Corticoïdes itératifs et menace de prématurité

Pas d'effet délétère à l'âge de 2 ans

Publié le 19/09/2007
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EN CAS de menace d'accouchement prématuré, une injection anténatale de corticostéroïdes diminue les risques de naissance d'un bébé de petit poids et de mortalité périnatale. Pendant la période à risque, les praticiens ont pris l'habitude, sans preuves objectives, de réitérer cette injection au bout de sept jours ou plus. Il manquait des informations sur les conséquences à long terme de ces injections itératives.

C'est chose faite grâce à un travail mené en Australie et en Nouvelle-Zélande par Caroline A. Crowther (Adélaïde) et coll. Et ses conclusions sont totalement rassurantes.

L'équipe est partie d'une cohorte qui avait déjà fait l'objet d'études quelques années auparavant. Les mères avaient reçu une première dose de 11,4 mg de bétaméthasone ou un placebo. La même dose était injectée toutes les semaines tant que la femme était jugée à risque d'accouchement prématuré jusqu'à la 32e semaine.

Taux de survie sans handicap majeur similaire.

Sur les 1 085 enfants de cette cohorte, vivants à l'âge de 2 ans, 1 047 ont pu être évalués (521 soumis aux corticoïdes et 526 au placebo). Le taux de survie sans handicap majeur était similaire entre les deux groupes de bébés, avec respectivement 84,4 et 81 %, soit un risque relatif ajusté de 1,04. L'analyse des différentes pathologies ne montre aucune différence significative en ce qui concerne la taille, la consommation de soins, la morbidité d'origine respiratoire, les scores comportementaux (notamment sur l'agressivité). Il convient juste de relever que les enfants ayant reçu des corticoïdes de façon répété inutero ont justifié une surveillance pour des problèmes d'attention.

La taille de la cohorte apparaît suffisante pour voir surgir même de minimes différences entre les deux groupes de traitement. Cependant, en ce qui concerne les aptitudes neurosensorielles, l'âge de 2 ans semble insuffisant, notamment pour mettre en évidence des déficits subtils. Aussi, pour évaluer les fonctions cognitives, notamment au plan de l'exécution, un suivi prolongé semble nécessaire.

Un point est également relevé par les auteurs : la pression artérielle. En effet, environ un tiers des nouveau-nés enrôlés avaient une tension au-delà du 95e percentile. Il est connu que la prématurité est associée à un doublement du risque d'HTA au-delà de 30 ans. Mais, au cours de l'étude, aucune élévation de la pression artérielle n'a été relevée à 2 ans.

Un bénéfice immédiat.

Cette étude peut sembler aller à l'encontre de travaux antérieurs. Des études observationnelles ont comparé, chez l'humain, des doses itératives de corticoïdes et une injection unique. Le traitement répété semblait occasionner un retard de croissance, un comportement infantile anormal et même un retard de développement psychomoteur. Toutefois, seulement quelques-unes de ces études ont constaté une majoration de l'incidence d'un handicap neurosensoriel après des doses multiples de corticoïdes. Une étude suggérait même une diminution de risque de comitialité. L'équipe qui rapporte son travail cette semaine, l'Australian Collaborative Trial of Repeat Doses of Steroids (Actords), avait montré antérieurement un bénéfice immédiat de la multiplication des injections. Par rapport à une dose unique, il y avait moins de syndromes de détresse respiratoire (33 % contre 41 %), moins d'affections pulmonaires néonatales sévères (12 % contre 20 %) et moins de morbidité grave (20 % contre 26 %). Ces données ont été confirmées par une métaanalyse, mais qui manquait aussi d'informations sur le suivi à deux ans.

Caroline A. Crowther et coll. en concluent que les cliniciens peuvent envisager la prescription d'une injection unique d'un corticoïde, répétée de façon hebdomadaire si la femme demeure à risque d'accouchement prématuré, 7 jours ou plus après une injection initiale.

« New England Journal of Medicine », 357 ; 12, 1179-1189, 20 septembre 2007.

Un sur-risque d'épilepsie

Un groupe de médecins américains, Ronald J. Wapner (New York) et coll., tempère les résultats positifs de leurs confrères australiens et néo-zélandais. Selon un travail qu'ils publient dans le même numéro du « New England Journal of Medicine », la répétition des doses de corticoïdes chez la femme enceinte, en cas de risque de prématurité, montre un effet indésirable à l'âge de deux ou trois ans : une majoration du risque d'épilepsie.

Un total de 556 enfants ont pu être suivi au cours du travail. Leurs mères, entre 23 et 31 semaines de gestation, avaient reçu soit un corticoïde, soit un placebo. Après une première injection, celles qui étaient toujours enceintes au bout de sept jours recevaient 12 mg de béthamétasone (ou le placebo) deux jours de suite. Leurs enfants ont été revus aux âges de 2 à 3 ans. Ils ont alors subi une évaluation, avec, pour certains, une mesure sur l'échelle de développement infantile de Bailey (n = 465) ou un examen physique (n = 486).

Selon ces deux types d'évaluation, aucune différence n'a été relevée entre ceux ayant reçu les corticoïdes et ceux ayant reçu le placebo in utero. En revanche, à l'étude du risque de comitialité, il est apparu que six des enfants (2,9 % des grossesses) soumis à la corticothérapie avaient des crises comitiales contre un seul (0,5 % des grossesses) du groupe placebo. Le risque relatif est évalué à 5,7. De quoi pousser les recherches dans ce domaine particulier.

« New England Journal of Medicine », 357 ; 12 : 1190-1198, 20 septembre 2007.

> Dr GUY BENZADON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8219