement, à adopter une attitude préventive et à adapter l'orientation. Ils demandent que les restructurations tiennent compte du fait que les grossesses normales bénéficient d'une prise en charge optimale dans les maternités qui font entre 1 500 et 2 000 accouchements par an. Favorable à l'ouverture de maisons de naissance à proximité des maternités, l'Audipog estime que « celles-ci pourraient être confiées à des sages-femmes et/ou à des gynécologues-obstétriciens . Plus généralement, compte tenu des disparités géographiques, l'Audipog suggère de laisser « la porte ouverte aux initiatives locales » et d'autoriser « des pratiques périnatales nouvelles », tout étant possible, « à condition de se donner les moyens d'en évaluer les résultats ».
* Réseau Sentinelle Audipog, équipe épidémiologie, INSERM U369, 8, rue Guillaume-Paradin, 69372 Lyon Cedex 08, tél. 04.78.77.10.31, audipog@lyon.inserm.fr, audipog.inserm.fr.
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