Il n'existe pas de critères objectifs uniformes pour décider du passage en dialyse. Le plus souvent, les néphrologues se décident sur la base de l'évolution des symptômes urémiques et des résultats de laboratoire, notamment la créatinine sérique et la clairance de la créatinine. Toutefois, comme les symptômes urémiques varient selon les patients, il y a des différences substantielles quant à la date de l'initiation de la dialyse.
Clairance de l'urée et apport protéique
Des Américains ont établi des recommandations (DOQI pour Dialysis Outcomes Quality Initiative). L'idée est simple : elle est basée sur la clairance de l'urée et sur l'apport protéique calculé à partir de l'excrétion urinaire de l'urée (nPNA pour normalised Protein equivalent of Nitrogen Appearance). Selon les nouveaux critères américains, la dialyse doit être entreprise si la clairance hebdomadaire de l'urée passe en dessous de 2 (ce qui équivaut à une clairance de la créatinine d'environ 14 ml/mn) ; une clairance de l'urée à moins de 2 est acceptable si le nPNA est au moins à 0,8 g/kg/j.
Selon plusieurs études américaines et européennes, nombreux sont les patients qui ont, lors du passage en dialyse, une clairance de l'urée plus basse et/ou un nPNA plus bas. Avant d'adopter les recommandations DOQI, des Néerlandais (Johanna Korevaar et coll.) ont donc voulu les tester. Pour cela, ils ont, dans le cadre d'une étude prospective multicentrique, recruté 253 patients qui ont été répartis en deux groupes : un groupe passant en dialyse précocement, selon les critères DOQI, et un groupe y passant plus tardivement, selon l'habitude.
Ainsi, 37 % des patients (n 94) sont passés « tardivement » en dialyse selon les critères DOQI.
Pendant le suivi, 18 % des patients du groupe DOQI et 27 % du groupe « tardif » sont décédés. Il y avait donc un risque de mortalité accru, quoique statistiquement non significatif, chez les sujets du groupe tardif. En ce qui concerne le temps de survie estimé au bout de trois ans de dialyse, en effet, la différence était de 2,5 mois en faveur du groupe DOQI. Mais les Néerlandais relativisent : ce gain est à mettre en balance avec les 4,1 mois (minimum) sans dialyse « gagnés » par les sujets du groupe tardif.
Les auteurs estiment que, bien qu'ils aient observé un gain de survie dans le groupe DOQI, cela est probablement le simple reflet d'une mise en dialyse plus précoce. « Nous ne trouvons pas d'argument convaincant en faveur des recommandations DOQI pour le moment optimal de passage en dialyse. L'apparent effet bénéfique du passage précoce est vraisemblablement contre-balancé par un délai de mise en dialyse du passage tardif. Nous concluons qu'un passage en dialyse plus tôt que ce qui se fait aux Pays Bas, et probablement dans d'autres pays, n'est pas justifié. »
« Lancet » du 29 septembre 2001, pp. 1046-1050.
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