Concernant la tétralogie de « l'Anneau du Nibelung », il s'agit véritablement de théâtre avant tout, traitant d'un univers dont il faut détenir les clés et la connaissance et pour lequel, un peu plus ou plutôt différemment que pour l'opéra plus classique, il faudra accepter un certain nombre de conventions. On dispose aujourd'hui d'instruments très précieux pour s'y initier. Bien que l'enregistrement discographique reste le meilleur moyen d'approche d'une œuvre, il est plus facile d'aller directement aux enregistrements vidéo.
Pour le disque, les tétralogies abondent, mais s'il faut n'en conseiller qu'une, notre choix, parfaitement arbitraire, se portera sur la version live dirigée par Clemens Krauss au festival de Bayreuth de 1953 (1).
Au DVD, deux versions s'imposent, radicalement opposées, pour aborder le « Ring ». Le « Ring du centenaire » a été révolutionnaire à la fois pour l'opéra wagnérien et pour la mise en scène lyrique en général. Créé à Bayreuth en 1976, il fut hué comme jamais. Cinq festivals plus tard, les rappels au rideau final durèrent une heure et demie ! L'équipe choisie pour le réaliser, Pierre Boulez à la baguette, Richard Peduzzi aux décors, Jacques Schmidt aux costumes et Patrice Chéreau à la régie, a eu le génie d'en faire une lecture à la fois moderne et respectueuse, accessible au plus grand nombre. Le choix des interprètes, pas vraiment exceptionnels vocalement (on était alors dans le creux de la vague pour les chanteurs wagnériens), mais tous exactement crédibles et parfaits comédiens, y est pour beaucoup. Cette inoubliable leçon de théâtre et d'humanité est déjà qualifiée de « légendaire », et on se réjouit qu'elle ait été filmée et conservée pour l'éternité. C'est probablement le premier choix en DVD pour les non-initiés à l'art dramatique wagnérien (2).
Tout à fait à l'opposé, le « Ring » new-yorkais enregistré au Metropolitan Opera en 1989/1990, fait appel à des chanteurs de poids et de format plus wagnériens, et convoque la scénographie d'esthétique traditionnelle, stylisée de façon outrancière de Günther Schneider-Siemsen, sans aucun recul vis-à-vis de la tradition allemande classique. Pas de direction d'acteurs, les chanteurs sont livrés à eux-mêmes, mais quels chanteurs ! Jessye Norman est Sieglinde ; James Morris, Wotan ; Kurt Moll Hunding... et citons encore Christa Ludwig, Dawn Upshaw, Heinz Zednik, Matti Salminen, et louons la direction de James Levine, qui sait malgré tout animer ce théâtre un peu indigeste... Ce sera plutôt le choix des amateurs éclairés, non rebutés par l'esthétique américaine (3).
Une troisième mouture.
Plus récemment sont parus deux « Rings » complets. L'un, venant de Stuttgart, a pour postulat de confier les quatre journées à des régisseurs différents, tous aussi « branchés » les uns que les autres dans l'art de la dramaturgie vulgaire à l'allemande. A fuir sans appel ! (TDK/Intégral). L'autre est celui remonté par Harry Kupfer, à Berlin, avec Barenboim dans sa reprise, sans Barenboim, au Liceu de Barcelone, avec une distribution très insuffisante (Opus Arte/Codaex). Attendons que le Ring original de Kupfer, celui monté à Bayreuth en 1988, soit disponible en DVD (il l'a été en vidéo-laser-Disc Sony), pour se précipiter sur cette vision désespérée mais cohérente.
La parution du « Ring de Munich » sous la direction de Wolfgang Sawallisch (qui existait aussi en vidéo-laser-Disc EMI) devrait changer la donne de cette vidéographie du « Ring ».
Instrument pédagogique par excellence par la qualité des textes, de l'iconographie et de tout le matériel permettant d'appréhender l'étude approfondie d'un opéra, « L'Avant-Scène Opéra » vient de mettre pour la troisième fois le « Ring » sur le métier. Cette troisième mouture dont les journées paraissent une à une, mise sur plus de clarté et de pédagogie, avec des illustrations toujours remises à jour.
Et voici qu'après « Tristan » et « Cos[147] », paraît en une seule livraison le « Ring », dans sa série CD audio « Opéra Conté », agrémentée de livrets plus complets et lus par Gérard Courchelles (4). C'est certainement un des meilleurs outils pédagogiques, et plus personne n'aura d'excuses de ne pas s'être préparé à fond pour ce grand voyage au cœur de la mythologie wagnérienne.
(1) Urania mono ADD.
(2) Philips/Universal 4 DVD en coffret et séparés.
3) Deutsche Grammophon/Universal 7 DVD en coffret.
4) 4 CD en coffret, éditions L'Avant-Scène Opéra ( www.asopera.com ).
Le « Ring » de Wilson au Châtelet
Au Châtelet, la rentrée se sera fait attendre pour créer véritablement l'événement en invitant la tétralogie de « L'Anneau du Nibelung », de Wagner, dans la production zurichoise signée Robert Wilson pour la mise en scène et les décors et Frida Parmeggiani pour les costumes. C'est l'Orchestre de Paris qui est dans la fosse, dirigé par Christoph Eschenbach. Les représentations s'échelonnent d'octobre à avril, les œuvres étant données chronologiquement par deux, puis par cycles en mars et en avril. On pourra y entendre Jukka Rasilainen (Wotan), Serguei Leiferkus (Alberich), Peter Seiffert et Plácido Domingo (Siegmund), Kurt Rydl (Fafner), Linda Watson (Brunehilde).
Châtelet-Théâtre musical de Paris : 01.40.28.28.40 et www.chatelet-theatre.com. « Das Rheingold » et « Die Walküre », du 19 octobre au 10 avril, « Siegfried » et « Götterdämmerung » du 26 janvier au 15 avril.
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