PRATIQUE
On estime la fréquence des rechutes (dans les six mois suivant un épisode) à environ 50 % et celle des récidives au-delà de six mois à 80-85 % dont 15 à 20 % de chronicisation. De plus, les rémissions ne sont totales que dans deux tiers des cas, laissant un tiers des patients en rémission partielle entre les accès (notion de « double » dépression). Ces symptômes résiduels sont d'ailleurs des facteurs de risque de récidives, au même titre que le nombre d'accès antérieurs.
De fait, plus le trouble dépressif évolue, plus le rythme des épisodes s'accélère, les rémissions devenant plus aléatoires et les intervalles libres de plus en plus courts. Le trouble pouvant en outre se « bipolariser » en cas de récidive maniaque.
Pour prévenir la survenue d'une rechute, il convient de poursuivre le traitement antidépresseur, après la disparition des symptômes obtenue en phase curative (six à huit semaines) pendant six à huit mois. Au-delà, dans les troubles récurrents, la prescription pourra être maintenue pour la prévention des récidives. La durée et la nature du traitement est fonction de la clinique et du potentiel de récurrence, apprécié par l'évaluation des facteurs de risque (sévérité du trouble, nombre d'épisodes antérieurs, qualité de la rémission, comorbidité somatique ou psychiatrique, mauvais support social, modalités de coping inadaptées, personnalité pathologique...).
L'idéal est d'associer une psychothérapie et un antidépresseur comme l'a démontré l'équipe de Pittsburgh, sur une durée de cinq ans. La posologie optimale est celle qui s'est montrée efficace pour traiter l'épisode et non les doses réduites comme cela fut longtemps recommandé.
Cette stratégie thérapeutique permet non seulement d'épargner au patient la souffrance d'un nouvel épisode et son cortège de conséquences psychosociales, mais aurait, en outre, un intérêt à long terme pour le pronostic du trouble dépressif. Reste à identifier les patients susceptibles d'en tirer le meilleur bénéfice.
De fait, les études qui ont comparé au long cours un antidépresseur et un placebo en double aveugle retrouvent toutes une supériorité des produits actifs. Les taux de rechutes ou de récidives sont généralement de 50 à 60 % avec le placebo et de 20 à 40 % avec l'antidépresseur. Cela indique qu'il y a un avantage indiscutable à la poursuite d'un traitement. Pour autant, la différence, bien que significative, n'est que de 20 à 40 %. Il y a donc un tiers des patients qui bénéficient d'un agent pharmacologiquement actif, un tiers de patients qui rechutent ou récidivent quoique l'on fasse, et un tiers des patients qui sont placebo-répondeurs et ne tirent aucun avantage pharmacologique de la poursuite de la prescription. C'est probablement la raison pour laquelle les RMO recommandaient le maintien d'un traitement pendant six-huit mois pour éviter les rechutes sans nécessairement prôner sa reconduction au delà d'un an.
Il convient donc d'avoir une attitude non systématique et n'envisager un traitement au long cours (pendant plusieurs années, voire à vie) que chez les patients multirécidivants (plus de trois accès), dont le rythme des récurrences s'accélère, qui cumulent les facteurs de risque (symptômes résiduels, association à un autre trouble psychiatrique comme un trouble anxieux par exemple, affection organique handicapante, environnement socio-familial défavorable...), et dont les accès sont sévères, durables, avec des répercussions préjudiciables pour la vie du sujet (menace de licenciement par exemple).
Un traitement antidépresseur doit être prescrit à bonne dose, si possible en monothérapie, pendant au moins six à huit mois, en l'associant dans certains cas à une prise en charge psychothérapeutique. Au-delà, lorsqu'il s'agit d'un trouble dépressif récurrent, il sera maintenu chez les patients dont le potentiel de récidive a été clairement identifié.
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