Métrorragies ou douleurs pelviennes

Penser à la grossesse extra-utérine

Publié le 26/02/2004
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Epidémiologie

En France, 14 000 GEU sont recensées par an, soit de 1,5 à 2 % des grossesses. Cinquante-cinq pour cent des grossesses ectopiques sont ampullaires, 25 % isthmiques, 17 % pavillonnaires et les autres interstitielles, ovariennes ou abdominales.
Les GEU surviennent fréquemment sur un terrain particulier que le praticien doit connaître : l'antécédent de grossesse extra-utérine est le facteur de risque le plus important ; ainsi, après deux antécédents, le risque de récidive est de 25 à 40 %. D'autres pathologies tubaires sont également associées aux localisations ectopiques : antécédents de salpingite, d'endométriose, de DES syndrome ou de chirurgie tubaire. Même après FIV, la GEU est possible par phénomène de réabsorption ; ce risque est évalué à 5 % des grossesses obtenues en FIV, technique qui augmente aussi le risque des rarissimes associations grossesse intra- (GIU) et extra-utérine. Le dispositif intra-utérin prévient moins bien la GEU que la GIU. L'âge maternel est également corrélé au risque : plus de 6 % des grossesses sont ectopiques après 40 ans, selon une étude suédoise. Enfin le tabagisme, par la modification ciliaire qu'il entraîne modifie la cinétique de l'œuf après sa fécondation dans la trompe et représente un risque important de grossesse tubaire, pas assez connu des futures patientes.

Diagnostic clinique.

Aucun signe clinique de grossesse extra-utérine n'est constant ni spécifique. Idéalement, la patiente consulte pour une douleur pelvienne ou des métrorragies dans un contexte de retard de règles. Cependant, la notion de retard de règles n'est pas retrouvée dans 20 à 50 % des GEU rendant le diagnostic plus difficile. Les métrorragies sont classiquement peu abondantes, intermittentes, de couleur foncée sépia avec parfois extériorisation de caduque. Les douleurs n'ont pas de caractère spécifique, mais sont présentes dans 90 % des cas, souvent latéralisées, d'intensité variable. A la palpation, l'abdomen reste généralement souple sans défense. Le toucher vaginal recherche une petite masse annexielle très sensible, sans la trouver le plus souvent. L'utérus est ramolli, théoriquement plus petit que ne le voudrait l'âge supposé de la grossesse, ce qui n'est pas toujours facile à apprécier.
Parfois, il y a d'emblée des signes de gravité : instabilité hémodynamique, malaise, lipothymie, douleur scapulaire en rapport avec un hémopéritoine. A l'extrême, le tableau peut être un état de choc hypovolémique par inondation péritonéale. Chez une femme, en âge de procréer, la GEU est le premier diagnostic à évoquer devant de tels tableaux.

Paraclinique.

L'association du dosage de bHCG à l'échographie pelvienne est indispensable dès le diagnostic de GEU suspecté. Le dosage sérique de la bHCG, possible avant le retard de règles dès le huitième jour postovulatoire, est le seul examen permettant d'éliminer la GEU... en cas de négativité. La cinétique des bHCG effectués dans un même laboratoire est d'intérêt essentiel quand le dosage est positif : le taux double en quarante-huit heures quand la grossesse est intra-utérine et évolutive. Cependant, 17 % des GEU ont un taux de doublement normal, ce qui peut faire écarter, à tort, le diagnostic. Le dosage quantitatif du bHCG doit, pour ces raisons, être confronté aux données de l'échographie.
L'examen recherche l'absence de sac gestationnel intra-utérin, mais l'échographiste ne doit pas se faire piéger par un pseudo-sac gestationnel lié au décollement de la caduque. L'échographie permet de diagnostiquer un éventuel épanchement pelvien et de l'évaluer, elle peut mesurer la taille d'une masse latéro-utérine, rarement celle de l'embryon, et objectiver, encore plus rarement, une activité cardiaque. L'échographie est souhaitable par voie vaginale, car sa sensibilité y est meilleure puisque un sac gestationnel intra-utérin peut être, par cette voie, objectivé dès 1 000 mUI/ml de bHCG, alors que ce seuil est de 2 500 mUI/ml pour les échographies abdominales.
Ainsi un utérus vide à l'échographie endovaginale associé à un bHCG supérieur à 1 500 mUI/ml doit faire porter le diagnostic de GEU. Un dosage inférieur à 1 500 mUI/ml motive un contrôle à quarante-huit heures en dehors du contexte d'urgence pour évaluer l'évolutivité de la grossesse. Cette situation ne doit pas pour autant retarder une échographie qui pourrait mettre en évidence un hématosalpinx malgré le dosage faible des bHCG.
Aucun autre examen n'est indispensable au diagnostic de GEU. La cœlioscopie diagnostique n'est plus systématique depuis le développement des traitements médicaux. Cependant, dans les cas douteux, elle seule permet un diagnostic rapide.

Traitement

La prise en charge chirurgicale, le plus souvent cœlioscopique, s'impose en urgence lors des ruptures cataclysmiques. Par ailleurs, les indications des traitements cœlioscopiques sont un taux de bHCG supérieur à 10 000 mUI/ml, la présence d'une activité cardiaque, un hématosalpinx de plus de 4 cm et une GEU très symptomatique. De même, une récidive de GEU doit orienter vers une prise en charge chirurgicale. Enfin, les patientes peu compliantes, ou présentant des contre-indications au méthotrexate, doivent bénéficier d'un traitement chirurgical. La chirurgie sera une salpingotomie tubaire (conservation) ou une salpingectomie, selon les conditions locales et le contexte.
Le traitement médical, développé en France depuis 1980, représente une alternative intéressante au traitement laparoscopique conservateur. Il fait appel à des protocoles monodoses de méthotrexate à 1 mg/kg intramusculaire. Une seconde dose est parfois nécessaire lorsque la décroissance de taux de bHCG n'est pas satisfaisante. Le traitement médical mérite d'être proposé lorsque l'état hémodynamique est stable, l'hématosalpinx faible (moins de 4 cm), la GEU pauci ou asymptomatique, le taux de bHCG inférieur à 5 000, le bilan hépatique normal (toxicité du méthotrexate) et la patiente compliante au suivi.
La surveillance du traitement médical doit être rigoureuse. Le suivi repose sur la surveillance du taux de bHCG dans le même laboratoire à J0, J4, J7, J14 puis une fois par semaine jusqu'à négativation. Le taux peut initialement s'ascensionner par lyse cellulaire pour régresser ensuite. A J7, le dosage doit de toute façon être inférieur au taux initial. La négativation est généralement obtenue cinq semaines en moyenne après l'injection. Il n'y a pas d'intérêt à effectuer une surveillance échographique systématique. L'apparition d'une douleur pelvienne une semaine après l'administration du méthotrexate est classique en rapport avec un remaniement nécrotique. Le risque de rupture après injection de méthotrexate n'étant pas négligeable, la patiente doit être bien informée de la nécessité de reconsulter au moindre signe d'alerte.
Enfin, l'abstention est recevable en cas de suspicion d'une GEU, asymptomatique, avec décroissance d'un taux déjà initialement très faible.

Y penser.

GEU, y penser, encore et toujours, même quand cela paraît peu vraisemblable.
Le diagnostic repose sur le sens clinique et la confrontation HCG/échographie en cas de troubles chez une femme en âge de procréer dont les signes fonctionnels, même modestes, sont fait d'algies et/ou de saignements.
Si la cœlioscopie reste fréquemment indiquée, le traitement médical a une place certaine.

Collège national des gynécologues et obstétriciens français. Prise en charge de la grossesse extra-utérine. « J Gynecol Obstet Biol Reprod », (Paris), 2003, nov 32 (7 Suppl) : S109-12.

> D. FORTIER > C. QUEREUX Institut mère-enfant Alix-de-Champagne, CHU Reims

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7487