LES DÉPUTÉS, qui poursuivent jusqu'à demain l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2008, un budget qui porte sur des masses financières considérables – 422 milliards d'euros de dépenses toutes branches et tous régimes confondus – se sont livrés, lors de la discussion générale, à de vifs échanges sur l'avenir du système de Sécurité sociale « à la française ». Car une fois dépassé le constat commun d'un déficit 2007 toujours «abyssal» (11,7 milliards d'euros pour le régime général, dont la moitié imputable à l'assurance-maladie), qui révèle au minimum les limites de la réforme de 2004, la voie tracée par ce PLFSS dessine un clivage net entre l'opposition, vent debout contre ce texte, et la majorité UMP, globalement solidaire des choix gouvernementaux.
Rapporteur UMP du PLFSS, le député Yves Bur s'est néanmoins inquiété de «la dégradation des comptes insupportable» et de l'ampleur des déficits sociaux auxquels il convient de s'attaquer «avec plus de vigueur et davantage de rigueur» que par le passé. De ce point de vue, il estime que ce PLFSS, «fondateur, marque le début d'une rupture avec les approches anciennes» en osant bousculer certains intérêts «catégoriels» (les entreprises avec la taxation des stock-options, l'hôpital avec l'accélération de la T2A [tarification à l'activité], les médecins libéraux avec l'expérimentation de nouveaux contrats conventionnels et modes de rémunération, ou encore les jeunes médecins avec le débat sur la liberté d'installation).Yves Bur veut croire que ce texte pose les jalons d'une «nouvelle phase» qui se déploiera en 2008 avec les réformes structurelles du financement de la santé (ce qui relève de la solidarité nationale, de la responsabilité individuelle) et de l'organisation de l'offre de soins (agences régionales de la santé ou ARS). Un processus qui conduirait à «moderniser» et à «consolider» notre protection sociale.
Fraysse (PC) : le « cynisme » du gouvernement.
L'opposition fait exactement l'analyse inverse. A gauche, la plupart des critiques ont roulé contre la logique de «privatisation de la Sécurité sociale» qui serait portée par ce projet de loi et annoncerait les choix encore plus radicaux l'an prochain . Pour le député PS, Jean-Marie Le Guen, responsable des questions de santé pour le groupe socialiste, «le modèle français d'assurance-maladie est en jeu». L'élu de Paris affirme que ce PLFSS «intérimaire, jusqu'aux élections municipales de 2008», ne fera qu' «accentuer la crise financière et conduira dès l'an prochain à un cocktail de «déremboursements et taxes nouvelles, TVA sociale et augmentation de la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale) ». Quant aux franchises, le député y voit une mesure «à côté de la plaque, qui contribuera à la déréglementation du système».
Dans sa question préalable, Jacqueline Fraysse (PC, Hauts-de-Seine) a longuement dénoncé de son côté le «cynisme» d'un gouvernement conduisant une politique de «démolition de notre système solidaire où chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins».L'élue communiste a fustigé l'instauration de franchises médicales qui «s'appliqueront plein pot» pour les malades graves, dès lors qu'ils dépasseront le plafond de la CMU. «Vous puisez dans la poche des plus fragiles tout en leur expliquant que c'est pour leur bien!»,a-t-elle lancé (le gouvernement a annoncé que le produit des franchises serait affecté au plan Cancer, à la maladie d'Alzheimer et aux soins palliatifs). Martine Billard (Verts) s'est indignée pour sa part de la désormais «longue» liste des restes à charge (forfait hospitalier, forfait de 1 euro par acte, de 18 euros sur les actes lourds, ticket modérateur, dépassements…), à laquelle s'ajouteront les fameuses franchises. «Ce sont les assurés et encore plus les malades qui paieront.»
Bruit de fond.
Ces critiques parlementaires sur l'avenir de la Sécu peuvent-elles rencontrer un large écho dans l'opinion ? Elles interviennent en tout cas dans un contexte où se multiplient les mises en garde d'acteurs du monde de la santé, créant un bruit de fond menaçant. La Mutualité française a fait paraître dans la presse quotidienne, le 23 octobre, une spectaculaire campagne de communication mettant en scène Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy et les «38millions de personnes protégées par une mutuelle». Objectifde cette offensive :le rappel de l'attachement des électeurs français à un «système de santé efficace et solidaire». Pas en reste, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) publiera en fin de semaine, dans la presse professionnelle, une publicité sous forme d'affiche à apposer dans les cabinets médicaux, intitulée «Attention danger! le rationnement des soins, c'est pour 2008». Le syndicat stigmatise le risque de «médecine à deux vitesses», la limitation des prescriptions et des examens,ou encore le «flicage» des arrêts de travail. Et il invite les patients à se «mobiliser» pour préserver la qualité des soins…
Internes : un amendement gouvernemental pour dénouer la crise
Le gouvernement devait déposer un amendement modifiant la rédaction de l'article 33 du PLFSS, objet du conflit qui agite les internes, les chefs de clinique et les étudiants depuis près d'un mois. Les réunions se sont multipliées ces derniers jours entre les jeunes médecins et le ministère de la Santé pour trouver les modalités d'une sortie de crise sur la liberté d'installation (« le Quotidien » d'hier). Il ne devrait plus être question d'établir un lien direct entre le conventionnement des praticiens à la Sécurité sociale et la densité médicale de la zone d'exercice. Le gouvernement s'engage également à associer les jeunes médecins aux futurs « Etats généraux de l'offre de soins ». Les décisions qui seront prises lors de ce rendez-vous programmé au début de l'année 2008, et placé sous la houlette du Pr Yvon Berland, poseront les jalons des négociations conventionnelles.
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