De notre correspondante
Méconnue du grand public et des médecins, la maladie de Pick - décrite par Arnold Pick voilà déjà plus d'un siècle - fait figure de maladie oubliée. Souvent confondue avec la dépression, elle est diagnostiquée tardivement, parfois dix ans après l'apparition des premiers symptômes.
« Le problème de cette maladie est qu'elle se situe aux confins de deux spécialités médicales : neurologie et psychiatrie. Les symptômes sont psychiatriques, mais la cause, neurologique », explique le Dr Florence Lebert, responsable du centre de la mémoire de Bailleul (Nord). Pour la gérontopsychiatre, cette pathologie n'est pourtant pas rare : il y aurait une maladie de Pick pour six diagnostics d'Alzheimer.
La maladie se développe de manière insidieuse. Pas de pertes de mémoire comme dans l'Alzheimer, mais des troubles du comportement qui s'installent progressivement : apathie et repli sur soi, perte du ressenti affectif, négligence corporelle, perte de contrôle de soi... « Il n'est plus le même », disent souvent les conjoints de malades.
La dégénérescence touche les cellules qui gèrent le comportement et le jugement, depuis les régions frontales et temporales du cerveau.
L'évolution est souvent très lente - de dix à douze ans, en moyenne -, mais elle touche des sujets beaucoup plus jeunes que l'Alzheimer, d'où un retentissement terrible pour les familles. « Le conjoint et les enfants souffrent beaucoup. Ils sont confrontés à des comportements aberrants et à des accès de violence pénibles », remarque le Dr Lebert.
Sur le plan matériel, les familles sont prises dans un engrenage : licenciement, dettes, faillite, accidents de voiture liés à une conduite insensée.
Confrontée quotidiennement à cette détresse, la gérontopsychiatre déplore le retard dans la prise en charge de la maladie. Sur le plan pharmaceutique, la pathologie n'intéresse pas les laboratoires qui ne proposent aucun médicament. Quant aux structures destinées à accueillir les patients, elles sont inexistantes. A ce jour, l'unité de Bailleul, avec ses 14 lits de long séjour réservés à la maladie de Pick, est unique en France.
Pour sortir les familles de leur isolement, l'équipe de Bailleul organise des groupes de paroles destinés aux conjoints de malades. Elle édite également une lettre d'information trimestrielle, « Pick Info », qui fait le point sur les connaissances médicales et les expériences menées à l'étranger.
Florence Lebert vient de publier, avec le photographe Carl Cordonnier, un petit livre sur le sujet, « Maladie de Pick, sur les chemins du cerveau »*. Pour témoigner - textes et photos réalisés en Suède, en France et en Angleterre - de ce que vivent les familles, au quotidien, et sortir enfin de l'ombre cette pathologie oubliée.
* Ouvrage réalisé avec le soutien de l'Aderma, l'association Flandre Alzheimer, l'EPSM des Flandres, édité par l'agence Dailylife (129, rue de Douai, 59000 Lille, tél. 03.20.16.87.60), 48 pages, 11,50 euros. C'est le premier livre d'une collection intitulée « Images et Santé ».
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