ÊTRE PATIENT, c’est savoir attendre. Quel malade n’a pas fait l’expérience de l’attente anxieuse, angoissée, parfois impatiente, passage presque obligé avant l’accès au cabinet du médecin ? A lire certains forums sur Internet, le retard du médecin serait même légendaire, presque traditionnel. «Personnellement, je suis scandalisée par la façon dont beaucoup de médecins traitent leurs patients. Ces derniers temps, il m’est arrivé deux fois de trouver à l’heure pile de mon rendez-vous cinq ou six personnes devant passer avant moi. Ça arrive d’être en retard, mais là c’est carrément de l’irrespect affiché», témoigne une internaute. Un autre se montre plus compréhensif : «Moi, je trouve ça bien que les médecins passent tout plein de temps avec les personnes avant moi, ça me semble une preuve de sérieux, alors je prends mon mal en patience.» Toutefois il ajoute : «Ce qui me tue, c’est que lorsque arrive mon tour, ils ne me consacrent au mieux que le temps d’écrire l’ordonnance.»
Pour celui qui attend, le temps passe toujours plus lentement que pour celui qui court après le temps. Mais qu’en est-il vraiment ? Selon une enquête Ipsos/« Panorama du médecin » (2000), la ponctualité fait partie des critères qui président au choix de leur médecin pour 86 % des Français, en particulier pour les 70 ans et plus. Pourtant, s’ils le déclarent important, ce critère semble pour eux moins essentiel que la qualité du diagnostic, la qualité d’écoute et la proximité.
Avis divergents.
Les 4 000 patients (195 médecins) de l’étude réalisée en 2002-2003 par l’Union professionnelle des médecins libéraux de Rhône-Alpes semblent partager cet avis. Interrogés sur le temps passé en salle d’attente, 30 % d’entre eux le jugent excessif pour un taux de satisfaction de seulement 60 %. Pour eux, la confiance, l’accueil et la disponibilité du médecin priment. S’il existe une bonne concordance entre la perception qu’ont les médecins de l’offre qu’ils proposent et les attentes des patients, leurs avis divergent en ce qui concerne le retard des consultations. Les premiers assurent s’excuser pour la longueur de l’attente (50 % d’entre eux) et la plupart estime le faire «souvent». Les seconds sont plus critiques : seulement la moitié affirme que les médecins s’expliquent toujours et près de 20 % considèrent qu’ils le font «rarement» ou «jamais».
A noter que les patients semblent assez indifférents à l’environnement de la salle d’attente. Peu enclins à la considérer comme un lieu de convivialité, elle n’est pour eux qu’un simple lieu d’attente. Un résultat que confirme l’enquête conduite en 2005, toujours dans la région Rhône-Alpes, qui montre que 48 % des patients trouvent la salle d’attente «neutre», 31 % «conviviale» et 27 % «rassurante», mais cette appréciation n’a aucune influence sur le taux de satisfaction quant à la durée des consultations (91 % jugent la durée suffisante, le temps nécessaire se situe entre 15 et 20 minutes).
Plus que l’ambiance de la salle d’attente, c’est bien le temps d’attente qui semble déterminer la satisfaction des patients. Plusieurs études anglo-saxonnes, dont celle de Leddy, Kaldenberg et Becker publiée en 2003 dans « the Journal of Ambulatory Care Management », confirment la corrélation négative entre le temps passé à attendre le médecin et le niveau de satisfaction des patients. L’enquête, menée auprès de 1 789 médecins, généralistes et spécialistes, et 350 000 patients, montre que le temps d’attente contribue pour 40 % à l’opinion plus ou moins positive que se font les patients. Contrairement à l’étude française, une salle d’attente agréable favorise une satisfaction plus grande des patients, même s’ils ont beaucoup attendu (plus de 20 minutes). Christopher A. Feddock et coll.*, qui ont interrogé les patients d’un service de médecine interne, expliquent, eux, que le retard prolongé est mieux accepté si le patient juge que le médecin lui a consacré un temps suffisant lors de la consultation.
Les auteurs y voient pour le praticien un moyen d’agir pour une meilleure satisfaction de son patient et de contrebalancer l’effet négatif d’un temps d’attente trop long.
Cependant, l’impatience et l’exigence des patients semblent grandissants. Des enquêtes de satisfaction des patients à l’évaluation des médecins, le pas a été franchi outre-Atlantique. Plusieurs sites en libre accès sur le web offrent aujourd’hui aux malades la possibilité d’évaluer leurs médecins. Plus de 63 000 praticiens des Etats-Unis et du Canada ont ainsi été notés depuis 2004, en fonction de 3 critères (échelle de 1 à 5), leurs connaissances, leur amabilité et, justement, leur ponctualité.
* « Can physicians improve patient satisfaction with long waiting times ? », Evaluation & the Health Professions, vol. 28, n° 1, 2005.
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