L A pénurie d'infirmières est un fléau pour les hôpitaux et surtout pour les cliniques.
Avec le passage aux 35 heures des hôpitaux au 1er janvier 2002, le manque va encore s'accroître : la Fédération hospitalière de France estime que 15 000 postes supplémentaires seront à pourvoir dans le secteur public et 7 000 dans le privé. En décembre dernier, l'UHP évaluait déjà à 6 000 le nombre de postes non pourvus dans les cliniques.
Face à cette situation, dont les causes sont connues (baisse du numerus clausus de 200 places dans les instituts de formation en 1997, manque de candidates à l'entrée, arrivée massive des infirmières actuelles à l'âge de la retraite), l'inquiétude, voire parfois la panique, gagne un à un les établissements privés, fragilisés par l'attraction des infirmières vers les hôpitaux, où les rémunérations et les conditions de travail sont très supérieures.
Tandis que chacun se lamente, la polyclinique médico-chirurgicale la Ligne bleue, à Epinal, est devenue en quelques semaines le modèle vers lequel tous les regards se tournent. Cet établissement de 350 places et lits a réussi la prouesse de faire venir dans les Vosges 21 infirmières espagnoles fraîchement sorties de leurs écoles madrilènes et ne parlant pas un mot de français. « Tout a commencé en décembre dernier, lorsque nous avons lu dans "le Quotidien du Médecin" un article sur les infirmières espagnoles contraintes de s'expatrier en Grande-Bretagne faute de trouver du travail dans leur pays, explique Gabriel Giacometti, responsable de l'opération. Nous avons aussitôt pris des contacts en Espagne, avec l'aide de l'ambassade de France en Espagne et de la chambre de commerce franco-espagnole installée à Madrid ».
Résultat : le 30 avril, 19 infirmières arrivaient à Epinal, la clinique leur assurant les frais de transport et leur garantissant un emploi à durée indéterminée. Deux autres doivent arriver ces jours-ci et un nouveau groupe devrait arriver en septembre.
Cours de français et d'espagnol
Pour relever le défi, les Vosgiens n'ont pas lésiné sur les moyens : une enseignante de français est présente toute la journée pour aider les Espagnoles, qui ne parlaient pas un mot de français à leur arrivée. Après 15 jours de cours de français à plein temps, elles suivent actuellement les cours à mi-temps, le reste du temps étant passé dans les services, où elles assistent le personnel en poste. « Nous avons prévu trois mois de cours de langue en moyenne, mais nous prolongerons cette durée aussi longtemps que cela sera nécessaire », explique Gabriel Giacometti, qui souligne le très bon niveau scientifique et technique des Espagnoles. Afin de mieux intégrer les nouvelles venues, la clinique offre aussi des cours d'espagnol aux membres du personnel qui le souhaitent. Une quarantaine sur les 500 salariés suit déjà les cours, de même qu'une dizaine de médecins. C'est également au sein du personnel que sont nées de nombreuses vocations de tuteur (bénévole et volontaire) pour suivre chaque infirmière étrangère dans son intégration dans la clinique et dans la ville.
Malgré cet important dispositif, Gabriel Giacometti reste prudent sur l'avenir : « Pour ces Espagnoles, il s'agit d'un déracinement. Rien ne nous dit que ces infirmières ne vont pas repartir chez elles, ou bien être débauchées par des cliniques françaises du Sud, ce qui les rapprocherait de leur pays. » Depuis, la presse française a largement relayé l'affaire et la clinique d'Epinal a pu constater très vite l'intérêt que sa démarche suscite parmi les autres établissements. « Soixante-dix cliniques et établissements publics, comme le centre anti-cancéreux de Marseille, nous ont appelés pour savoir comment nous avions fait », raconte Gabriel Giacometti. Le ministère de la Santé s'est également manifesté. « Il paraît que les sollicitations françaises sont telles que les syndicats universitaires et les pouvoirs publics espagnols commencent à tiquer », rapporte Gabriel Giacometti. Cela n'empêche pas les deux fédérations de cliniques, la FIEHP et l'UHP, de mettre la dernière main à un important dispositif en ce sens.
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