LE MOUVEMENT antifranchises veut passer un nouveau cap aujourd'hui par rapport à ses manifestations précédentes pour défendre «l'accès aux soins pour tous». Bruno-Pascal Chevalier, un malade du sida en grève des soins depuis huit mois, avait mobilisé en avril les patients qui le soutiennent à Paris et en province (« le Quotidien » du 15 avril). Cette fois-ci, il compte rassembler cet après-midi à la fois des patients, des organisations de médecins et le personnel syndiqué des caisses primaires d'assurance-maladie (CPAM), notamment à «Évry, Nantes, Orléans et dans beaucoup d'autres villes», avec le concours du Collectif national contre les franchises (1) et de la CGT qui vient de décider de participer plus activement au mouvement. Le syndicat, qui est «implanté dans environ 90CPAM» (sur un total de 128 caisses), mise sur des initiatives locales autour des caisses suivant des modalités très diverses. «Il y aura des distributions de tracts, des pétitions à signer, des conférences de presse ou des dépôts de boîtes vides de médicaments», précise Catherine Lemoine, membre de la commission exécutive de la confédération.
Le mouvement antifranchises affirme avoir recueilli le soutien de «plus de 600000 signataires» pour réclamer la suppression des franchises appliquées depuis le 1er janvier sur les médicaments, les actes paramédicaux et les transports sanitaires. Ses responsables totalisent ainsi les pétitions signées en ligne sur le site Web du collectif (près de 134 000 signatures à la mi-mai), les 49 000 signatures collectées par Bruno-Pascal Chevalier et celles rassemblées par l'Union confédérée des retraités CGT. Dans un communiqué commun, Bruno-Pascal Chevalier et l'écrivain Christian Lehmann, membre du collectif, déplorent que le patron de l'assurance-maladie, «ancien cadre des assurances privées, nommé à la tête de la Sécurité sociale par Jacques Chirac en 2004, se félicite ouvertement de l'effet franchise (voir encadré) et de la décélération des remboursements de Sécurité sociale, tandis que, dans le monde réel, de nombreux malades sont amenés à repousser certains soins ou à y renoncer». Ils relèvent que «des représentants d'associations d'usagers alertent sur l'augmentation des demandes d'aide auprès des fonds d'aide sociale des CPAM ou des mairies. Les médecins généralistes constatent la diminution du nombre des consultations, le retard à certains accès aux soins, la complexité grandissante de certaines consultations trop tardives».
Présent aujourd'hui devant la CPAM d'Évry en compagnie du Dr Lehmann, Bruno-Pascal Chevalier compte «annoncer une amplification de son mouvement sous une autre forme».
De son côté, poursuit Catherine Lemoine, la CGT «ne désespère pas qu'il y ait une démarche commune» des cinq centrales syndicales de salariés «à l'occasion de l'examen du PLFSS 2009 pour obtenir le retrait des franchises».
(1) Le collectif se compose de plus de 70 organisations : des associations de patients (Act Up, AIDES, AFD...), des syndicats ou associations de médecins (AMUF, COMÉGAS, SMG, SNJMG, AMEDREF, MDM...), d'autres syndicats (FSU, fédération Sud...), des partis politiques (LCR, les Verts, Lutte Ouvrière...). Site : www.appelcontrelafranchise.org
La vente de médicaments subit l'effet franchises
L'« effet franchises » est manifeste depuis l'entrée en vigueur de la mesure au 1er janvier, selon le patron de l'assurance-maladie. Dans un entretien publié par le quotidien « la Tribune », Frédéric Van Roekeghem évoque «un infléchissement notable des dépenses remboursées de médicaments au premier trimestre, qui va au-delà de l'effet direct et mécanique des 50centimes d'euro par boîte de médicaments». «Il est probable que les Français ont adopté une gestion plus parcimonieuse de leur pharmacie familiale: ils vérifient d'abord qu'ils n'ont pas tel médicament avant d'en faire l'acquisition», précise le directeur général de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM).
À partir de son panel Pharmastat (constitué avec la société IMS-Health), la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) constate pour sa part que le nombre de boîtes vendues entre janvier et mars est en diminution de 34 millions d'unités (– 4,6 % par rapport au premier trimestre 2007).
Mais un peu plus de la moitié de cette baisse (soit 18 millions de boîtes) s'expliquerait d'abord par l'impact des déremboursements intervenus l'année dernière, notamment sur les veinotoniques, et par le développement des grands conditionnements (qui divisent par trois le nombre de boîtes). La FSPF observe que l'« effet franchises » stricto sensu se traduit par un double changement de comportement. «Il y a, d'une part, une retenue des médecins (dans les prescriptions) et, d'autre part, un effet “armoire à pharmacie” du côté des patients, analyse Philippe Besset, en charge de la commission économie de la FSPF. Il est difficile de savoir actuellement si les franchises ont une influence sur les traitements. On rentrera plus tard dans l'analyse des classes thérapeutiques les plus touchées.»
Les franchises ont déjà suscité par ailleurs des effets indésirables et imprévus puisqu'un bug informatique des caisses a enrayé leur plafonnement (à 50 euros par mois) pour «quelques milliers de personnes» jusqu'au 20 mars. Les caisses ont «totalement réglé le problème informatique et remboursé les assurés qui avaient été prélevés au-delà de 50euros», assure la CNAM.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature