Peau protégée, peau soignée

Publié le 10/05/2006
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LE BAIN, qui est le plus souvent nettoyant dans le cadre de la toilette quotidienne (ou non !), est aussi un mode de traitement externe très ancien en dermatologie ; il offre l’avantage de mettre facilement et rapidement un produit thérapeutique en solution aqueuse en contact avec la peau en cas de dermatose étendue. Les bains locaux (pieds, mains, siège) sont aussi très classiques.

Pourtant, les ressources thérapeutiques se sont modifiées et, par exemple, les grandes dermatoses inflammatoires étendues plus ou moins prurigineuses, comme le psoriasis, bénéficient aujourd’hui de traitements généraux (rétinoïdes, immunomodulateurs) qui font passer les traitements locaux, en particulier les bains salissants (goudrons) et fastidieux, au second plan.

Certains bains calmants aux herbes (camomille, etc.) sont devenus marginaux, d’autres, comme celui à la gélatine dans les prurits, notamment les urticaires, sont tombés dans l’oubli. On peut cependant rappeler à quoi servent les bains dans les soins de la peau saine et malade.

Comment prendre un bain? Il se prend dans une baignoire à moitié pleine pendant dix à vingt minutes, sa durée n’excédant jamais trente minutes, délai au-delà duquel apparaissent des signes de macération cutanée. Sa température peut aller de 10-25° (bain froid induisant une vasoconstriction, conseillé en cas d’oedème, d’inflammation, de prurit) à 38-40°. Le plus souvent, la température conseillée est celle de la peau (35°), notamment en cas de peau atopique (durée écourtée).

Quel type de bain? Selon le but recherché :

Bains antiseptiques pratiqués (de moins en moins) en cas de dermatose risquant de se surinfecter, ils ne constituent pas le traitement d’une infection cutanée. Leur pratique est habituellement limitée dans le temps. Sont dilués dans l’eau :

– le très classique permanganate de potassium (MnO4 K) dilué au 1/10 000°, voire au 1/20 000° ; des concentrations supérieures sont dangereuses (nécrose) ; en pratique, un sachet de 500 mg est à dissoudre soigneusement (risque de brûlure) dans 5 l d’eau. Ce produit est surtout utilisé pour un bain local en cas d’ulcère de jambe. Il est de moins en moins pratiqué, d’autres antiseptiques l’ont remplacé. De plus, le bain lui-même est remplacé par un nettoyage au sérum physiologique suivi des soins habituels. Peu allergisant et asséchant, le permanganate a une action bactériostatique (Gram positif et négatif) et fongicide fugace par les radicaux oxygénés qu’il génère en solution. Il est inactivé par les matières organiques. Il ne doit pas être associé au nitrate d’argent, eau oxygénée, alcool, éther, iode, éther, soufre, tanins, ce qui rend son emploi difficile. A noter la coloration en brun des téguments, des ongles... et de la baignoire !

– le sulfate de zinc au 1/5 000° est parfois utilisé (asséchant) ;

– Les antiseptiques dits modernes (triclocarban, chlorhexidine, etc.) peuvent être utilisés, notamment au cours des soins aux grands brûlés sous anesthésie. L’association de différents antiseptiques est déconseillée (inactivation, toxicité, nécrose).

Bains kératolytiques « réducteurs » : ils sont indiqués dans les dermatoses étendues squameuses chroniques (ichtyoses, psoriasis, lichénification, kératoses pilaires) et dans les kératodermies palmo-plantaires. Sont exclues les érythrodermies et dermatoses suintantes et/ou infectées. Leur objectif est de ramollir croûtes et squames épaisses, l’effet émollient du bain (quinze minutes) étant renforcé par le produit « réducteur » ajouté, habituellement l’huile de cade (goudron de genévrier) hydrosoluble. Les goudrons sont potentiellement photosensibilisants.

Bains anti-inflammatoires et antiprurigineux

Il peuvent contenir des amidons, des huiles, des lipoprotéines :

– amidon : une tasse dans 4 tasses d’eau mélangées à l’eau du bain ;

– farine d’avoine contenant amidon et lipides : une tasse dans deux tasses d’eau froide. Différents bains à base d’avoine sont commercialisés (poudre à diluer, huile de bain) ;

– son de blé ;

– huiles émulsionnées (minérale ou végétale).

Parfois, une alcalinisation est nécessaire : bain de siège froid calmant avec du bicarbonate ou borate de soude en cas de candidose aiguë.

Bain de Cléopâtre

Il est célèbre. Etait-il nettoyant ou émollient ? Sa recette pourrait être ceci : mélanger un verre de lait (d’ânesse, selon la légende), une cuillère à soupe d’huile d’olive, une cuillère à soupe de miel, puis verser dans l’eau du bain.

> Dr JANINE DEFRANCE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7957