IL Y A QUELQUES mois, Alain Françon avait choisi « la Cerisaie » comme dernière pièce de son temps de directeur du théâtre national de la Colline. Ce fut un spectacle accompli, volontairement inspiré du créateur des pièces d’Anton Tchekhov, son ami Constantin Stanislawski. Mettant aujourd’hui en scène « les Trois Surs », il a eu envie une fois encore de s’interroger sur la manière dont le directeur du Théâtre d’art de Moscou, avait procédé.
Il ne s’agit en rien d’une reprise mais d’une vision inspirée. C’est très beau, donné sur un rythme excellent, avec un entracte après les deux premiers actes. Écrivant l’histoire des trois filles du général Prozorov, mort un an auparavant, exactement, lorsque débute l’action par l’évocation de la fête de la plus jeune des surs, Irina, un 5 mai, Tchekhov brosse le portrait d’une petite société de province qui va perdre le peu d’animation qu’elle connaît lorsque, à la fin de la pièce, les militaires quitteront la ville de garnison. Iront-elles jamais à Moscou, les trois belles ? Non sans doute.
Tchekov était persuadé d’avoir écrit une comédie très drôle. Il dut admettre que si l’on sourit souvent, s’il y a des scènes drôles, il s’agit bien d’un drame en quatre actes. On ne saurait, ici, donner une idée de la beauté de ce spectacle, qui retrouve les humeurs délicates de l’écriture même. Dans une série de très beaux décors de Jacques Gabel, très bien éclairés par Joël Hourbeigt, Alain Françon s’appuie sur une distribution idéale. On ne peut citer chacun, mais nommons d’abord les surs : la plus jeune est une nouvelle venue, particulièrement sensible, Georgia Scalliet. Olga est jouée très finement par Florence Vialla tandis qu’Elsa Lepoivre donne à Macha une déchirante présence. Leur frère, Andreï, est très subtilement interprété par Guillaume Gallienne et Coraly Zahonero apporte beaucoup de complexité à Natalia. Citons encore Bruno Raffaelli, Tcheboutykine, le médecin blessé, Michel Vuillermoz, Verchinine, le lieutenant-colonel qui séduit Macha, Gilles David, le professeur, époux de cette dernière. Éric Ruf est remarquable dans un inattendu major Saliony et Laurent Stocker un touchant baron Touzenbach. On pourrait également saluer les anciens, Michel Robin, bientôt en retraite, et la toute nouvelle pensionnaire, Hélène Surgère. Et ceux qui ont des partitions moins étendues mais sont parfaits, Stéphane Varupenne et Adrien Gomba-Gontard.
Un spectacle qui émeut et comble. Les comédiens aiment Tchekhov. Il parle des âmes mais il parle aussi de la société, de l’Histoire. Il voit et transfigure tout en sentiments, impressions, rend palpable le monde même, sans discours.
Comédie-Française (tél. 0825.10.16), salle Richelieu, à 20 h 30 en semaine et 14 heures en matinée. Durée : 3 h 30, entracte compris. En alternance jusqu’au 16 juillet.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature