« VILLENEUVE-SUR-VOTE... » Ainsi a été parfois surnommée cette ville du Sud-Ouest, longtemps enracinée dans une culture politique radicale-socialiste, tendance cassoulet.
Aujourd'hui, ce surnom, dû à une propension marquée des scrutins qui s'y déroulaient à être annulés, risque de reprendre du service. Un différend y oppose en effet le Dr Jérôme Cahuzac, enfant du pays, chirurgien, maire de Villeneuve-sur-Lot, ancien conseiller technique auprès de Claude Evin, ministre des Affaires sociales entre 1988 et 1991, ancien député PS de 1997 à 2002, au célèbre juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière, également enfant du pays, et candidat UMP.
Explications. Le code électoral stipule qu'un magistrat ne peut se présenter à une élection législative dans le ressort de sa juridiction s'il y a exercé sa profession au cours des six mois précédant l'élection. Or le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière, installé professionnellement à Paris, a, de par ses fonctions éminemment sensibles, une compétence nationale. Toute la question est donc de savoir si cette compétence nationale est assimilable au ressort visé par le code électoral, ce qui l'empêcherait alors de se présenter dans quelque circonscription que ce soit.
C'est en tout cas l'opinion de Jérôme Cahuzac. Dès l'annonce de la candidature du juge Bruguière dans sa circonscription (la troisième du Lot-et-Garonne), le maire a saisi le préfet, et lui a demandé, dans un courrier daté du 9 mai dernier, de ne pas «enregistrer la candidature de Jean-Louis Bruguière», étant donné que le code électoral interdit à tout magistrat «d'être élu dans le ressort dans lequel il exerce ou a exercé depuis moins de six mois».
Mais le préfet n'a pas estimé devoir retenir les arguments exposés par Jérôme Cahuzac. Tant et si bien que celui-ci, soutenu dans cette démarche par un autre candidat divers droite à l'élection législative, a déposé une requête devant le tribunal administratif de Bordeaux pour obtenir le non-enregistrement de cette candidature selon lui sujette à caution. Lequel tribunal administratif a rejeté cette requête. Car selon cette juridiction administrative, le code électoral prévoit qu' «il n'appartient qu'au préfet de saisir le tribunal administratif dans le cas où une déclaration de candidature est présentée par une personne inéligible, et que l'éligibilité d'un candidat ne peut être mise en cause par un tiers qu'après l'élection, et devant le Conseil constitutionnel».
Toujours selon le tribunal administratif, la décision du préfet n'est «entachée d'aucune illégalité manifeste» à partir du moment où la circonscription choisie par Jean-Louis Bruguière «n'est pas située dans le ressort du tribunal de grande instance de Paris où celui-ci a exercé ses fonctions».
Conseil constitutionnel.
Bref, entre ressort parisien et compétence nationale, toutes les interprétations semblent permises, même si Guy Carcassonne, professeur de droit constitutionnel à l'université de Paris-X, estime pour sa part que le juge Bruguière est «évidemment inéligible» au regard de la loi, et que son éventuelle élection serait «invalidée» par le Conseil constitutionnel.
Du côté de Jean-Louis Bruguière, on parle de «faux débat résultant d'une confusion entre des concepts juridiques». Pour le juge antiterroriste, il est clair qu'il exerce dans le ressort de Paris. «Je suis éligible», assure-t-il.
Chez Jérôme Cahuzac, la tonalité est évidemment différente. «Il n'y a pas de polémique entre nous, seulement une divergence d'appréciation du code électoral», confie-t-il au « Quotidien ». Le maire de Villeneuve-sur-Lot prend acte du fait que le préfet a «pris ses responsabilités», et assure que «le juge ultime sera le Conseil constitutionnel». Du moins si le juge est élu.
Mais le chirurgien prend soin de préciser que la polémique sera tout d'abord «tranchée par les électeurs. En demandant au préfet de trancher, je souhaitais éviter que les électeurs ne se déplacent éventuellement pour rien lors des scrutins des 10 et 17juin, et qu'on ne soit contraint ensuite de les reconvoquer pour le même scrutin à l'automne».
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