La réforme des retraites, en débat parlementaire en octobre et novembre, s’attaque à la prise en compte de la pénibilité de certains métiers. Un dossier censé être politiquement porteur pour le Gouvernement mais qui s’avère explosif dans certains secteurs, en particulier celui de la santé. Sont en effet exclus du dispositif les professionnels de santé de la fonction publique hospitalière mais aussi les libéraux. Sans oublier les contractuels. Médecins et sages-femmes de l’hôpital public comme des cliniques privées montent donc au créneau. Officiellement, ils font front commun. Dans la réalité, c’est plus compliqué.
Derrière le dossier retraite, le spectre hante le Gouvernement, celui des 35 heures. Pourtant, pour ce dernier, la prise en compte de la pénibilité est « de loin le volet le plus important du projet de loi ». Mais il concerne seulement les salariés ayant un contrat de travail dans le secteur privé. En effet, le compte personnel de prévention de la pénibilité leur est réservé. Or, il permet de tabler sur un exercice professionnel pénible pour déterminer le moment du départ à la retraite. 20 % de l’ensemble des salariés devraient en bénéficier. Mais pas la fonction publique hospitalière, ni les libéraux. Quant aux nombreux contractuels de l’hôpital public, c’est le flou.
Pas de réponse
Depuis le 27 août dernier, date à laquelle le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a dévoilé les grandes lignes de la future réforme des retraites, les professionnels de santé des trois statuts sont donc montés au créneau (lire ci-après). En vain ou, plus exactement, sans réponse claire du Gouvernement, en particulier de Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales en charge du dossier. Un sujet sur lequel le ministère est plus que précautionneux et refuse même de donner des explications techniques.
Il faut dire que les termes de l’alternative ont de quoi inciter à la prudence : d’un côté, faire le choix de ne pas étendre le dispositif au-delà des salariés de droit privé et prendre le risque d’être confronté à des mouvements sociaux importants à l’hôpital public mais aussi dans les cliniques ; de l’autre, accéder à la demande des professionnels et jouer la justice et l’égalité de traitement, mais s’engager sur un chemin hasardeux en termes financiers et d’organisation. Le souvenir cuisant des lourdes conséquences de la mise en place des 35 heures à l’hôpital est encore bien présent.
Il est vrai, à en croire les différents acteurs du dossier, qu’on ne connaît pas vraiment aujourd’hui les conséquences qu’aurait l’adoption du compte pénibilité à l’hôpital et pour les libéraux. Et si une étude existe, elle est bien cachée au fond d’un tiroir d’autant que le dispositif comporte un volet financier non négligeable. En effet, le compte pénibilité sera alimenté par de nouvelles cotisations pesant sur les entreprises. Est-ce vraiment le moment de faire peser sur l’État-employeur une charge supplémentaire, outre les probables effets désorganisateurs de la mesure ?
Éviter la conjonction des forces hostiles
Pourtant, sur le fond, ce ne serait que justice que de considérer qu’à métiers et risques comparables, correspond un régime de prise en compte égal. Le dossier pénibilité met une nouvelle fois en lumière les effets pervers de la multiplicité de statuts couvrant des métiers et des exercices équivalents. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui expliquent les difficultés rencontrées par les organisations représentatives des médecins et des sages femmes pour faire front commun. Les uns et les autres ont pourtant pour eux le fait que la pratique de leur profession comporte au moins un des dix critères de pénibilité reconnus par la loi. Mais ils n’en sont pas au même point. Si les libéraux ne bénéficient à ce jour d’aucun dispositif de compensation, ce n’est pas vraiment le cas de la fonction publique hospitalière même si la situation n’est pas satisfaisante.
En attendant, le Gouvernement semble gagner du temps pour séparer les dossiers et éviter la conjonction des forces hostiles. Face à cette stratégie de l’enlisement, les syndicats sont tentés de jouer leur chance en solo. Avec peu de chances d’obtenir, in fine, un véritable alignement sur le dispositif voté cet automne. Au risque de dégrader encore un peu plus l’attractivité de professions confrontées, pour certaines spécialités, à une pénurie inquiétante. Au détriment, finalement, des patients.
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